Il est des poncifs parfois utiles aux discours épistémologiques, comme celui qui dit qu’un pays fait son Histoire, mais subit sa Géographie. S’approprier la première est d’une urgence absolue dans le bouleversement actuel du monde. Il est en effet une évidence partagée que nous vivons un moment charnière.
TRIBUNE – Dans ce contexte, que peut l’histoire, cet art de la pensée ? Sûrement, et c’est notre ferme conviction, elle peut fournir des raisons d’agir et d’inventer d’autres horizons politiques ; de construire un substrat intellectuel, moral, éthique, bref ontologique sur lequel bâtir une nation forte et unie.
L𝗲 𝗦𝗲́𝗻𝗲́𝗴𝗮𝗹 𝗮 𝗹𝗮 𝗰𝗵𝗮𝗻𝗰𝗲 𝗱’𝗲̂𝘁𝗿𝗲 𝘂𝗻𝗲 𝗻𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗮𝘃𝗮𝗻𝘁 𝗱’𝗲̂𝘁𝗿𝗲 𝗘𝘁𝗮𝘁, ce dernier ne datant que de 64 ans. Cette commune volonté de vivre en commun, cette unicité de notre destin collectif, en tant que Sénégalaises et Sénégalais, dépasse de loin le cadre conceptuel de l’Etat, balafré par des siècles d’esclavage et de colonialisme.
𝗣𝗲𝗻𝘀𝗼𝗻𝘀 𝗱𝗼𝗻𝗰 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗵𝗶𝘀𝘁𝗼𝗶𝗿𝗲, 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗳𝗮𝗴𝗼𝘁 𝗱𝗲 𝗺𝗲́𝗺𝗼𝗶𝗿𝗲, pour paraphraser le philosophe Souleymane Bachir DIAGNE.
A la vindicte populaire des pressions mémorielles cherchant à compenser le déracinement historique du social, il faut opposer, contre l’angoisse de l’avenir par la valorisation d’un passé, un réarmement national par la symbolique des lieux de mémoire.
𝗟𝗲 𝗰𝗮𝗺𝗽 𝗺𝗶𝗹𝗶𝘁𝗮𝗶𝗿𝗲 𝗱𝗲 𝗧𝗵𝗶𝗮𝗿𝗼𝘆𝗲 𝗲𝘀𝘁 𝘂𝗻 𝗹𝗶𝗲𝘂 𝗱𝗲 𝗺𝗲́𝗺𝗼𝗶𝗿𝗲, absolument crucial pour
l’identité de la nation sénégalaise. Car, c’est le 𝗹𝗶𝗲𝘂 𝗽𝗮𝗿 𝗲𝘀𝘀𝗲𝗻𝗰𝗲 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝗯𝗮𝗿𝗯𝗮𝗿𝗶𝗲 𝗳𝗿𝗮𝗻𝗰̧𝗮𝗶𝘀𝗲, la barbarie de la colonisation française.
Revivons ce lâche massacre, en cette matinée du 1er décembre 1944.
En cette matinée, 1 200 tirailleurs sénégalais (plusieurs nationalités, faut-il le préciser), réclament leurs primes de démotivation et leurs pécules de combattants de la Liberté. Leur courage a été monstrueux, comme une houle battant la falaise, revenus toutes griffes du Lion, ayant fait un piédestal à la statue de Marianne, aux côtés de leurs frères d’armes français, dans une guerre qui n’était pas a priori la leur ?
Unique réponse de cette demande légitime : des mitraillettes et un peloton d’exécution sommaire, retournant leurs armes vers leurs frères d’armes. Bilan : entre 300 et 400 morts, selon les historiens. .
Ce drame mérite bien une réappropriation nationale et en ce sens 𝗹𝗮 𝗱𝗲́𝘁𝗲𝗿𝗺𝗶𝗻𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲 𝗹’𝗮𝗰𝘁𝘂𝗲𝗹 𝗿𝗲́𝗴𝗶𝗺𝗲, 𝗦𝗘 𝗹𝗲 𝗣𝗿𝗲́𝘀𝗶𝗱𝗲𝗻𝘁 𝗕𝗮𝘀𝘀𝗶𝗿𝗼𝘂 𝗗𝗶𝗼𝗺𝗮𝘆𝗲 𝗙𝗔𝗬𝗘 𝗲𝘁, 𝘀𝘂𝗿𝘁𝗼𝘂𝘁 𝗹𝗲 𝗣𝗿𝗲𝗺𝗶𝗲𝗿 𝗠𝗶𝗻𝗶𝘀𝘁𝗿𝗲 𝗢𝘂𝘀𝗺𝗮𝗻𝗲 𝗦𝗢𝗡𝗞𝗢, 𝗲𝘀𝘁 𝗮̀ 𝘀𝗮𝗹𝘂𝗲𝗿 𝗲𝘁 𝗮̀ 𝘀𝗼𝘂𝘁𝗲𝗻𝗶𝗿, par tous les patriotes sincères.
Bravo et mille mercis pour ce geste d’une haute portée symbolique et patriotique.
Seydina Alioune NDIAYE
Economiste, Essayiste
Maderpost