Le refus d’Ousmane Sonko de se soumettre à un test ADN, lors de sa première audition, jeudi 3 novembre 2022, pour des accusations de viols et menaces de mort, suscite plusieurs commentaires dont celui de l’ancien député Théodore Monteil qui a publié sur page Facebook : « Le refus du test ADN est un aveu », la question est de savoir qu’est-ce qui va se passer.
AFFAIRE ADJI SARR VS OUSMANCE SONKO – « Le refus du test ADN est un aveu », poste sur sa page Théodore Monteil. Mais un aveu de quoi ? Un aveu de rapports sexuels ? De viol ? L’affirmation de l’ancien député par ailleurs chimiste de formation, diplômé de l’Université de Lille en ingénierie des transports et management logistique, expert en process industriel, n’étaye pas la thèse de viol, de l’accusation de viol dans ce cas précis, mais laisse percevoir un aveu d’Ousmane Sonko de rapports sexuels, de pénétration, qui aurait pi qui plus est, laisser des traces de spermatozoïdes.
Encore qu’une confirmation de rapports sexuels n’étaye pas la thèse de viol et ne fonde pas l’accusation de viol. Il faut à l’instruction d’autres éléments matériels. Le Dr Gaye, gynécologue « digne de foi », selon le Syndicat démocratique des travailleurs de la santé et du secteur social (SDT3S), spécialiste en matière de violence sexuelle, a établi un certificat médical attestant qu’il n’y a pas eu de viol sur Adji Sarr et que le rapport médical de la masseuse faisait état d’une déchirure ancienne de son hymen.
Vendredi 4 novembre, au lendemain de sa première audition, Sonko candidat déclaré à la présidentielle de 2024 et figure de proue de l’opposition sénégalaise, a dit aux journalistes, lors de sa conférence de presse : « Est-ce que j’accepterais des prélèvements pour un test ADN ? J’ai dit : « Mais vous, est-ce que ça va ? Là-dedans (désignant sa tête), est-ce que ça va ? Vous n’avez aucune preuve et vous voulez que moi, je donne mon sang à des comploteurs ? (…) Mon sang, vous ne l’aurez jamais ».
Affirmant avoir répondu à deux autres questions du juge. « Est-ce que je reconnais avoir fréquenté les lieux ? Oui. A quelle date ? Je ne sais pas. Parce que moi je ne suis pas un robot et je n’ai pas un calepin du matin au soir pour dire à telle heure j’étais ici ».
« Est-ce que je reconnais avoir entretenu des relations avec la dame ? Je lui ai dit : « je ne vous permets de pas me poser de telles questions. Quand un dossier de complot est si manifeste avec des preuves et que vous, vous n’avez aucune preuve, je ne vous permets pas vu le statut que j’ai ».
Mais le juge d’instruction Oumar Maham Diallo ne peut-il poser des questions, quel que soit le « statut » de l’accusé, fusse-il présumé innocent, et ne peut-il demander en l’occurrence à Ousmane Sonko, inculpé pour viols et menaces de mort et placé sous contrôle judiciaire en mars 2021 par une plainte d’une employée d’un salon de beauté où il allait se faire masser pour soigner un « mal de dos », de se soumettre à un test ADN ?
Ousmane Sonko peut refuser de s’y soumettre. La question est de savoir qu’est-ce que la loi prévoit à travers le Code de procédure pénale du Sénégal.
Le chapitre IX des Expertises du Code pénal indique en l’article 149 : « Toute juridiction d’instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d’ordre technique, peut, soit à la demande du ministère public, soit à la requête des parties, soit même d’office le ministère public entendu, ordonner une expertise.
Lorsque le juge d’instruction estime ne pas devoir faire droit à une demande d’expertise, il doit rendre une ordonnance motivée, qui est susceptible d’appel dans les formes délais prévus aux articles « 179 » et « 180 ». »
Ici, il s’agit d’un test ADN demandé par le juge Diallo et refusé par Sonko.
Qu’est-ce qu’un test d’AND ?
L’expertise génétique, fut utilisée pour la première fois en 1986 dans une affaire américaine et s’imposa rapidement comme la « reine des preuves » en raison de sa grande fiabilité, rapporte Cairn.
