Le mouvement Force 24 (F24) a obtenu de la préfecture de Dakar une autorisation pour une marche à la place de la Nation ce vendredi à partir de 15h. Ce rassemblement a vu la participation de beaucoup de Sénégalais souhaitant exprimer leur mécontentement au sujet d’un potentiel troisième mandat de Macky Sall. L’ancienne place de l’obélisque, habituée aux rassemblements et manifestations politiques, a aujourd’hui été le théâtre d’une nouvelle démonstration populaire contre le gouvernement. Mais le clou de la manifestation a été les huées contre Khalifa Sall.
F24 – La place de la Nation a très tôt été prise d’assaut, dès la fin de la prière du vendredi. Les manifestants, armés de pancartes et aux couleurs du Sénégal ont convergé en masse vers ce lieu mythique et chargé de symboles, scandent des slogans révélateurs de leurs sentiments. « Libérez les otages », « Macky Sall Dictateur ! », « 3e mandat dou fi am ». Les intentions de la population sont établies.
Constituée surtout de jeunes, la masse populaire parade autour de la place de la Nation, dans le cadre autorisé par le préfet. Pape Maguette Gueye, participant à la manifestation, explique pourquoi ce rassemblement était nécessaire. Selon lui « la manifestation a pour but que le Sénégal change ». Le jeune homme d’une trentaine d’années pense qu’il est temps « de donner sa chance » à un changement pour le pays, qui ne passe pas par Macky Sall.
KHALIFA SALL ET PAPE DJIBRIL FALL PRIS EN GRIPPE PAR LE PUBLIC
Celui qui semble avoir été choisi par les manifestants présents pour incarner ce changement, c’est Ousmane Sonko. Majoritaires dans la foule, ses partisans n’ont pas hésité à faire passer un sale moment à son allié au sein de la coalition Yewwi Askan Wi, Khalifa Sall. Sa décision de répondre favorablement au dialogue appelé par le chef de l’Etat et les récentes bisbilles entre le lieutenant de ce dernier, Barthélemy Dis et le maire de Ziguinchor sont certainement passés par là. Khalifa Sall a ainsi été fortement hué lors de sa prise de parole au point que d’autres leaders ont tenté de voler à son secours. En vain.
Malgré la mobilisation de ses partisans, visibles avec leurs pancartes, le public l’aura pris en grippe de façon véhémente. Présenté comme « l’un de ceux ayant le plus souffert » sous Macky Sall, Khalifa Sall a à peine eu le temps de prendre la parole au micro pour donner son discours que la foule déjà exprimait un rejet massif. Derrière un sourire gêné, Khalifa Sall est finalement resté en retrait face à une foule qui visiblement ne voulait pas de lui.
Même traitement quasiment, pour Pape Djibril Fall. L’ancien journaliste devenu député a été fortement hué également avant sa prise de parole. Outre les huées, les manifestants à la place de la Nation ont montré leur mécontentement en quittant le lieu plutôt que d’écouter les deux figures controversées de l’opposition.
SONKO PLÉBISCITÉ
Dans la foule, les t-shirts à l’effigie du leader de Pastef sont nombreux. Certains se font photographier avec une image de lui, d’autres encore scandent son nom. Des groupes de partisans vont jusqu’à faire le tour de la place de la Nation chantant en chœur le nom du candidat de l’opposition. Un peu à l’écart du gros de la foule, trois hommes âgés débattent.
Devant l’école Oumar Ben Khatab Dia, l’un d’entre eux explique pourquoi Ousmane Sonko est aujourd’hui favori de la population. Selon lui, il s’agit de la même situation qu’en 2012 avec Macky Sall. « Les Sénégalais ont vu qu’il n’y avait que Macky Sall. Moustapha Niasse a trahi, les autres ne sont pas assez crédibles, donc on s’est dit votons pour Macky. C’est la même situation aujourd’hui » explique-t-il. L’homme, qui se décrit comme un ancien partisan d’Idrissa Seck, qui a passé « 14 ans » derrière lui, exprime à ses camarades son désarroi face à son ancien leader. Il considère que le chef de Rewmi « cherche à créer une dualité entre lui et Ousmane Sonko ». Un projet qui ne fera que diviser l’opposition selon les trois hommes.
UNE MANIFESTATION BIEN ENCADRÉE
Malgré la grande foule, la manifestation se déroule sans heurts notables. Les forces de l’ordre sont rassemblées en grand nombre derrière des barrières à l’entrée de la Médina, au bout du boulevard Dial Diop. Entre la majorité de la foule et les agents, une sorte de zone tampon neutre se forme. C’est là que se tient Abdoul Aziz Diop. Mélangeant à son boubou blanc des touches vertes, jaunes et rouges, l’homme d’une cinquantaine d’années essaie avec d’autres de canaliser certains manifestants qui souhaitent en découdre avec les autorités. Il se présente comme « un défenseur de la paix, lié à aucun parti ». Selon lui, ce rassemblement est « une manifestation de colère du peuple ».
Lui pourtant, à l’inverse de la foule rassemblée, pense que le possible 3e mandat de Macky Sall est légal. « La loi l’y autorise et au Sénégal la loi est au dessus de tout ». En attendant, Abdoul Aziz Diop assiste à l’expression populaire d’un avis contraire et souhaite simplement que cela se fasse dans le calme. Les responsables du F24 sont du même avis, rappelant plusieurs fois au calme les manifestants excités, leur demandant de « ne pas gâcher la célébration ».
Les avis dans la foule sont plutôt clairs. Cheikh, discutant avec son ami, pense que « celui qui incarne la violence, c’est Macky Sall. Dans sa communication, dans sa politique ». Certains protestants sur place appellent leurs concitoyens à plus de démonstration. L’un d’entre eux interpelle un homme à l’écart, « une manifestation c’est un acte de courage, tu ne peux pas juste rester debout sans participer ».
Les bruits des trompettes en plastique rythment le rassemblement autant que les klaxons de motos et les chants des manifestants. Malgré certaines réticences par ci par là, les très citoyens présents sur place, pour la plupart acquis à la cause d’Ousmane Sonko, sont d’un seul avis : le troisième mandat de Macky Sall est une option impossible.
Maderpost / Emedia