Le président tunisien Kaïs Saïed a annoncé dimanche soir qu’il suspendait les travaux du Parlement et démettait de ses fonctions le chef du gouvernement Hichem Mechichi, après une journée de manifestations contre les dirigeants tunisiens.
KAÏS SAÏED – Avec notre correspondante à Tunis, Lilia Blaise. Des klaxons dans les rues et des Tunisiens qui sortent en plein couvre-feu pour célébrer ou questionner ce qu’il s’est passé dans la soirée de dimanche soir. Après une série de manifestations apolitiques à travers tout le pays, le président a réuni en urgence les représentants du pouvoir miliaire et des forces de police. Le président de la République a déclaré qu’il limogeait Hichem Mechichi, le chef du gouvernement, et qu’il allait nommer un successeur pour qu’il nomme une nouvelle équipe ministérielle dans les jours à venir. « Nous allons annoncer d’autres mesures pour sauver la Tunisie. Le peuple tunisien doit continuer sa révolution en toute légitimité et nous appliquerons la loi », a-t-il déclaré à l’issue d’une réunion d’urgence au palais de Carthage avec des responsables des forces de sécurité. « Nous traversons des moments très délicats dans l’histoire de la Tunisie », a ajouté le chef de l’État.
« Ce n’est ni une suspension de la Constitution ni une sortie de la légitimité constitutionnelle, nous travaillons dans le cadre de la loi », a-t-il assuré en prenant appui sur l’article 80 de la Constitution qui lui permet de prendre des mesures exceptionnelles en cas de danger imminent pour le pays. Mais le texte n’est pas clair sur ces mesures, et rien n’est dit sur le limogeage du chef du gouvernement, la levée de l’immunité des députés, ou encore le gel du travail du Parlement pour un mois, comme l’a déclaré Kaïs Saïed dans un communiqué sur Facebook.
Ennahdha dénonce un « coup d’État »
Selon le texte, le président doit aussi en référer à la Cour constitutionnelle qui n’existe pas pour le moment en Tunisie.
Le président tunisien est engagé depuis des mois dans un bras de fer avec le principal parti parlementaire, Ennahdha. Au pouvoir depuis la révolution de 2011, le parti islamiste est directement visé par ces mesures. Le chef du Parlement Rached Ghanouchi est le leader du parti et Hichem Mechichi, le désormais ex-Premier ministre était soutenu par ce mouvement proche des Frères musulmans.
Ennahdha a réagi aussitôt après les déclarations du chef de l’État, via un communiqué sur sa page Facebook : il s’agit pour le parti islamiste d’« un coup d’État contre la révolution et contre la Constitution », soulignant que ses « partisans (…) ainsi que le peuple tunisien défendront la révolution ».
Ce lundi matin, Rached Ghannouchi observait un sit-in devant la chambre à Tunis, après avoir été empêché d’y accéder par des forces militaires.
Actuellement, les réactions des Tunisiens sont partagées, ne sachant pas s’ils sont en train d’assister à un coup d’État ou bien à un nouveau souffle face au blocage politique qui durait depuis des mois. Toutefois, après ces annonces, des centaines de Tunisiens sont descendus dans les rues pour manifester leur joie, comme en témoigne Hena Shenaoui. Cette habitante de la capitale avait manifesté quelques heures plus tôt.
Maderpost / Rfi