L’ONG Transparency International France lance un appel aux dons dans le cadre de la lutte, la récupération et restitution des Biens mal acquis, a appris vendredi Maderpost.
GOUVERNANCE – « Aidez-nous à faire condamner les dirigeants kleptocrates qui blanchissent leur argent sale en France », dit l’ONG, soulignant qu’elle remporte, depuis 15 ans, des « victoires contre les dirigeants étrangers qui blanchissent leur argent sale en France ».
« Aidez-nous à préparer la restitution de ces avoirs spoliés », poursuit-elle donnant l’exemple d’un « hôtel particulier situé sur la prestigieuse avenue Foch, dans le 16e arrondissement de Paris » vallant plus de 100 millions d’euros. « En juillet 2021, la justice française l’a confisqué à Teodorin Obiang, vice-président et fils de l’actuel président de la Guinée équatoriale. »
Selon Transparency International, la justice a pu déterminer qu’il s’agissait d’un « bien mal acquis », « c’est à dire que son propriétaire l’avait acheté à son seul profit avec de l’argent détourné dans son pays d’origine, la Guinée équatoriale ».
« Pour cela, Teodorin Obiang a été définitivement condamné par la justice française pour blanchiment de détournement de fonds publics à 3 ans de prison avec sursis, 30 millions d’euros d’amende et la confiscation de l’ensemble de ses biens en France, estimés à 150 millions d’euros », ajoute-telle precisant que la décision est venue clore un « marathon judiciaire de 14 ans, lancé grâce à une plainte déposée par Transparency France ».
« Nous pouvons désormais préparer la restitution de ces biens aux Equato-Guinéens, un projet rendu possible grâce au mécanisme de restitution dont nous avons obtenu la création en juin 2021. Cette restitution serait utile : avec ces 150 millions d’euros, ce sont 45 hôpitaux qui pourraient être construits en Guinée équatoriale. »
Selon l’ONG française, « cette victoire pourrait en appeler d’autres. Car si Teodorin Obiang a été le premier dirigeant étranger à être condamné en France dans une affaire de biens mal acquis, d’autres procès pourraient suivre rapidement, notamment ceux des clans Bongo et Sassou Nguesso en 2023 ».
En tout, Transparency International France est partie civile dans une demi douzaine d’affaires et ce n’est pas fini car la plainte déposée en mai 2022 contre cinq oligarques russes et proches de Vladimir Poutine a entraîné l’ouverture d’une enquête préliminaire du Parquet national Financier dès le mois de juillet.
« Faire condamner les dirigeants kleptocrates, confisquer leurs biens mal acquis en France et les restituer aux populations, c’est ça lutter contre la corruption”, dit-elle, rappelant qu’elle a déposé une plainte contre X pour blanchiment, non justification de ressources, recel et complicité, afin de dénoncer le système de capture de l’Etat russe et de la richesse nationale par des hommes d’affaires et hauts fonctionnaires proches de Vladimir Poutine.
Selon elle, c’est un système qui étend ses ramifications jusqu’en France, dans le secteur de l’immobilier notamment, du fait d’un manque de vigilance des intermédiaires.
« L’ambition des mesures de sanctions contre la Russie et les premières annonces de gel se heurtent aux difficultés d’identifier le patrimoine des personnes sanctionnées. En France, comme ailleurs, la traque des avoirs des oligarques et des proches du régime russe piétine », constate l’ONG disant que « les obstacles à l’identification de ces patrimoines sont de même nature que ceux qui empêchent de lutter contre les flux financiers illicites : recours à des intermédiaires (banques, avocats, comptables, agents immobiliers, notaires, etc.) et à des prête-noms, empilement de sociétés écrans ou de trusts enregistrés dans des paradis fiscaux et judiciaires ».
Transparency International France plaide depuis plus de quinze ans pour une plus grande transparence des informations sur les bénéficiaires effectifs, une meilleure supervision des intermédiaires et une augmentation des moyens de la justice et de la police spécialisées dans la lutte contre la grande délinquance économique et financière.
C’est dans ce cadre que s’inscrit la plainte déposée au nom de l’association par le cabinet Bourdon & Associés.
Patrick Lefas, président de Transparency International France : « En s’appuyant sur les registres récemment rendus accessibles au public tels que le registre des bénéficiaires effectifs et le cadastre, et sur des sources ouvertes (enquêtes de journalistes d’investigation, procédures judiciaires engagées à l’étranger, rapports parlementaires, etc.), nous avons pu dresser un inventaire du patrimoine immobilier en France de plusieurs oligarques et proches du régime russe, identifier les chaînes de propriétés mises en place à cet effet, et réunir un faisceau d’indices sur l’origine illicite des ressources ayant permis l’acquisition de ces patrimoines ».
« Nous comptons bien poursuivre ce travail sur d’autres cas emblématiques.”
Il appartient maintenant à la justice française de déterminer l’origine des fonds qui ont permis l’acquisition et l’embellissement de ces biens en France, et de tirer toutes les conséquences du concours prêté par des intermédiaires français, peu scrupuleux ou négligents, à la réalisation de ces opérations. »
La finalité de cette nouvelle plainte, qui s’inscrit dans la continuité de celles déposées par Transparency International France en 2008 (Guinée Equatoriale, Gabon, Congo) et en 2011 (Tunisie, Egypte, etc.), est la sanction de ces pratiques et la restitution des avoirs confisqués aux victimes de la corruption. Cette plainte est la première et nécessaire étape de ce long chemin.
Pour Délia Ferreira, présidente de Transparency International, « Le mouvement Transparency international soutient l’action de sa section française qui, depuis près de 15 ans, a fait preuve de sa légitimité à agir en justice dans les affaires de biens mal acquis afin d’obtenir leur confiscation, puis leur restitution. L’Etat de droit est la seule option dont disposent les régimes démocratiques pour lutter contre la corruption, et les ONG ont un rôle essentiel à jouer pour aider les pouvoirs politique et judiciaire à mettre en mouvement l’action publique et à agir et lutter contre ces pratiques et ceux qui les rendent possibles. »
Maderpost