La date du 5 février 2024 restera plus que jamais gravée dans la mémoire et la conscience des sénégalais. Hier, en adoptant la proposition de loi constitutionnelle n° 04/2024 portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution de la République du Sénégal, Macky et ses députés de la XIVe législature ont signé l’une des pages les plus sombres de l‘histoire du Sénégal. Les représentants du peuple (députés) ont dépité le peuple.
TRIBUNE – “Faites attentions quand la démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles” alertait Albert Camus dans La Chute.
Qui l’aurait cru ? Des forces de défense et de sécurité au sein de l’hémicycle. Des gendarmes sont entrés sur ordre du président de l’Assemblée nationale pour évacuer des députés de l’opposition de l’hémicycle afin de permettre aux autres députés de la majorité avec leur collègue du PDS d’adopter à la quasi-unanimité la loi reportant la présidentielle au 15 décembre 2024 et celle de laisser au pouvoir le président sortant jusqu’à l’entrée en fonction d’un nouveau chef de l’État.
Le paysage est désolant. Cette image regrettable d’une assemblée nationale d’un pays jadis référence en matière de démocratie et de respect des libertés a fini de jeter, à la face du monde, notre réputation dans les ténébreuses méandres de l’histoire.
Par cet acte, Macky Sall et ses acolytes ont parachevé leur entreprise honteuse de désacralisation de nos institutions.
Qu’est ce qui nous reste ? Sommes-nous tentés de nous demander. Je laisserai le soin à chacun de donner suite à cette interrogation qui taraude les esprits.
En toute état de cause, Macky Sall a ouvert, par cet acte, une brèche menant vers tous les possibles, vers toutes les hontes.
Henry Kissinger nous apprend dans son livre Diplomatie : “Quand un universitaire se trompe c’est juste une hypothèse qui n’a pas marché mais pour un homme d’Etat, c’est une catastrophe pour le présent et pour l’avenir”.
Macky Sall a fait plus que se tromper. Il a ouvert la boite à pandores source de tous les malheurs. La liberté de la presse est atteinte, la République humiliée, la démocratie agonise au seuil de la gouvernance des hommes en kaki qui nous entourent.
Le retrait définitif de la licence au groupe Walfadjiri est signe patent du renversement de notre mode de gouvernance.
Dans son livre-programme Le Sénéga qui vient, Mame Boye Diao, candidat à la présidentielle du 25 février 2024 finalement reportée au 15 décembre 2024 écrit ceci : « le gage d’une démocratie réside dans une indépendance totale de la presse vis-à-vis de toute influence ».
Sous ce rapport, il est opportun de citer le Professeur Souleymane Bachir Diagne qui déclare ceci : « La démocratisation des États africains a été, pour une part essentielle, l’œuvre des médias. C’est lorsque journaux et radios indépendants ont connu le développement spectaculaire qui a été le leur que la marche vers des sociétés ouvertes, pluralistes, a été enclenchée : les médias ont obligé les pouvoirs à fonctionner sous le regard et la surveillance du public, en même temps qu’ils ont donné à entendre des voix dissidentes, des démarches alternatives ».
De l’avis du philosophe, donc, « on peut mesurer la qualité d’une démocratie en Afrique, aujourd’hui, à la qualité et à l’indépendance de sa presse ».
De manière imagée, si la démocratie était un organisme, la presse en serait la bouche. C’est par cet orifice qu’il s’exprime et qu’entrent des corps qui peuvent le nourrir ou le rendre malade.
Avec le retrait de la licence à Walfadjiri, l’un des premiers médias privés du Sénégal, une école et une référence pour nous jeunes, c’est ne plus la “Voix des sans voix” qu’on éteint mais c’est la bouche même qu’un bâillonne.
Cette bouche qui a servi Macky Sall opposant de canal et de support pour vilipender son prédécesseur qu’il accusait de vouloir tripatouiller la Constitution pour s’éterniser au pouvoir. On ne s’imaginait pas qu’il se débattait à l’époque pour empêcher son mentor politique de lui voler son rêve le plus fou. Celui qu’il vient d’acter en abrogeant le décret convoquant le collège électoral à quelques heures du début de la campagne présidentielle.
Un acte qui qui signe définitivement la mort de notre démocratie qui nous a été tant enviée. Car, la mauvaise plait guérit mais la mauvaise réputation tue.
Maderpost / Mamadou Ba