Le lundi 23 décembre 2024, le quotidien L’Observateur a titré à sa Une : « Le Général Fall sous la menace d’une arrestation ». L’auteur a narré un supposé différend entre l’ancien Haut Commandant de la Gendarmerie et le sieur Ibrahima Dramé, chef d’escadron radié des cadres. Si le Général Moussa Fall n’est plus à présenter, il n’en est pas de même pour l’ex-commandant Ibrahima Dramé. Qui est-il vraiment ?
Son incorporation dans l’armée suivie de son admission dans la gendarmerie
Ibrahima Dramé est issu de la 22ème promotion (2002-2004) de l’École Nationale des Officiers d’Active. A sa sortie d’école comme sous-lieutenant chef de section d’infanterie, il a été affecté à la Direction du Matériel des Armées, sise à Bel Air.
Pour cette nouvelle spécialité, il a été envoyé en France pour un stage de neuf (09) mois à l’École supérieure d’application du matériel (ESAM) à Bourges. A son retour au Sénégal en 2005, il a été promu lieutenant le 1er juillet 2005.
Il a servi dans les Sections légères du matériel, notamment à Kolda et à Tambacounda où il avait déjà commencé à se signaler par des dettes contractées aussi bien dans les quartiers environnants qu’auprès de ses camarades militaires, sans jamais s’en acquitter.
Le cas le plus rocambolesque est ce chèque sans provision qu’il a signé pour désintéresser le lieutenant A. Niang de la Direction des transmissions à qui il devait de l’argent. Cet officier finira par se rendre compte qu’il a été roulé dans la farine par Dramé, comme le font les escrocs.
Pendant que lui et les autres victimes nourrissaient l’espoir d’être désintéressés, le lieutenant Ibrahima Dramé qui a réussi au concours d’entrée à la Gendarmerie en 2006 a filé à l’anglaise.
Il a subitement disparu de Tamba pour rejoindre Dakar et intégrer la Gendarmerie Nationale. Il a été envoyé au Mali où il a fait le cours supérieur à l’École de gendarmerie de Faladié.
Revenu au Sénégal en 2007, il a entamé sa carrière d’officier de Gendarmerie.
Le début des frasques dans la gendarmerie
Il a débuté sa carrière dans les unités mobiles. Au camp Leclerc où il était adjoint au commandant d’escadron, il a, dès 2008, fait l’objet d’une plainte de la part du Gendarme M. Guèye à qui il a emprunté cinq cent mille (500.000) francs sans les lui rembourser.
Le gendarme qui revenait d’une mission des Nations Unies au Congo avait perçu sa prime de fin de mission. Il a été approché par l’officier et sans arrière-pensée, il lui a prêté le montant supra, mais a eu de la peine à être remboursé.
Dramé a multiplié ses frasques auprès de ses subordonnés au point qu’il a été rayé de la liste des militaires qui devaient aller en mission en Haïti en 2009-2010. Face à la multitude des plaintes contre lui, le Haut Commandement de la Gendarmerie avait décidé de le retirer du contingent.
Promu capitaine le 1er octobre 2009, il a fait plusieurs autres unités, sans être réellement responsabilisé puisque le commandement n’avait pas confiance en lui.
En 2012, il a brièvement été adjoint au commandant de la compagnie de gendarmerie de Ziguinchor. Plus tard, à l’école des sous-officiers de Fatick où il était Directeur des études, il avait des rapports tendus avec le colonel Ousmane Ndior qui commandait l’école et qui ne lui pardonnait pas ses mesquineries auprès des élèves (de dettes par-ci, prélèvements indus de fonds par-là…).
Très intelligent, l’un des meilleurs de sa génération, il a réussi au concours pour l’obtention du diplôme d’état-major (DEM) et à l’examen pour l’obtention du Diplôme d’Aptitude au Grade d’Officier Supérieur (DAGOS).
Promu au grade de chef d’escadron (commandant) le 1er avril 2015, il a réussi avec brio au concours d’admission à l’école de guerre mais n’a finalement pas été faire le stage puisqu’il avait choisi d’aller en mission au Congo pour pouvoir s’acquitter de ses dettes en fin de mission, quand il aura perçu sa prime.
Il a été aidé en cela par le colonel Sidya Diédhiou qui était chef de cabinet du Général Mamadou Guèye Faye, Haut Commandant de la Gendarmerie à l’époque.
