Cheville ouvrière de la politique africaine d’Emmanuel Macron, s’appuyant sur l’implication des diasporas, Sira Sylla, députée LREM et elle-même issue de la diaspora sénégalaise, estime que le sommet de Pau représente un tournant au Sahel. Invitée de Sputnik France, elle revient sur le Sommet G5 Sahel, le rôle de la France et de la Russie dans la région et sur son action pour la Francophonie.
TERRORISME – “Ce sommet [à Pau, ndlr] a constitué un temps fort, puisque les États du G5 Sahel ont réaffirmé la nécessité de la force Barkhane. On peut aussi saluer la création de la Coalition Sahel qui va s’organiser autour de quatre piliers”, s’est félicitée la députée LREM, Sira Sylla, au micro de Sputnik France.
Lors d’un entretien dans nos locaux le mardi 14 janvier, la parlementaire En Marche de la 4e circonscription de Seine Maritime a détaillé ces quatre piliers, avant d’expliquer son action avec les diasporas et dans le cadre de la Francophonie.
“La lutte contre le terrorisme, la formation des militaires sur place –donc le renforcement des capacités militaires–, la nécessité d’un retour de la présence de l’État –puisqu’il n’y en a plus– et le développement. Les États du G5 Sahel et la France ont réussi à s’unir sur ces quatre piliers et cela, c’est un signe encourageant.”
Réagissant aux décisions annoncées lors du sommet des chefs d’État du G5 Sahel, réunis à Pau le 13 janvier à la demande du président Emmanuel Macron, Sira Sylla, qui est d’origine sénégalaise, mais née à Rouen, s’est félicitée de la “remobilisation” des Etats du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) autour de la France sur ces quatre piliers.
Initialement prévu le 16 décembre pour “clarifier” la volonté des États sahéliens d’accueillir des troupes françaises chez eux, après les discours anti-français qui se sont fait entendre, notamment au Mali, ce sommet avait été reporté. Depuis l’attaque d’Inatès, au Niger, le 10 décembre, ayant causé la mort de 71 militaires nigériens, de nouveaux assauts des djihadistes se sont produits, provoquant à nouveau de nombreuses victimes dans la zone sensible, dite des trois frontières.
“Concernant le sentiment anti-français, c’est vrai [qu’il existe, ndlr], mais je préfère, pour ma part, répondre par la pédagogie. Il faut expliquer sur place ce que fait Barkhane, ce que font les différentes forces internationales. Il faut aussi que les Etats et les élus, là-bas, s’engagent sur le terrain [pour dire à quoi sert Barkhane, ndlr]. On ne peut pas laisser les pays du G5 Sahel dans une telle situation. Car si l’Afrique sombre dans le terrorisme, l’Europe sombrera aussi”, a déclaré Sira Sylla au micro de Sputnik France.
Certains médias français répètent à l’envi que la Russie serait derrière les demandes de départ des troupes françaises du Mali. Moscou attiserait donc le sentiment anti-français grandissant au Sahel, parce qu’il viserait à prendre la place de Paris dans la région. Des allégations qui laissent Sira Sylla sceptique.
“Je ne prends pas pour argent comptant ce que les médias racontent sur les Russes. Je constate par rapport à ce que je vois et par rapport à ce que disent des ONG sérieuses qui se rendent souvent sur le terrain. On ne peut pas tout mettre sur le dos des Russes. Il vaut mieux être concret, aller sur le terrain et que tous les États avancent ensemble. Or, la Coalition Sahel, ça, c’est du concret”, répond Sira Sylla sans détour.
S’unir pour contrer les djihadistes
Dans un communiqué publié lundi 13 janvier soir par l’Élysée à l’issue de la conférence de presse donnée par le Président de la République aux côtés de ses homologues du G5 Sahel, ceux-ci ont surtout insisté sur le besoin d’une “plus grande coordination dans la mise en œuvre des initiatives en cours au Sahel” et d’un “engagement international renforcé” afin de combattre plus efficacement les groupes armés terroristes actifs dans cette zone.
“À cette fin, un nouveau cadre politique, stratégique et opérationnel appelé Coalition pour le Sahel, rassemblant les pays du G5 Sahel et la France à travers l’opération Barkhane et ses autres formes d’engagements, les partenaires déjà engagés ainsi que tous les pays et organisations qui voudront y contribuer, est organisé autour de quatre piliers“, précise le communiqué de l’Élysée.
Sur la base des décisions qui ont été arrêtées à Pau, c’est dans la région des trois frontières (Burkina Faso, Mali, Niger) que les efforts vont désormais se concentrer “sous le commandement conjoint de la Force Barkhane et de la Force conjointe du G5 Sahel, en ciblant en priorité l’EIGS*.”.
De surcroît, toujours selon ce communiqué, le commandement conjoint de cette coalition accueillera “progressivement” l’ensemble des pays volontaires et partenaires, dont les contributions militaires rejoindront l’opération Barkhane, comme le futur groupement de forces spéciales européennes, baptisé “Task Force Takuba”, s’inscrivant dans ce premier pilier, celui de la lutte antiterroriste.
Sortir des liens néocolonialistes
Revenant sur l’annonce récente à Abidjan (Côte d’Ivoire), où elle a accompagné Emmanuel Macron, de la fin du franc CFA en faveur de l’ECO, Sira Sylla s’est également réjouie que ce soit des États africains qui aient demandé de mettre un terme au franc CFA. “Nous ne pouvons que nous féliciter de ce que la France sorte des instances de décision”, a-t-elle ajouté, se déclarant très fière d’avoir pu assister à ce moment “historique” empreint d’émotion.
Du coup, elle comprend mal les critiques dont le Président de la République continue de faire l’objet de la part de militants anti-CFA.
“Le handicap de la relation entre la France et l’Afrique, c’est que nous restons enlisés dans un passé post-colonialiste. Les Africains doivent prendre leur destin en main. Or, j’ai toujours l’impression qu’il y a un peu de schizophrénie. On voulait la fin du franc CFA. On l’a et c’est même annoncé. Mais on continue de pointer du doigt en direction d’Emmanuel Macron. Il n’est quand même pas tout seul dans cette affaire. Il y a bien une autre partie en face, qui est celle des chefs d’État africains de la zone franc”, s’insurge la parlementaire LREM.
Même si elle ne nie pas que des questions “sensibles”, comme l’augmentation subite des frais de scolarité pour les étudiants étrangers, la Loi Asile et immigration ou la présence omnipotente de grands groupes français tels que Bolloré, voire Auchan, peuvent empoisonner la relation entre la France et l’Afrique, elle rejette catégoriquement les accusations d’hypocrisie à l’encontre de “son” Président.
Le plus important, pour elle, est de conserver intacte sa détermination à faire bouger les lignes en poursuivant son combat auprès des diasporas africaines, qu’elle veut de plus en plus impliquer dans la nouvelle politique africaine de la France et au sein de la Francophonie:
“C’est en tous cas le sens de mon engagement aux côtés d’Emmanuel Macron pour que les diasporas africaines s’impliquent davantage dans la co-construction de relations apaisées”, confie Sira Sylla.