Mais avant, en 1910, Edmond Locard créa à Lyon le premier laboratoire de police scientifique en y mettant en application le principe selon lequel « tout individu, à l’occasion de ses actions criminelles en un lieu donné, dépose et emporte à son insu des traces et des indices : sueur, sang, poussière […] une fois passés au crible d’examens de plus en plus sophistiqués, [ils] parlent et livrent le récit du crime avant de permettre au lecteur-enquêteur de déchiffrer la signature de l’auteur-coupable Ajoutant : « L’identification par empreinte génétique repose sur les parties dites « non codantes » de l’ADN nucléaire ou sur l’ADN mitochondrial. Ces zones sont caractérisées par la répétition en tandem d’unités de base (polymorphe). L’expertise génétique, un test d’ADN, est une application de ce principe, relève Cairn.
« En certaines régions précises – ou locus -, la répétition est mesurée sur chaque chromosome d’une même paire. On obtient donc une combinaison de deux chiffres pour chaque locus. Plus il y a de loci concordants entre un échantillon probatoire (recueilli sur place) et un échantillon connu (prélevé sur un suspect), moins il est probable que l’échantillon probatoire provienne d’un individu différent.
La non concordance sur un seul loci conduit à écarter de façon absolue l’individu dont le profil ADN est confronté à l’échantillon probatoire. Ainsi, l’inclusion s’apprécie en termes de probabilité, l’exclusion en termes de certitude.
La preuve génétique repose donc sur la possibilité de comparer une trace ADN inconnue avec le profil ADN d’une personne identifiée pour établir la probabilité que cette trace provienne de cette personne.
Elle requiert ainsi un élément de comparaison et plaide pour la constitution de fichiers d’empreintes génétiques aussi larges que possibles.
Le recul acquis en matière d’expertise génétique conduit en effet à relativiser son caractère infaillible. L’expertise génétique n’est donc finalement qu’un élément de preuve parmi d’autres, qui doit être soumis à une appréciation critique et qui peut être attentatoire aux droits de l’Homme, notamment à travers le recours exponentiel au fichage qu’elle justifie.
Toutefois, La fiabilité discutable de l’expertise génétique, révélée par des erreurs médiatisées, permet d’insister sur la nécessité de préserver la marge d’appréciation critique et l’intime conviction du juge et des jurés ». Au Sénégal, il s’agit uniquement du juge.
Les empreintes génétiques, une preuve scientifique faillible
Selon Cairn, plusieurs facteurs peuvent venir fausser les résultats d’une expertise génétique. « Un premier facteur est le risque de coïncidence fortuite entre deux empreintes ADN. En effet, la probabilité est faible, mais non nulle que deux personnes présentent des segments d’ADN identiques pour les loci examinés ».
La légitimité des prélèvements contraints
Le droit français, qui a inspiré le droit sénégalais, relève que « Le prélèvement peut être opéré sans l’accord de l’intéressé, sur réquisition du procureur de la République, s’il s’agit d’une personne condamnée pour un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement au moins ». Il faut toutefois noter que cette disposition du droit français ne concerne qu’un condamné faisant l’objet d’une nouvelle poursuite pénale et que tout refus de se soumettre à un test d’ADN se voit infliger « une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, peine qui passe à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour les personnes condamnées pour crime ».
Le Sénégal, pour sa part n’a pas encore incriminé dans sa législation le refus de se soumettre à un test d’ADN, qu’il s’agisse de personnes déjà condamnées ou pas, fait savoir à Maderpost un avocat.
La liberté (relative ?) d’Ousmane Sonko de consentir au prélèvement
Le test ADN, qui peut prouver le supposé rapport sexuel, peut-il prouver ou pas le consentement ou non de la plaignante dans cette affaire incriminant Ousmane Sonko ?
L’analyse peut, en tout état de cause, être effectuée à partir du matériel biologique qui se serait naturellement détaché de son corps dans le cas d’un rapport sexuel. Ainsi peut-on comprendre la demande du juge d’instruction à Sonko de soumettre au test. Et son refus peut laisser fonder l’intime conviction du juge qui peut se dire que le refus n’est pas justifié parce que que ledit test tend aussi à prouver son innocence. Pourquoi Sonko refuserait-il alors de se soumettre à un test qui prouverait son innocence ?
Sonko a exposé une théorie du complot orchestré par le président Macky Sall et des proches pour l’éliminer de la course à la présidentielle de 2024. Des personnalités politiques proches du Président Sall sont citées dans ce dossier qui tient le pays en haleine.
Maderpost