En 2016, il a été envoyé au Congo où il commandait l’une des deux unités constituées de police, l’autre étant commandée par le colonel Ousmane Ndior sous les ordres de qui il était à Fatick.
En mission au Congo, il a été cité dans une affaire et d’exploitation sexuelle
A peine arrivé au Congo, il a manifesté un intérêt particulier pour les fonds dégagés pour le fonctionnement du Contingent. Fidèle à ses habitudes, il a commencé à ordonner des dépenses injustifiées sans rapport avec les activités de l’unité.
Les échos de ses malversations sont vite parvenus à Dakar. Par mesure de prudence et à titre conservatoire, le Haut Commandement a décidé de lui retirer la gestion des fonds et de tout confier au Colonel Ousmane Ndior. Cette décision a exacerbé les tensions qui existaient déjà entre les deux officiers depuis Fatick où ils servaient ensemble, l’un sous les ordres de l’autre.
Le commandant Ibrahima Dramé en voulait à mort au Colonel Ndior qui est resté zen en refusant de le suivre dans sa logique.
Plus tard, le commandant Dramé a été cité dans une affaire de SEA (Sexual and Exploita0on Abuse). Il rodait autour d’une femme mariée et a fini par être surpris par le mari de cette dernière.
Il a ensuite été dénoncé auprès de la mission. Qui connait le système des Natons Unies sait que le SEA est impardonnable en théâtre d’opérations.
A la suite d’une enquête et face à la multiplicité de ses bourdes, il a été rapatrié et mis aux arrêts de rigueur à Mbao (prison militaire).
Entretemps, le contingent du Congo est rentré. Très futé, le commandant Dramé, de la prison militaire, a envoyé un gendarme auxiliaire pour lui payer une puce. Sans se soucier de quoi que ce soit, en bon subordonné, ce dernier est allé s’exécuter en identifiant la puce à son nom propre puisque le commandant ne lui avait pas remis sa pièce.
Plus tard, le colonel Ousmane Ndior a commencé à recevoir des messages de menaces venant d’un numéro qu’il ne connait pas. Il s’en est ouvert au commandement et a porté plainte contre X à la sec0on de recherches.
C’était en janvier 2018, sous le commandement du Général Meissa Niang. L’enquête ouverte a permis de remonter vers le gendarme auxiliaire A. Bodian au nom de qui la puce a été identifiée.
Interrogé, il affirme avoir acheté et remis aussitôt la puce au commandant Dramé. Finalement, il s’est avéré que c’est lui qui menaçait le colonel Ndior qui, ayant connu la vérité, a décidé d’abandonner les poursuites judiciaires mais a demandé qu’une sanction disciplinaire soit prise contre le commandant Dramé.
Les actes d’escroquerie qui l’ont mené en prison et qui lui ont valu la radiation
Affecté à l’État-Major Particulier (EMPART) du Président de la République, le commandant Dramé qui n’a tiré aucune leçon de tout ce qui lui est arrivé a repris ses activités délictuelles de plus belle.
Le 11 mai 2022, le commandant de la brigade prévôtale a reçu une plainte collective de trois (03) policiers et d’un entrepreneur à qui le commandant Dramé a pris un montant total de trente-deux millions deux cents mille (32.200.000) francs après leur avoir promis de leur octroyer un logement à la cité Gendarmerie de Camberène.
Or, il n’avait aucune responsabilité dans le processus d’attribu0on des logements. Ses victimes, se sentant bernées, ont saisi la justice. Il s’agit des adjudants de police J. P. Ndong et C. S. Sambou, de l’agent de police K. Diop et du sieur M. Diop, entrepreneur qui lui a versé à lui seul, vingt-deux millions (22.000.000) de francs.
Lors de l’enquête administrative ordonnée par le Haut Commandant de la Gendarmerie, le commandant Dramé a tout reconnu en demandant qu’un délai lui soit accordé pour rembourser.
Il soutient avoir utilisé l’argent pour construire la maison de sa mère en Casamance !!! Au même moment, une autre plainte est tombée contre lui pour escroquerie au visa. Profitant de son statut d’officier supérieur de gendarmerie en service à l’EMPART, il a fait croire à de jeunes Sénégalais que la Gendarmerie a planifié des voyages pour son personnel et qu’il restait des places. Il leur a fixé un package de deux millions cinq cent mille (2.500.000) francs comprenant les frais de voyage.
