Interrogé par Eric Topona sur les enjeux de la 77e Assemblée générale des Nations-Unies à New York, Romuald Sciora, essayiste auteur de quatre livres sur les Nations unies, dont « Qui veut la mort de l’Onu ? » « Du Rwanda à la Syrie, » histoire d’un sabotage aux éditions Eyrolles en 2018 et chercheur associé à l‘Institut de Relations internationales et stratégiques (IRIS), a relevé le côté “impératif “de réformer également le mécanisme de création, de fonctionnement et de financement de ses missions, afin qu’elles puissent mieux faire face aux crises actuelles.
DW : La 77ème session de l’Assemblée générale des Nations unies s’ouvre aujourd’hui (20.09) à New-York. Quels en sont les enjeux ?
Romuald Sciora : Le principal pour le secrétaire général António Guterres est de tenter de replacer l’Onu au centre du jeu politique international.
Depuis maintenant plus d’une décennie, l’Onu n’est devenue qu’une sorte de super agence humanitaire faisant un travail remarquable au niveau de l’aide au développement, l’éducation etc.
Mais, au niveau politique, l’Onu est devenue un nain sur la scène internationale. Et les grandes décisions de politique mondiale ne se font plus au sein de l’Onu.
L’Onu a été totalement absente de la guerre en Ukraine. J’entends au niveau politique. Pas au niveau humanitaire, bien évidemment.
L’objectif est de replacer l’Onu dans le centre du jeu international, selon vous. Mais, pour que cela soit effectif, ne faudrait-il pas qu’elle soit réformée ?
Romuald Sciora : L’Onu est en train de mourir tout doucement dans un grand silence à part en septembre, dû à ce manque de réforme.
Le Conseil de sécurité aujourd’hui est totalement archaïque.
C’est un vestige de la Seconde guerre mondiale. Les cinq membres permanents : la France, la Grande-Bretagne, la Russie, la Chine et les Etats-Unis. Pourquoi la France ?
Pourquoi la Grande-Bretagne ? Pourquoi pas l’Allemagne, sans parler des grandes puissances montantes comme l’Inde, comme le Brésil, comme l’Afrique du Sud, etc.
Bref, tant qu’il n’y aura pas de réforme du Conseil de sécurité, un agrandissement du Conseil de sécurité, celui-ci ne sera plus représentatif.
Et cette réforme doit bien évidemment et inéluctablement concerner le droit de veto dont disposent les cinq membres permanents du conseil de sécurité de l’Onu.
Romuald Sciora : On le voit bien aujourd’hui avec la guerre en Ukraine. Il est impossible de faire quoi que ce soit. Il est impossible d’envoyer des casques bleus pour essayer de sanctifier les sites nucléaires, etc.
Puisqu’on sait très bien que la Russie mettrait son veto et que la Russie, pour des raisons ou une autre ne pouvait voter lors de cette votation, la Chine mettrait son veto, etc.
C’est la même chose lorsque cela concerne la France, les Etats-Unis etc. Donc, de nombreuses réformes seraient nécessaires, afin de légitimer à nouveau le Conseil de sécurité et donc les Nations unies.
Mais une fois de plus, cela n’arrivera pas. Je suis convaincu qu’aucune réforme d’importance de Conseil de sécurité ne verra le jour dans les dix ou vingt prochaines années. Je ne pense pas.
Maderpost / Eric Topona