La fin d’une ère. Ce samedi, l’Allemagne ferme ses trois derniers réacteurs nucléaires, aboutissement d’une sortie de l’énergie atomique engagée de longue date, malgré l’incompréhension que suscite parfois cette décision dans le contexte d’urgence climatique.
TRANSITION ENERGETIQUE – A minuit au plus tard, les centrales d’Isar 2 (sud-est), Neckarwestheim (sud-ouest) et Emsland (nord-ouest) seront déconnectées du réseau électrique. Le gouvernement allemand leur avait accordé un sursis de quelques semaines, par rapport à l’arrêt initialement fixé au 31 décembre, mais sans remettre en cause la décision de tourner la page du nucléaire.
La première économie européenne ouvre un nouveau chapitre énergétique, après avoir été mise au défi de se sevrer des énergies fossiles, tout en gérant la crise gazière déclenchée par la guerre en Ukraine.
Cette sortie du nucléaire « s’inscrit sur du temps long », observe Camille Defard, chercheuse en politique de l’énergie à l’Institut Jacques Delors. Après une première décision de Berlin, au début des années 2000, d’abandonner progressivement l’atome, l’ex-chancelière Angela Merkel avait accéléré le processus après la catastrophe de Fukushima, en 2011, effectuant une spectaculaire volte-face politique. Depuis 2003, l’Allemagne a déjà fermé 16 réacteurs.
L’invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022, aurait pu tout remettre en question : privée du gaz russe dont Moscou a interrompu l’essentiel des flux, l’Allemagne s’est retrouvée exposée aux scénarios les plus noirs, du risque d’arrêt de ses usines à celui d’être sans chauffage.
L’hiver s’est finalement passé sans pénurie, le gaz russe a été remplacé par d’autres fournisseurs mais le consensus autour de la sortie du nucléaire s’est effrité : dans un récent sondage pour la chaîne publique ARD, 59 % des personnes interrogées estiment qu’abandonner le nucléaire dans ce contexte n’est pas une bonne idée.
L’Allemagne doit « élargir l’offre d’énergie »
L’Allemagne doit « élargir l’offre d’énergie et non la restreindre davantage » au vu des risques de pénuries et des prix élevés, a déploré le président des chambres de commerce allemandes, Peter Adrian, dans le quotidien Rheinische Post.
Entretemps, la part des renouvelables dans le « mix » de production a atteint 46 % en
2022, contre moins de 25 % dix ans plus tôt. Les trois dernières centrales n’ont fourni que 6 % de l’énergie produite dans le pays l’an dernier, alors que le nucléaire représentait 30,8 % en 1997.
« Après 20 ans de transition énergétique, les énergies renouvelables produisent aujourd’hui environ une fois et demie plus d’électricité que le nucléaire n’en produisait à son apogée en Allemagne », dit Simon Müller, directeur Allemagne du centre d’études Agora Energiewende, spécialisé dans la transition énergétique.
Mais en Allemagne, plus gros émetteur de CO2 de l’Union européenne, le charbon représente encore un tiers de la production électrique, avec une hausse de 8 % l’an dernier pour compenser l’absence de gaz russe. Si bien que même l’activiste suédoise Greta Thunberg avait lancé une pique à Berlin, jugeant préférable de continuer à utiliser les centrales pour réduire le recours au charbon.
Fermeture des centrales à charbon en 2038 au plus tard
« La relance de l’énergie fossile pour compenser la sortie du nucléaire ne va pas dans le sens de l’action climatique » portée au niveau européen, a tancé cette semaine le ministère français de la Transition énergétique.
La France, avec 56 réacteurs, reste le pays le plus nucléarisé par habitant. Au niveau européen, les divergences sont vives entre Paris et Berlin sur le rôle de l’atome.
L’Allemagne préfère se concentrer sur son objectif de couvrir 80 % de ses besoins en électricité grâce aux renouvelables dès 2030, tout en fermant ses centrales à charbon en 2038 au plus tard.
Le pays doit maintenant « mettre le paquet » sur l’éolien terrestre, prévient Simon Müller. Il faudra installer « 4 à 5 éoliennes chaque jour » au cours des prochaines années pour couvrir les besoins, a prévenu Olaf Scholz.
Maderpost / 20 Minutes