Cent quarante-et-un citoyens sénégalais ont publié une tribune dans laquelle ils défendent ‘’la liberté d’opinion en toutes circonstances’’, tout en déplorant notamment la caporalisation de la télévision publique par le gouvernement et ’’la systématisation du risque de violence verbale et physique sur toute opinion divergente’’.
TRIBUNE – ’’Les régimes qui se sont succédé dans la gestion de notre pays ont en commun d’avoir été intimidants’’, soulignent les signataires de cette tribune intitulée ’’De la liberté d’opinion en toutes circonstances !’’.
Ces signataires, dont des avocats, universitaires, journalistes, relèvent que ‘’les intérêts de quelques-uns l’ont beaucoup trop souvent emporté sur l’impérieuse nécessité de privilégier ce qui est appelé intérêt général et qui peut être défini comme la capacité des individus à transcender leurs appartenances et leurs intérêts pour exercer la suprême liberté de former ensemble une société politique’’.
Selon eux, ‘’ces différents régimes ont, à maintes reprises, certes à des degrés différents, mis leurs intérêts immédiats, y compris donc ceux de leurs proches et alliés, au-dessus de ce que recommande l’éthique républicaine’’.
’’Ils ont tous, sans exception, caporalisé la télévision et la radio publiques et les ont transformées en organes de propagande gouvernementale. Ils ont menacé et fermé des médias, sans oublier d’user de la violence dite légitime pour réprimer les contestataires et embastiller des opposants. Tout Sénégalais, quel que soit son bord politique, peut témoigner de cet état de fait socio-historique’’, fustigent-ils.
Ils relèvent aussi que ‘’même si, fort heureusement, nous n’avons jamais vécu de coup d’Etat, et si les moments de paix ont largement dominé les moments de tension extrême, la violence verbale et physique a malheureusement trop souvent accompagné le jeu politique sénégalais’’.
Si d’un côté, ‘’des forces de l’ordre et/ou des milices privées ont martyrisé des individus et saccagé des biens publics et privés, divers et variés’’, d’un autre, ‘’certains médias se sont faits spécialistes de l’insulte et de la calomnie tandis que d’autres ont tout simplement été saccagés’’.
Les signataires de la tribune déplorent la présence de ‘’pseudo-sentinelles, des e-combattants ou +répondeurs automatiques+ lyncheurs de pensée ou d’opinion’’ qui ‘’ont régulièrement inondé les fora de discussion pour défendre les tenants des différents régimes ou des leaders de l’opposition’’.
Les signataires témoignent ’’de la liberté qui a toujours été donnée à tout un chacun de critiquer les groupements et individus d’un camp quelconque sans faire l’objet systématique d’une pluie d’insanités, de menaces ou de violences physiques pouvant aboutir à l’incendie de sa maison’’.
Ils notent que ‘’la grande nouveauté aujourd’hui, c’est la systématisation du risque de violence verbale et physique sur toute opinion divergente. Les réseaux sociaux sont devenus un lieu où règne à outrance cette pensée unique’’.
’’Aucune opinion divergente n’y est plus admise. Le Sénégal ayant toujours été un pays de dialogue, de débat d’idées et de bouillonnement intellectuel, nous perdrions gros si le débat contradictoire dans l’espace public (Fora, Télévisions, Radios et Réseaux sociaux) y devenait quasi impossible, par crainte de représailles, sous quelque forme que ce soit’’, préviennent-ils.
Les signataires de la tribune rappellent que ‘’les militants et sympathisants des camps opposés peuvent discuter, arguments à l’appui, sans verser dans l’inacceptable’’.
Autant, ils combattront ‘’par tous les moyens légitimes et légaux les dérives de l’Etat et de ses tenants’’, autant ils ne sauraient se taire ‘’par peur de représailles d’individus qui considèrent qu’ils détiennent la vérité absolue et que toute divergence avec leur compréhension et conviction ressemblerait à un outrage’’.
Pour eux, ‘’lorsque nous en arrivons à ce que des journalistes et des intellectuels soient systématiquement insultés et menacés pour avoir simplement donné un avis différent de celui d’autres, nous perdons ce qui, entre autres, a toujours fait la spécificité de ce pays : chérir la réflexion, l’analyse et le débat’’.
Ils estiment qu’il ‘’est donc plus qu’impératif que nous sauvegardions, sans avoir à en payer le prix, cet inestimable bien public qu’est la liberté d’opinion. L’espace public démocratique est un espace de contradictions et non d’unanimisme. ( …)’’.
Ces signataires rappellent qu’’’être républicain/Démocrate/Patriote/Citoyen, c’est aussi être capable de faire preuve d’esprit d’ouverture et de dépassement pour favoriser le débat constructif en toutes circonstances’’.
Ils soulignent que ‘’le respect de la pluralité des expressions libres et responsables est une condition sine qua non pour la sauvegarde de notre volonté commune de vivre ensemble dans un Sénégal paisible et respecté’’.
Maderpost / APS