Il a ainsi réussi à gruger les nommés A. B. Fall (2.500.000 F) ; I. Guèye (2.650.000 parce qu’il voulait amener avec lui son frère) ; M. Guèye (1.400.000 en avance) ; et Y. Ndour (2.500.000).
Ce qui est cocasse c’est que Dramé recevait ses victimes dans son bureau en face du palais, ce qui les a confortés et les a rendus crédules.
Face à tous ces actes constitu0fs d’escroquerie conformément à l’ar0cle 379 du Code pénal, le Haut Commandement lui a appliqué les mesures disciplinaires prévues par le décret 90-1159 du 12 octobre 1990 portant règlement de discipline générale dans les Forces Armées.
Le Ministre des Forces Armées lui a infligé soixante (60) jours d’arrêts de rigueurs et a demandé sa traduction devant un conseil d’enquête en vue de sa radiation des cadres.
Parallèlement, ses victimes ont exercé leurs droits en saisissant le procureur pour qu’une suite judiciaire soit donnée. Pendant qu’il était aux arrêts de rigueur (prison militaire), il a profité d’un moment d’inattention des gendarmes auxiliaires préposés à sa garde pour s’échapper et aller composer un pour concours alors qu’il était sous le régime de la punition.
C’est pour cela que l’ordre a été donné d’aller le chercher puisqu’il n’aurait pas dû être dans la salle de composi0on.
Dans la poursuite de l’action judiciaire intentée par les plaignants, il a été déféré au parquet et placé sous mandat de dépôt. Il a été jugé et condamné. Le 21 novembre 2022, le conseil d’enquête s’est réuni pour statuer sur son cas. A l’unanimité, le conseil a donné un avis favorable pour sa radiation des cadres pour « Faute contre l’honneur, la probité ou les Devoirs généraux du militaire »
L’autorité qui a pouvoir de décision, en l’occurrence le Président de la République a, par décret N° 2023-112 du 04 janvier 2023, décidé de le radier des cadres et de le verser dans les réserves comme soldat.
Le 31 décembre 2023, il a bénéficié d’une grâce présidentielle.
Les menaces qui lui ont valu un deuxième séjour carcéral
Sorti de prison, il s’est rendu à Mandégal son village natal en Casamance et s’est mis à envoyer des messages de menaces à des officiers supérieurs et au Général Moussa Fall.
A ce dernier, il a envoyé un message pour lui dire « tu vas vivre pire que ce que j’ai vécu. Je connais ta femme et je connais ton fils. J’ai fait deux ans de prison, je n’ai plus rien perdre. Je sais me battre. Je vais aller là où je sais faire usage des armes. Salif SADIO n’est pas plus Casamançais que moi ».
Sur la base de ces menaces contre un officier Général et surtout contre la sécurité nationale puisqu’il parle de Salif SADIO et de recours aux armes, donc implicitement de la rébellion du MFDC, une plainte a été faite contre lui par l’avocat de la Gendarmerie.
Le Procureur saisi a envoyé un soit transmis à la SR de Dakar pour enquête et arrestation si les faits sont établis. S’étant réfugié en Casamance, il a fait l’objet d’un avis de recherches et d’arresta0on sur la base duquel la SR de Ziguinchor l’a arrêté et transféré à Dakar.
Il a à nouveau été déféré et placé sous mandat de dépôt.
L’instruc0on est en cours au premier cabinet.
Voilà résumé, la personnalité de celui qui clame partout qu’il a été dans la même chambre que le Président Diomaye en prison. And so what ? diraient les Anglais.
La question légitime à se poser est la suivante : la gendarmerie devrait-elle garder dans ses rangs un officier supérieur auteur de multiples actes constitutifs d’escroquerie ; cité dans une affaire d’exploitation et abus sexuels commis à l’étranger en pleine mission des Nations-Unies ; et plus tard, auteur de menaces contre la Sécurité nationale ?
Force est de reconnaitre que si les Hauts Commandants de l’époque avaient rigoureusement appliqué les dispositions du règlement de discipline générale dans les Forces Armées, le Général Moussa Fall n’aurait pas trouvé le commandant Dramé dans les rangs de la Gendarmerie.
La conscience : un conseiller avant l’acte, un juge après
Maderpost