Au Sénégal, à l’Institut culturel italien de Dakar, une exposition appelée « Dem Dikk, Via Vaï » rend hommage du 21 mai au 14 juillet 2024 au marché Sandaga, lieu de vie emblématique de la capitale dont le bâtiment a été détruit en 2020. Présentation.
CULTURE – Au Sénégal, le report de la 15e Biennale de l’art africain contemporain n’a pas empêché de nombreuses expositions du Off de se tenir aux dates initialement prévues. À l’Institut culturel italien, une exposition collective appelée « Dem Dikk, Via Vaï » (pour « va et viens » en français) rend hommage au marché Sandaga, lieu de vie emblématique au cœur de Dakar.
Le bâtiment a été détruit en 2020, mais les vendeurs sont restés et le marché a inspiré les artistes par sa vitalité. Entre les œuvres, les sons du marché accompagnent les visiteurs pour une expérience sensorielle complète.
« J’espère pour ceux qui visiteront l’exposition qu’on reconnaît le marché Sandaga »
Le duo d’artistes italiens Jukai a utilisé des matériaux trouvés au marché pour son travail : briques de béton ou encore fleurs séchées. C’est l’énergie du lieu qui les a saisis, comme explique Riccardo Pirovano : « C’est un chaos mais tu comprends que c’est organisé, en réalité. À chaque fois qu’on va à Sandaga, on découvre de nouveaux recoins. C’est comme une vague qui te prend et te transporte d’un bout à l’autre. »
Le grand marché Sandaga fait partie de l’histoire personnelle de beaucoup de Sénégalais. C’est le cas pour Djibril Dramé, artiste visuel : « Je me suis rendu compte que Sandaga était très proche de moi parce que ma mère, en réalité, a travaillé dans ce petit coin qu’on appelle Roukhou Diskette, où les jeunes dames et les jeunes filles vont pour acheter, pour se faire belles. Et avec son argent, elle nous a nourri à la maison. »
Il réinterprète ses souvenirs avec des photos d’archives, des sacs de riz réutilisés et des vidéos. Pour le commissaire Mohamed Amine Cissé, la diversité des œuvres fait la richesse de l’exposition : « Et c’est pour ça que je parle de complémentarité quand on la regarde dans son ensemble. En additionnant les éléments – en tout cas pour le Dakarois que je suis – j’espère, pour ceux qui visiteront l’exposition, qu’on reconnaît le marché Sandaga. »
« Le marché Sandaga, ils ont mis deux ans pour le construire et un jour pour le démolir »
Les transformations autour du marché et de la ville ont par ailleurs inspiré Stefania Gesualdo, une artiste italienne installée au Sénégal depuis plus de 10 ans. Elle présente plusieurs œuvres, dont une tapisserie qui représente la façade de l’architecture sahélienne du marché Sandaga désormais disparue, qu’elle vient découdre progressivement pour que, ne restent plus que les silhouettes des vendeurs : « Ça donne aussi un peu la dimension de tout ceci, éphémère. Il faut des années pour construire un marché. Le marché Sandaga, ils ont mis deux ans pour le construire et un jour pour le démolir. Et donc moi, j’ai mis presque trois mois pour faire cette tapisserie et dans une soirée, et une journée je pense, je verrai démolir la façade pour essayer de réfléchir un peu sur ça : la démolition et la violence de ce processus, la résistance des gens qui s’adaptent constamment. »
Elle poursuit : « Le marché, il existe toujours, même si son bâtiment n’est plus là. Et ça existe grâce aux personnes en fait, aux personnes qui ont développé le marché autour du chantier. Je vois le chantier comme un lieu de transition parce que quelque chose était là et il ne l’est plus. Mais il va redevenir autre chose et les chantiers, ils changent leur périmètre constamment, et les gens s’adaptent constamment. »
L’exposition continue jusqu’au 14 juillet.
Maderpost / Rfi