Le rapport sur la gestion du fonds Force Covid-19 n’a pas encore fini de livrer des secrets. Beaucoup de ministères et hauts fonctionnaires ont été épinglés par les vérificateurs de la Cour des comptes qui ne recommandent pas moins l’ouverture d’informations judiciaires sur nombre de dossiers. La société civile, des acteurs politiques et les Sénégalais lambda ne demandent ni plus ni moins que cette affaire soit tirée au clair, les responsabilités situées par la justice avec comme conséquences des sanctions contre les auteurs de malversations.
SENEGAL – Mais, tout porte à croire que des observateurs avisés n’ont aucunement envi de s’arrêter à l’écume des vagues, à savoir constater les faits et sanctionner les coupables. Selon eux, il est nécessaire d’essayer de remonter à la source du mal pour savoir si certaines des dispositions légales qui ont été prises en amont n’ont pas fait le lit de ce qui pourrait être considéré comme le scandale du siècle au Sénégal.
Par exemple, que dit le décret de création du fonds Force COVID ? Certaines de ses dispositions ne constituent-elles pas une porte ouverte à toutes ces dérives relevées par la Cour des comptes ? Ces interrogations sont loin d’être saugrenue si on regarde de très près les articles 10 et 11. Que disent-ils ?
Art. 10.- Les dépenses sont ordonnancées par le Ministre chargé des Finances sur la base des décisions du Conseil stratégique.
Le Ministre chargé des Finances désignera le gestionnaire des comptes ouverts.
Par dérogation aux dispositions du Règlement général sur la Comptabilité publique, les opérations du FORCE COVID-19 sont dispensées de tout contrôle administratif a priori et de tout visa préalable.
Art 11. – Les dépenses du FORCE COVID-1 9 ’ bénéficient du régime dérogatoire défini par l’article’ premier du décret n°2020-876 du 25 mars 2020 complétant l’article 3 du décret n° 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des Marchés publics modifié par le décret n°2020-22 du 07 janvier 2020.
Sur la base de ces deux articles du Décret n° 2020-884 du· 1er avril 2020 portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement du Fonds de Riposte et de Solidarité contre les Effets du COVID-19 dénommé « FORCE COVID-19 », l’observateur neutre est en droit de se poser des questions légitimes. Le chef de l’État en signant un tel décret n’a-t-il pas laissé grandement ouverte la porte au dérives constatées dans la gestion de ce fonds ? Sa responsabilité n’est-elle pas engagée au premier chef ? D’autant plus que l’Assemblée nationale avait voté, à l’unanimité, la loi d’habilitation qui lui permettait de légiférer par ordonnances, dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19.
En tous les cas, le mercredi 1er avril 2020, c’est une Assemblée nationale exceptionnellement épurée – précautions sanitaires obligent – qui avait adopté en plénière la « loi d’habilitation », assortie d’une prolongation de trois mois de l’état d’urgence. Les 33 députés présents – sur 165 – avaient voté à l’unanimité le texte autorisant Macky Sall à prendre par ordonnances « des mesures qui relèvent du domaine de la loi » pour faire face à l’ennemi commun : le coronavirus.
En ayant recours à l’article 77 de la Constitution, le Président Sall n’était plus tenu de passer par l’Assemblée nationale pour légiférer sur des questions d’ordre économique, budgétaire, financière, juridique, sanitaire et sécuritaire. Et ce, pendant trois mois.
Fort de tout cela, le camp des responsabilités ne devrait-il pas s’élargir ? Mystère et boule de gomme.
Maderpost / Emedia