Mark Zuckerberg a indiqué vendredi dernier que les publicités incitant à la haine seraient mieux régulées et les messages problématiques d’utilisateurs signalés.
FACEBOOK – Les publicités incitant à la haine ? Mieux régulées. Les messages problématiques ? Mieux signalés. Ces nouvelles mesures annoncées par Facebook vendredi 26 juin sont le signe que le réseau social n’avait plus d’autre choix que de céder face aux pressions pour une modération plus stricte des contenus.
Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, défend depuis des mois son approche a priori plus laxiste que Twitter ou YouTube, notamment vis-à-vis des discours des personnalités politiques, au nom de la liberté d’expression.
Mais vendredi il a lui-même détaillé le durcissement de la position de son réseau social : la plate-forme retirera désormais les publicités qui affirment que les personnes de certaines origines, ethnies, nationalités, genres ou orientations sexuelles représentent une menace pour la sécurité ou la santé des autres.
Boycottage
Cette décision survient alors qu’Unilever, le géant de l’agroalimentaire et des cosmétiques, vient de mettre un terme à ses publicités sur Facebook, Twitter et Instagram aux Etats-Unis, au moins jusqu’à la fin de l’année.
Coca-Cola, l’une des marques les plus connues au monde et qui dépense des sommes colossales en publicité, a aussi annoncé vendredi soir qu’elle suspendait pendant au moins un mois toute promotion sur tous les réseaux sociaux, exigeant qu’ils fassent preuve de plus de « transparence et de responsabilité », notamment sur la question du racisme.
Ces noms de poids s’ajoutent à d’autres annonceurs – Verizon (télécoms), Honda, Ben & Jerry’s (glacier appartenant à Unilever), Patagonia, The North Face et REI (articles de sport) – qui participent à une campagne de boycottage de Facebook.
Elle a été lancée par des organisations de la société civile américaine, dont la Ligue antidiffamation (ADL) et l’Association nationale pour l’avancement des personnes de couleur (NAACP), qui accusent la plate-forme de tolérer des groupes qui incitent à la haine, au racisme ou à la violence.
Le comédien et humoriste Sacha Baron Cohen, très critique à l’égard du réseau, a appelé vendredi les entreprises « qui dépensent le plus de dollars en pubs sur Facebook » à rejoindre le mouvement. Il cite notamment Procter & Gamble, Walmart, Microsoft, Amazon, le New York Times…
Avertissements
La deuxième mesure prise par Mark Zuckerberg concerne directement l’incident qui a mis le feu aux poudres à la fin de mai. Contrairement à Twitter, Facebook avait refusé d’intervenir sur des messages polémiques de Donald Trump, un sur le vote par correspondance (qu’il assimilait à de la fraude électorale) et un autre sur les manifestations et les émeutes qui ont suivi la mort de George Floyd, un Afro-Américain asphyxié par un policier blanc à Minneapolis.
Twitter, considérant qu’il y avait incitation à la haine, avait masqué le second message du président américain, et réduit leur circulation potentielle, tout en les laissant disponibles à la consultation.
La plate-forme pourra bientôt ajouter des avertissements aux publications problématiques, mais laissées en ligne au nom de leur « intérêt à être connues du public », a précisé Mark Zuckerberg vendredi :
« Les utilisateurs pourront partager ces contenus pour les condamner (…), mais nous les avertirons que les publications en question enfreignent potentiellement nos règles. »
Facebook sort désormais de sa politique binaire du retrait ou du laisser-faire, vivement critiquée, y compris en interne.
La promesse est toutefois trop vague, selon certains experts : « Facebook autorisera-t-il une vérification indépendante de quels contenus sont épinglés et les effets sur la diffusion ? », s’est ainsi interrogée Michelle Amazeen, professeure de communication politique à l’université de Boston.
Campagnes de manipulation
La pression pour une meilleure régulation des plates-formes monte en puissance depuis 2018, année de la révélation que des scrutins majeurs de 2016, dont l’élection présidentielle américaine, avaient été ciblés par de puissantes campagnes de manipulation de l’opinion publique par le biais des réseaux sociaux. Aujourd’hui, c’est l’approche de la présidentielle américaine, en novembre, qui cristallise les tensions.
« Les marques ont le devoir d’aider à construire un écosystème numérique fiable et sûr (…). Il reste encore beaucoup à faire, en particulier en termes de division et de discours haineux pendant cette période électorale polarisée aux Etats-Unis », a expliqué Unilever (Dove, Knorr…) pour justifier sa décision.
L’élection « s’annonçait déjà bouillante, et c’était avant de faire face aux complexités additionnelles liées à la pandémie et aux manifestations pour la justice raciale dans tout le pays », a remarqué Mark Zuckerberg en préambule. Il s’est engagé à ce que ses équipes soient mobilisées pour contrer toute tentative de manœuvres visant à dissuader certaines populations de voter.
Les contenus liés au scrutin pourront être assortis de liens vers les dernières informations venant des autorités, pour s’assurer que les électeurs soient correctement informés, notamment sur les mesures sanitaires en place. « Et nous interdirons les publications affirmant à tort que la police de l’immigration (ICE) vérifie les documents d’identité dans les bureaux de vote », a précisé Mark Zuckerberg.