De 2021 à 2024, le Sénégal a traversé des moments sombres. 03 longues années de perturbations tant au niveau institutionnel, économique, physique, mais également social. Le décor était régulièrement ponctué de douleur, de souffrance, d’émoi et de consternation. Des biens et des édifices publics et privés, pillés à ciel ouvert par une population révoltée contre ses gouvernants. L’heure de rendre des comptes a sonné. Infographie
TRIBUNE – Tout a commencé le 03 mars 2021, suite à l’arrestation du plus jeune et célèbre opposant, le député Ousmane Sonko, devenu Chef du gouvernement depuis le 06 avril 2024. Il est accusé de « viols et menace de mort » par une employée d’un salon de massage, en l’occurrence la jeune dame Adji Raby Sarr. Une histoire rocambolesque qui avait défrayé la chronique au début du mois de février 2021. Le camp de l’ex-inspecteur des impôts et domaines, radié de ses fonctions en août 2016 par le Président Macky Sall dénonce un complot du camp présidentiel pour liquider Ousmane Sonko.
Rouleau compresseur des « escadrons » de la mort
Ousmane SONKO ou l’homme qui dérangeait et qui hantait le sommeil des ex- gouvernants, balayés par la bourrasque populaire au premier tour d’un scrutin présidentiel, nie en bloc les faits qui lui sont accusés. Le 03 mars 2021, il est convoqué par le juge d’instruction ; accompagné par une foule nombreuse constituée essentiellement de jeunes. Bloqué par la gendarmerie sur le chemin du tribunal, il refuse de suivre l’itinéraire tracé par ses derniers. Après moult discussions, il obtempère. Mais à la surprise de tout le monde, il se fera arrêté illico-presto pour « troubles à l’ordre public et participation à une manifestation non-autorisée ». Cette arrestation du leader de ‘’PASTEF Les Patriotes’’ sera la goutte d’eau de trop. De violents affrontements sont notés entre les jeunes et les forces de défense et de sécurité (FDS), partout dans le pays. Des émeutes qui ont duré cinq jours, c’est-à-dire jusqu’au 08 mars 2021, jour de la libération d’Ousmane Sonko. Durant cette période, les rues étaient le théâtre d’affrontements entre jeunes et FDS, échanges de jets de pierre et de gaz lacrymogène asphyxient Dakar et les villes de l’intérieur du pays. Le bilan est lourd :14 morts dont 12 par balles réelles et 590 blessés.
‘’ Des jeunes à la fleur de l’âge tombés sous les balles des escadrons de la mort’’
Des martyrs qui ont laissé leurs vies pour sauver la démocratie de leur pays. La plupart sont des innocents qui ne participaient pas aux manifestations. Leur tranche d’âge varie entre 16 et 28 ans.
Les événements de mars 2021 ont sonné la révolution chez la population sénégalaise, qui désormais a choisi la force de la rue pour se faire entendre. L’année 2022 a été une année plutôt calme. Mais la guerre des politiques continuait de plus belle. Ousmane SONKO avait gagné doublement la bataille de l’opinion et de la communication. Une majeure partie de la population avait désapprouvé la Président Macky Sall dont la cote de popularité battait de l’aile, au profit du plus célèbre homme politique Ousmane Sonko. Les procès interminables, les conférences de presse des deux parties concernées, les lives du sieur Sonko s’en suivent, relayés par les réseaux sociaux, tous les moyens sont bons pour se défendre. Le natif de la Casamance (région du Sud), Ousmane Sonko parle de complot pour empêcher sa candidature à la présidentielle de 2024.
Le fait qui tient surtout en haleine l’opinion publique sénégalaise en 2022 reste la disparition du Sergent Fulbert Sambou et de l’adjudant chef Didier Badji. Un grand désarroi s’empare de la grande muette. Pourquoi cette ignominie sidérale subitement ? Les mots sont introuvables. Le 18 novembre 2022, ils étaient allés pêcher sur les rochers, laisse entendre le camp présidentiel. Le 23 novembre, la marine nationale a repêché un corps au large du Cap manuel l’identifiant comme celui du Sergent Fulbert Sambou. Le corps de Didier Badji gendarme en service à l’Inspection générale d’État, une institution rattachée à la présidence reste introuvable. Les familles des victimes mais aussi l’opinion publique s’inquiètent de la disparition de leurs fils. Les professions sensibles des deux hommes seraient-elles liées à leurs disparitions ? Savaient-ils des choses qui n’arrangeaient pas l’État ?, les a-t-on liquidés ? Des questions qui jusque- là sont restées sans réponse. Le mercato de la vérité devrait bientôt livrer ses secrets.
