Accusés dans une affaire de trafic de passeports diplomatiques, les députés El Hadji Mamdou Sall et Boubacar Biaye, dont la levée de l’immunité parlementaire a été demandée par le Garde des Sceaux, risquent une double sanction, si l’Assemblée nationale les poursuit pour «utilisation abusive et frauduleuse de passeports diplomatiques» selon les articles 57 et 106 de son règlement intérieur.
DEPUTES – Ce n’est plus qu’une question de jours pour qu’ils puissent être traités comme tout justiciable. Cités dans une affaire de trafic présumé de passeports diplomatiques, les députés de la mouvance présidentielle, El Hadji Mamadou Sall et Boubacar Biaye, protégés par une immunité parlementaire, devront bientôt être livrés à Dame justice, pour répondre des faits qui leur sont reprochés. L’Assemblée nationale a été officiellement saisie d’une demande de levée de leur immunité parlementaire. Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Me Malick Sall a transmis, le 4 octobre 2021, au président de l’Assemblée nationale, la demande de levée de l’immunité parlementaire desdits députés. «Une demande formulée par le Juge compétent», indique le service de la Communication de l’Assemblée nationale.
L’institution parlementaire informe dans un communiqué daté le 5 octobre 2021, que l’ouverture de la session ordinaire unique étant prévue le 14 octobre prochain, le nouveau bureau de l’Assemblée nationale traitera le dossier dès l’installation des Commissions permanentes. Les députés El Hadji Mamadou Sall et Boubacar Biaye qui sont suspectés d’être mêlés dans cette histoire de trafic de faux documents, ne sont pas encore entendus depuis l’éclatement de l’affaire ayant conduit à l’arrestation du présumé cerveau du réseau, El Hadji Diadji Condé. Avec cette saisine du Garde des Sceaux, les deux parlementaires pourront répondre des actes qui leur sont incriminés. Mais comment peut-on en arriver là ?
Contacté par L’Observateur, le député Alioune Souaré, spécialiste du Droit, rappelle que la levée de l’immunité parlementaire suit toujours une procédure normale. Avec la saisine du ministre de la Justice, M. Souaré fait savoir que les choses peuvent aller vite une fois la session parlementaire ouverte. Alioune Souaré : «Une fois saisi, le bureau de l’Assemblée nationale va convoquer la Conférence des présidents qui est habilitée à désigner la commission qui sera chargé de se prononcer sur la question. Comme la question émane de la Justice, en principe, c’est la Commission des lois qui doit gérer le dossier. Maintenant, il va falloir attendre l’ouverture de l’Assemblée nationale prévue ce 14 octobre parce qu’il faut installer un nouveau bureau. Après l’installation du nouveau bureau et la mise en place des commissions, la Conférence des présidents va se réunir pour affecter la lettre à la Commission des lois. Cette dernière va faire une résolution qui sera soumise à la plénière pour son adoption. Après, il y aura une commission Ad hoc chargée d’entendre les députés concernés (EL Hadji Mamadou Sall et Boubacar Biaye). Les concernés pourront ensuite chacun choisir parmi leurs collègues un député qui peut le défendre.»
«L’Assemblée peut les poursuivre aussi pour utilisation abusive ou frauduleuse du passeport diplomatique»
Une fois leur immunité parlementaire levée, les députés seront à la disposition de la Justice qui va poursuivre l’enquête pour situer les responsabilités de chacun dans cette affaire et décerner des sanctions s’il y a culpabilité. Mais si El Hadji Mamadou Sall et Boubacar Biaye devront se défendre devant la Justice, leur collègue Alioune Souaré fait comprendre qu’ils sont également préjudiciables de sanctions au niveau de l’Assemblée nationale, si les accusations portées contre eux sont avérées. Le spécialiste du Droit parlementaire précise que les articles 57 et 106 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale prévoient des sanctions contre un député en cas de manquement dans l’exercice de ses fonctions. L’article 106 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale stipule que «le député doit toujours avoir à l’esprit, la dignité de l’institution parlementaire et le symbole qu’incarne le Président de l’Assemblée nationale. Les députés doivent porter leurs insignes lorsqu’ils sont en mission, dans les cérémonies publiques et en toutes circonstances où ils ont à faire connaître leur qualité. Un macaron portant la mention “Laissez-passer permanent”, valable pour la durée de la législature, leur est également attribué pour l’identification de leur véhicule.
Ils doivent porter leur écharpe lors des cérémonies solennelles d’hommage. Pendant toute la durée de leur mandat, les députés à l’Assemblée nationale ont droit à un passeport diplomatique, dans les mêmes conditions que les membres du Gouvernement. Ils ont accès au salon d’honneur. Est préjudiciable des sanctions pénales prévues par la loi, l’utilisation abusive ou frauduleuse des insignes, du macaron et du passeport diplomatique. Elle peut, en outre, donner lieu à l’une des sanctions prévues à l’article 57 du règlement intérieur. Une instruction générale du Bureau détaille la nature de ces insignes.»
Dans l’article 57 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, les sanctions disciplinaires applicables aux membres de l’institution parlementaire sont: «Le rappel à l’ordre, le rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal, la censure et l’expulsion temporaire dont la durée ne peut excéder vingt-quatre heures». Aujourd’hui, après cette saisine du Garde des Sceaux pour la levée de l’immunité parlementaire des députés El Hadji Mamadou Sall et Boubacar Biaye, l’Assemblée nationale enclenchera-t-elle une autre procédure pour sanctionner «l’utilisation abusive ou frauduleuse du passeport diplomatique» dont les sieurs Sall et Biaye seraient coupables ? Les jours à venir édifieront davantage les Sénégalais.
Maderpost / Igfm