Une épineuse question, sur laquelle l’ancien Premier ministre belge a pris soin de ne surtout pas se prononcer, ouvrant en grand les vannes du robinet d’eau tiède sur la démocratie participative et l’engagement de la jeunesse.
Les difficultés liées aux règles de décisions de l’UE se sont pourtant manifestées de manière criante ces quatre jours, lors d’un sommet qui a failli battre le record de durée atteint lors de la négociation du traité de Nice.
L’accord, qui nécessitait l’unanimité des Etats, a longtemps été menacé par les réticences des pays dits « frugaux » (Pays-Bas, Autriche, Suède, Danemark, Finlande), qui cumulent ensemble à peine 10% de la population du continent.
Un consensus n’a été finalement obtenu dans la nuit de mardi qu’au prix de concessions significatives à cette coalition, notamment à travers une réduction de la part des subventions dans le montant prévu (390 milliards sur 750 au final).
De sorte que la question se pose légitimement : ne serait-il pas préférable d’opter à l’avenir pour la règle de la majorité qualifiée dans ce type de négociations ? « Cette question est tout à fait pertinente, reconnaît de bonne grâce Charles Michel. Si on veut la poser, on doit ouvrir le débat sur les traités européens ».
Problème : changer ces règles nécessiterait une modification des traités… qui doit elle-même être validée à l’unanimité. En plus de transformer régulièrement les négociations européennes en interminable bras de fer, ces conditions rendent presque impossible une lutte contre le dumping pratiqué par certains pays, entre autres les Pays-Bas
« Souffle positif »
Mais plutôt que de constater cette impasse, Charles Michel se lance à pleine vitesse sur l’autoroute de la langue de bois après ses propos liminaires. « Il y a une décision très importante que nous sommes en train de prendre avec le Parlement européen, qui joue un rôle important parce qu’il représente directement les 450 millions de citoyens européens grâce à l’élection directe, qui créé cette légitimité, ce lien avec le peuple européen« , expose-t-il.
Voilà le rôle du Parlement bien établi, bien qu’il n’ait rien à voir avec la question. « Cette idée, continue Charles Michel, c’est de mettre en place une grande conférence sur le futur de l’Europe« . Mais attention, « pas une conférence technocratique, bureaucratique » : il s’agirait « au contraire de se mettre en lien direct avec les jeunes générations« , dont « on voit bien qu’ils ressentent (…) que la société dans laquelle on vit est en transition, qu’elle se transforme« , développe l’ancien premier ministre belge.
Le Parlement avait en effet proposé qu’une conférence réunisse des citoyens autour de l’avenir de l’UE, dans une sorte de réplique de la convention climat. Pourquoi pas, mais l’unanimité dans tout ça ?
Face à ces circonvolutions, un des deux journalistes présents tente bien de relancer l’ancien premier ministre belge : « On peut changer les règles, Charles Michel, on peut réformer l’Europe ?« .
Mais le président du Conseil s’engage sans coup férir dans un nouveau tunnel de banalités. « Je pense qu’on doit mener ce débat directement avec les citoyens. Je ne crois pas trop avec cette idée que les élites européennes doivent inventer une amélioration des traités« , explique-t-il.
Avant d’enchaîner, toujours aussi approximatif : « Les défis auxquels nous sommes confrontés, difficiles et exaltants, (…) les jeunes générations, on l’a vu dans les marches pour le climat, qui sont un formidable souffle d’espoir, il y a cette capacité de transformer cette énergie en souffle positif pour l’avenir« .
Les auditeurs qui se souvenaient encore de la question n’auront pas manqué d’être rassurés.
Maderpost / Marianne