‘’Resté sur sa faim, le peuple réclame justice pour ces martyrs’’
L’année 2023 a été également marquée par des heurts, des violences, de vives tensions. En juin 2023, les manifestations au Sénégal reprennent avec une allure caustique dans un contexte pré-électoral. L’opposant Ousmane Sonko est de nouveau entre les mailles de la justice. Cette fois-ci, il est condamné pour « corruption à la jeunesse.» Un verdict hilarant qui fracasse les grands symboles de la justice sénégalaise. Ceux qui avaient en charge de dire le droit sur cette affaire sordide qui a coûté beaucoup d’argent à la République, en sont les seuls responsables. Les manifestations donc éclatent le 1er juin 2023.
Le parti PASTEF Les Patriotes exhorte les populations à résister jusqu’à ce que le Président Macky Sall abdique. Suite à cet appel, les manifestations sont devenues plus violentes et des pillages ont eu lieu. L’État du Sénégal dépassé par la situation déploie l’armée dans les rues. Le 02 juin 2023, neuf personnes sont décédées dans différentes localités notamment Dakar et Ziguinchor. Le 03 juin, on décompte 15 victimes, ce qui fait au total 24 martyrs tombés sous les balles des Forces de défense et de sécurité. On assiste aussi à une série d’arrestations de jeunes manifestants. Quelque 1200 personnes interpellées et envoyées dans les lieux de détention surchargés. Le plus gros foutoir judiciaire, aidé par une machine répressive qui écrase, tue. Il Circulez, il n’y a rien à cirer.
Les jeunes en détention sont accusés de terrorisme, de forces occultes, de troubles à l’ordre public. Des jeunes pour la plupart sont des soutiens de famille et d’autres présageaient un bel avenir. Leurs derniers espoirs partent en fumée dans les eaux méditerranéennes , du fait d’une inexistence de politique d’emploi. Par contre, ceux qui ont décidé de braver les gaz lacrymogènes et autres sirènes des escadrons de la mort, périssent, à la fleur de l’âge, ou voient leur avenir s’effondrer au fond des cellules de Rebeuss et autres lieux de détention.
Frustration et amertume sont les sentiments les mieux partagés par les Sénégalais durant cette période. Une jeunesse désespérée et désemparée face à un gouvernement qui fait la sourde oreille, on assiste au phénomène de l’immigration clandestine qui ne cesse de prendre de l’amplitude où les embarcations de la mort sont devenues un fait prégnant. Des centaines de jeunes ont pris les pirogues, empruntant la mer espérant trouver l’eldorado. Malheureusement, plusieurs d’entre eux ont péri dans les océans, d’autres restent introuvables, laissant derrière eux des familles dans le désarroi. Où est passé toute cette manne d’argent versée par l’Union européenne à l’État du Sénégal ? Le Président Horizons Sans Frontières, Boubacar SEYE, un As dans le domaine de l’immigration, interpellant les autorités, à juste titre, sur ce sujet, est embastillé au forceps et jeté dans la cave. Comme un malfrat. Sa pertinente et légitime question est pliée avec mépris par les autorités. Taisez-vous Monsieur SEYE, les morts, on s’en fout ! Cet épisode douloureux restera toujours une plaie dans le cœur de Boubacar SEYE, qui se bat nuit et jour pour que lumière soit faite.
Tous ces événements qui ont marqué les années de 2021 à 2024 ont eu un effet escompté lors des élections présidentielles du 24 mars 2024. Le peuple sénégalais révolté contre des gouvernants, omnibulés par leurs propres intérêts que ceux du peuple, a choisi d’élire à la magistrature suprême le candidat Bassirou Diomaye Diakhar Faye, un proche et inoxydable lieutenant du leader Ousmane SONKO. Une large victoire éclatante en mémoire aux martyrs qui hantent nos sommeils. Une tâche indélébile qui sera à jamais gravée dans le parcours du Président Macky Sall, après 12 ans passés à la tête du Pays de la Téranga. Quel gâchis !
Les fous, maudits et insulteurs du clan Macky hantent nos sommeils
Ce pays qui a toujours conservé les valeurs républicaines et où la démocratie et la liberté d’expression ont toujours été élevées en référence depuis l’indépendance à nos jours, ont pris un sacré coup. Sur la figure, les balafres restent profondes. C’est ce même pays qui a dû faire face à des tensions politiques durant ces trois dernières années.
‘’De 2021 à 2024, on peut noter un réel recul démocratique’’
De 2021 à 2024, on peut noter une réelle dérive démocratique avec des séries de manifestations réprimées, des arrestations tous azimuts, l’instrumentalisation de la justice, l’utilisation malsaine des médias, la politisation de l’assemblée nationale, entre autres. Tous les segments de la société ont été touchés, projetant le pays vers l’abîme. Grosse inquiétude pour les pays voisins, les puissances partenaires et chancelleries accréditées dans le pays. Ces épisodes sombres de la vie politique du Sénégal relancent le débat sur ce qui reste de la grandeur démocratique du Sénégal. La gestion nébuleuse de l’appareil étatique avec une hypertrophie de scandales et des détournements de fonds à coup de milliards ternissent l’image du pays et l’enfoncent davantage.
