Kaolack ne sera plus l’attraction ce weekend. Deux jeunes chanteurs, des talents sûrs de la musique sénégalaise, ont failli s’affronter à distance. Il s’agit de Wally Seck et de Sidy Diop. Ils ont exporté leur rivalité dans le Saloum, loin de la capitale sénégalaise. Ces deux chouchous de la musique devaient, le même jour, organiser des spectacles au grand bonheur des mélomanes. MUSIQUE – Connu pour son audace, Wally Seck a voulu jouer au grand. Il va se produire au stade municipal de Kaolack. Le billet d’entrée pour prendre part à ce show est fixé entre 10 mille et 20 mille francs CFA, trois fois plus chers que ceux de son rival. Sidy Diop, qui devait jouer au Cœur de ville, avait fixé ses entrées à 3000 francs CFA. Deux spectacles qui, sans nul doute, devaient être riches en sons et en lumières. Cette concurrence accrue entre ces deux jeunes de la musique sénégalaise n’est pas pourtant appréciée par les professionnels. Lesquels pointent un doigt accusateur sur leurs staffs respectifs qui, selon eux, « manquent de professionnalisme ». Ces coïncidences de date et de lieu de spectacle entre les deux artistes commencent à devenir une habitude fâcheuse. Il y a quelques mois, les deux chanteurs ont sorti, presque le même jour, un opus presque identique en reprenant tous les deux les tubes de Youssou Ndour. Dj Boubs : « Chacun veut être numéro 1 » Interpellé sur la dualité entre les deux jeunes artistes, Boubacar Diallo alias Dj Boubs se veut prudent. « Je ne peux pas te dire l’intention des uns et des autres. Je ne peux pas te dire non plus que si c’est une concurrence saine ou pas. Ce qu’il faut retenir, c’est que chacun veut se positionner, chacun veut être numéro 1 sur la scène musicale sénégalaise », a analysé l’animateur vedette à Iradio (90.3). A son avis, cela fait partie du « show business » et ça a toujours été comme ça avec les ainés. « Youssou Ndour a toujours talonné le regretté Thione Ballago Seck, Omar Pène, etc. Le milieu est ainsi fait. C’est la concurrence. Pour moi, ce que Wally et Sidy font en ce moment, c’est du déjà vu et vécu. C’est une concurrence, dans une moindre mesure, saine et, elle rime avec le milieu du showbiz », relativise-t-il non sans indiquer que dans cette guerre de positionnement, c’est la musique sénégalaise qui va gagner en notoriété. Fadel Lo : « De tout le temps, il y a eu une saine émulation entre les ténors » Pour sa part, le journaliste culturel, Mouhamadou Fadel Lo, constate pour s’en désoler que depuis un bon moment, certains artistes ont pris la fâcheuse habitude de se marcher sur les pieds. « Il est devenu très banal de voir deux têtes d’affiche jouer à la même date et à la même heure sur un même espace. Ce qui, en soi, n’est pas condamnable. Mais, c’est toute l’effervescence et le bruit que suscitent ces joutes qui poussent les uns et les autres à se poser des questions », a soutenu le journaliste. Or, renchérit-il, « pour regarder la lune, il n’est point besoin de se bousculer ». M. Lo d’ajouter : « De tout le temps, il y a eu une saine émulation entre les ténors. » Histoire de la musique sénégalaise Des duels et des duos « Il y a eu des confrontations mémorables entre Thione Seck et Ndiaga Mbaye », rappelle Fadel Lo. Il explique que ces deux monstres sacrés qui évoluaient à l’époque dans la musique traditionnelle ont pourtant accepté de jouer ensemble au Théâtre Daniel Sorano. « Ndiaga Mbaye a eu à écrire des chansons pour Abdoulaye Mboup et cela n’a jamais choqué personne. Ce même Ndiaga Mbaye a partagé le micro avec feu Mangoné Ndiaye Pape Diossy Diop et Ndiaye Samba Mboup dans une parfaite harmonie. Avant de lancer le Raam daan, Thione seck a effectué un court passage au Ngeweul de Dakar et il a eu à partager le micro avec Pape Djiby Ba, Pape Mboup et Marcel Nunez… », rappelle-t-il encore. A l’en croire, Le Star band Number One et le Baobab ont eu à s’affronter de manière fraternelle, au cours d’un concert commun. Ismaël Lo a eu à faire des chœurs pour Omar Pène, même après son départ du Super Diamono. Alors qu’à L’Etoile de Dakar, plus de cinq chanteurs se partageaient le micro. Il s’agissait de Youssou Ndour, El Hadji Faye, Eric Mbacké Ndoye, Mar Seck, Rane Diallo, Alla Seck et Ouzin Ndiaye. Fadel poursuit : « Avec l’Ensemble Instrumental du Sénégal, toutes les divas que sont Khar Mbaye, Madiaga, Kiné Lam, Madiodio Gningue, Fatou Thiam Samb, Khady Diouf, Mahawa Kouyauté…, se relayaient au micro et chacune assurait les chœurs pour l’autre sans aucune arrière-pensée. Tout le monde sait qu’entre les fans de Youssou Ndour et d’Omar Péne, par moments, c’était pire que les derbys Ja-Jaraaf. Pourtant les deux artistes ont eu à prendre de la hauteur et n’ont pas hésité à sortir un album ensemble. Euleuk Sibir a grandement contribué à faire baisser la tension et à prouver à la face du monde que les deux chanteurs n’étaient pas des rivaux encore moins des ennemis. » Au cours des différentes célébrations de la Fête de la Musique à Dakar, presque tous les grands orchestres sénégalais se relayaient sur la scène du Stade Demba Diop sans aucun problème. Pour M. Lo, il est toujours possible de cultiver une saine émulation dans le milieu musical sans pour autant atteindre certains niveaux. « Ce marquage à la culote ne sert à rien du tout. La musique est un vaste champ assimilable à un océan et tous les paquebots peuvent y naviguer sans pour autant se gêner. Cette course effrénée au buzz et l’influence des réseaux sociaux ne doivent pas aveugler les principaux protagonistes. Il leur appartient de prendre de la hauteur et de savoir que le champ de la musique est très éloigné de celui de la lutte », a conclu M. Lo. Guissé Pène : « C’est la dégradation de l’environnement musical » Consultant culturel, Guissé Pène donne son avis sur la rivalité entre Wally Seck et Sidy Diop. D’emblée, il a rappelé que le Sénégal a connu par le passé de grands hommes qui ont crédibilisé la musique, non pas par une adversité mais par leur performance et le dynamisme de leurs œuvres. « Aujourd’hui nous assistons à la dégradation de l’environnement musical sous tous ses aspects avec la médiocrité des produits, la réduction de l’espace d’expression (fermetures des lieux de spectacles qui oblige les artistes à s’exiler dans les restaurants), une absence d’accompagnement des bailleurs, des mécènes, de véritables agences de productions et surtout une concurrence déloyale parfois agressive », analyse-t-il pour le regretter. Pour lui, il serait stupide de penser que c’est par des scandales ou le buzz qu’on se fera apprécier ou respecter. « La musique est de plus en plus compétitive et le niveau de compétence exigé est toujours plus élevé pour convaincre. Le marché sénégalais est très étroit et comporte peu de consommateurs. Il y a peu d’espace. Ce qui exige beaucoup de travail, de méthodes et de stratégies pour exploiter toutes les ressources, pour être toujours présent », renseigne-t-il. Maderpost / Emedia ]]>
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