Ce 9 octobre marque le quarantième anniversaire jour pour jour de l’abolition de la peine de mort en France. Une cérémonie était organisée dans la matinée au Panthéon, temple républicain où sont inhumés de grands personnages de l’histoire de France, et notamment des combattants de la peine de mort, tels Victor Hugo et Jean Jaurès. En présence du président Macron et de Robert Badinter, ancien garde des Sceaux de François Mitterrand et artisan de cette abolition.
PEINE DE MORT – « La peine de mort est vouée à disparaître dans le monde car elle est une honte pour l’humanité », a martelé l’ancien ministre de la Justice et avocat. Des mots qui ont résonné dans la nef du Panthéon, faisant écho à son discours devant les parlementaires, quarante ans plus tôt. « La justice française ne sera plus une justice qui tue », rappelait-il alors. Malgré ses 93 ans, l’ancien ministre et avocat n’a rien perdu de sa verve, souligne Valérie Cohen, du service société, qui a suivi la cérémonie.
Encore ne devons-nous jamais oublier les malheurs et les douleurs des victimes ; leurs droits et leurs conditions doivent être notre constante préoccupation, comme je l’ai voulu dans mes fonctions à la chancellerie. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement l’anniversaire d’une loi de la conscience universelle, c’est l’affirmation éclatante, que la vie humaine est sacrée dans une civilisation fondée sur les droits de l’Homme. Il est légitime grâce à vous de le rappeler en ce jour, vive l’abolition universelle !
Robert Badinter: «Jamais, nulle part, elle n’a fait reculer la criminalité sanglante»
Une rencontre au plus haut niveau bientôt organisée
Emmanuel Macron lui a emboîté le pas, rendant d’abord hommage au « courage politique » de François Mitterrand à l’origine de cette abolition à laquelle l’opinion publique n’était-en 1981- pas favorable. En France comme en Europe, des voix s’élèvent pour appeler au rétablissement de la peine de mort, a rappelé le chef de l’Etat qui appelle à un « combat de résistance ». Difficile de ne pas y voir une charge contre Eric Zemmour qui s’est déclaré favorable à la peine capitale.
La France va « relancer le combat pour l’abolition universelle » de la peine de mort en organisant une « rencontre au plus haut niveau » à cette fin, a encore annoncé Emmanuel Macron. Il a indiqué que dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, au premier semestre 2022, la France allait organiser « à Paris avec l’ONG Ensemble contre la peine de mort, une rencontre au plus haut niveau rassemblant les sociétés civiles des Etats appliquant encore la peine de mort ou un moratoire afin de convaincre leurs dirigeants de l’importance et de l’urgence de l’abolir ».
En 1981, la France avait été « le 35ème Etat à abolir la peine de mort ». Le projet de loi sur l’abolition de la peine de mort a été adopté par l’Assemblée nationale le 18 septembre 1981, quatre mois après l’élection de François Mitterrand à l’Élysée, puis le 30 septembre par les sénateurs. La mise au rebut de la guillotine était promulguée le 9 octobre 1981.
Les abolitions se poursuivent comme en témoigne la toute récente décision de la Sierra Leone de supprimer la peine capitale de son arsenal judiciaire. « Aujourd’hui, nous écrivons à nouveau une page d’histoire. Nous exorcisons en tant que Nation les horreurs d’un passé cruel », a déclaré le président Julius Maada Bio lors de la cérémonie de promulgation de l’abolition à Freetown. Sur le continent africain, où la peine capitale est peu appliquée, le débat est vif : « il y a une prise de conscience que la peine de mort a souvent été apportée par les pouvoirs coloniaux, a souvent été un outil d’oppression du pouvoir colonial », nous explique Raphaël Chenuil-Hazan, joint par Nicolas Feldmann, du service international de RFI Le Tchad a aboli la peine de mort en 2020, la Sierra Leone aussi donc et d’autres pays en discutent comme la RDC, ou la Centrafrique : « les pays africains travaillent de plus en plus à ratifier les traités internationaux et à être dans cette grande famille mondiale ».
Selon Amnesty International, la peine capitale reste en vigueur dans 55 pays. « 483, un nombre certainement sous-évalué, exécutions », ont été perpétrées dans le monde en 2020, selon Emmanuel Macron qui les a qualifiées de « meurtres d’Etat administrés par 33 régimes politiques qui ont pour la plupart en commun un goût partagé pour le despotisme, le rejet de l’universalité des droits de l’Homme ». Parmi ces pays : la Chine, les Etats-Unis ou encore l’Inde.
A l’issue du discours, MM. Macron et Badinter ont visité l’exposition « Un combat capital » qui retrace l’histoire du combat politique pour l’abolition de la peine de mort en France, du XVIIIème siècle à nos jours.
Maderpost / Rfi