On ne dira jamais assez. Ils sont nombreux ces hommes et femmes appartenant au régime du Président Macky Sall (2012-2024) qui ne ratent pas d’opportunité et d’occasion pour tirer sur l’opposition, ou ceux qui sont contre la gestion du chef de l’État.
La plupart de ces hommes sont soit des ministres ou des grands dignitaires et proches du régime. On peut même les appeler des ‘’intouchables’’ car, malgré leurs dérives, jamais, ils ont été convoqués par un procureur ou à la DIC. Ils se cachaient derrière leurs fonctions, profitant de leur proximité d’avec le pouvoir. Nous avons le lot des beaux-parleurs, incarnés par Moustapha Diakhaté, Me El hadji Diouf, Abdoul Mbow, Mame Mbaye Niang, Alioune Ndoye, Abdoulaye Sow, Birima NDIAYE. Leurs différentes sorties étaient teintées de sarcasme et d’une dose d’arrogance épileptique. Ils étaient même compartimentés par degrés. De théoricien de la dynastie Faye-Sall à insulteurs publics en passant par répondeurs automatiques, ils étaient les potentiel ‘’ fous’’ de la cour. Ils savaient bien faire usage d’une certaine presse, ‘’vassalisée’’ pour faire passer leurs messages. Peine perdue. Ils ont tous raté le tournant et perdu surtout la bataille de la com et de l’opinion. Leurs ‘’Services Avant Vente’’ et ‘’Après Vente’’ ont manqué de mordant et de vitalité.
‘’La liste de ces ‘’ maudits’’ du roi dans ce régime de Macky Sall est très longue, mais les plus visibles ont occupé des postes stratégiques dans le gouvernement’’
C’est le cas de Moussa Bocar Thiam, ministre de la Communication. Il est considéré comme le pire ennemie de la liberté d’expression au Sénégal. Le ‘’ monstre’’ froid cassait de la plume et savait faire taire les voix dissidentes. Il s’était même arrogé les pouvoirs du CNRA et s’est substitué à cet organe de régulation. C’est le ministre de la Communication le plus contesté de tous les régimes précédents. Son passage à la tête de ce département de communication et du numérique a été catastrophique. Il a fallu de peu pour découvrir ce personnage hors du commun. De par ces menaces, beaucoup de télévisons se sont pliées pour ne pas être censurées. C’est sous son magistère qu’on assiste au retrait de la licence d’une télévision privée (Walfadjiri), à la coupure de son signal et de l’internet mobile entre autres. Tout le long de son règne, Moussa Bocar Thiam n’a pas caché son jeu, toujours dans l’agitation lors de ses sorties publiques. Il a plus fait parler de lui en mal qu’en bien.
Durant ces trois dernières années, beaucoup de sénégalais se sont familiarisés aussi avec le jargon judiciaire (mandat de dépôt, mandat d’arrêt, outrage, corruption à la jeunesse, bracelets électroniques, population carcérale…) Tout ceci, grâce à ces derniers qui ont pour noms: Ismaila Madior Fall, ministre de la Justice, Me Dior Diagne, Me Sidiki Kaba, ministre des Forces Armées…On peut dire qu’ils ont participé à des degrés différents à l’instrumentalisation de la justice.
Jamais dans l’histoire politique du Sénégal, de tels faits ne se sont produits. Si on devait faire le bilan de ces trois ans après les événements de mars 2021, plus de 1200 arrestations ont été répertoriées et plus de 60 personnes ont perdu la vie. Comme une tâche noire, cette période sanglante restera à jamais gravée dans les esprits des Sénégalais qui continuent de réclamer justice pour ces martyrs tombés. Leurs seuls torts est d’avoir manifesté leurs mécontentements, surtout en ce qui concerne la gestion du pays. Espérons que ces martyrs ne seront pas morts pour rien, car avec la loi d’amnistie adoptée le 06 mars 2024, toutes les charges ont dû être abandonnées. Y’aura t-il un revirement avec les nouveaux tenants du pouvoir ? Le peuple croise les doigts. Dos au mur, le Président SALL était contraint d’abdiquer et libérer deux grandes figures de l’opposition radicale. Il s’agit de l’actuel chef d’État du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar FAYE et le Premier ministre Ousmane Sonko. Un tandem qui a mené le combat, soutenu par une forte coalition, engagée à leurs côtés. Urbi orbi, c’est le camp des réprimés qui est aux commandes, après des années de combativité intense constante.
Vont-ils faire table rase sur tout ce qui s’est passé, en pertes et profits, ces trois dernières années et griser leur vaillant et majestueux projet ? Respecter le serment populaire est une exigence non négociable pour la mémoire des martyrs qui ont perdu leurs vies pour des causes justes.
Par Ismael AÏDARA, Directeur Éditorial (Confidentiel Afrique)
Maderpost