Oumar Ba, maire de Ndiob et nouveau président de l’Association des maires du Sénégal (Ams), décline dans cet entretien, sa feuille de route, conteste l’existence du Réseau des élus locaux du Sénégal (Reels) créé par l’opposition. Il se dit favorable à un éventuel quinquennat du Président Macky Sall et regrette que la division ait fait perdre à la mouvance présidentielle beaucoup de sièges à l’Assemblée nationale.
ENTRETIEN – Vous venez d’être élu à la tête de l’Association des maires du Sénégal. Pouvez-vous décliner votre feuille de route ?
Je connais très bien la maison qui est l’Ams. J’ai été pendant 7 ans vice-président de l’Association des maires du Sénégal. J’ai été pendant 5 ans secrétaire permanant de la structure. Donc, je connais très bien la maison pour pouvoir définir certains axes importants qui peuvent porter l’association de l’avant. Il est vrai qu’il y a beaucoup de progrès qui ont été faits. Beaucoup d’acquis aussi qui ont été réalisés par le bureau sortant. Nous allons nous inscrire dans une logique de renforcement de ces acquis. D’abord nous allons, en ce qui nous concerne, travailler beaucoup à la professionnalisation du fonctionnement de l’Association des maires. Nous allons tout faire pour que l’Association des maires soit aux côtés des élus et qu’il y ait également des professionnels capables d’apporter un appui à l’association en termes de conception de projets, de négociation, de recherche de partenaires, mais également d’appui et d’accompagnement des maires sur les projets qui portent sur la conduite de leur commune, faire de l’Ams une structure au service des élus, au service des collectivités territoriales. Et cela demandera une professionnalisation et un renforcement des ressources humaines. Qu’on parte recruter des personnes compétentes pour le faire.
L’autre aspect, il faut faire de l’Ams une force de propositions pour tout ce qui touche les politiques publiques et la territorialisation des politiques publiques. Puisque dans l’Ams, nous avons beaucoup de ressources humaines. Dans tous les secteurs de la vie professionnelle, on retrouve des maires. Dans le gouvernement, il y a beaucoup de maires, tout comme à l’Assemblée nationale où nous avons 36 maires.
Nous allons aussi créer avec l’Etat, des espaces d’échanges, de dialogue qui nous permettront de prendre en charge certaines préoccupations fondamentales des maires. Il y va ainsi du transfert des domaines de compétences. Nous souhaitons que l’Etat renforce les 9 domaines de compétences qui sont transférés, et nous souhaitons qu’il y ait d’autres compétences qui sont transférées aux communes pour plus d’équité et de subsidiarité, mais aussi plus d’efficacité et plus déficience.
Dans les domaines comme l’agriculture, l’élevage, la pêche, à notre sens, ce sont des domaines qui devraient être transférés aux collectivités territoriales. Nous y travaillerons avec l’Etat pour lui faire des propositions concrètes.
Nous allons aussi travailler pour revaloriser la fonction de maire. Parce que la commune est le premier échelon de gouvernance et que le maire est le seul à avoir un dédoublement fonctionnel. D’une part, il est le représentant de l’Etat et d’autre part, il est le représentant des populations. A ce titre, il joue un rôle central, dans la gouvernance territoriale. Mais nous pensons quand même que le maire n’est pas suffisamment protégé. Je donne un exemple : quel que soit leur niveau des responsabilités, la plupart des maires touchent 300 mille francs Cfa par mois. Et vous voyez qu’il n’y a pas de cohérence avec les responsabilités qu’ils assument. On peut faire 30 ans de maire et avoir 6 mandats, consacrer toute sa jeunesse à la commune et à la collectivité. Mais à la fin, si on est battu lors des élections locales, on perd tout. Il n’y a aucune couverture sociale ou une prise en charge qui permet en tout cas d’accompagner le maire dans sa retraite. Et ça, c’est un chantier important qui mériterait d’être discuté, en tout cas amélioré. C’est la raison pour laquelle nous nous engageons à tout faire pour qu’il y ait une visibilité de l’Ams au niveau international, au niveau des organes faîtiers.
Que dites-vous de l’opposition qui a décidé de mettre en place le Réseau des élus locaux du Sénégal initié par le président du parti Pastef, Ousmane Sonko ?
Je ne souhaiterais pas qu’il en soit ainsi. Je pense que l’Ams, depuis sa création en 1958, a toujours été une association unitaire. Je ne pense pas qu’il soit utile aux élus de créer des associations sur une base partisane. Nous sommes tous des Sénégalais, on devrait pouvoir se mettre ensemble, quelles que soient nos divergences politiques par ailleurs, pour pouvoir échanger et discuter comme nous l’avons toujours fait. Parler d’une seule voix, c’est en ce moment qu’on sera plus visibles et audibles. Et l’Ams a été toujours sur cette lancée. Si aujourd’hui chaque parti créait son association de maires, on ne s’en sortirait pas. Puisque les problèmes des maires, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition, ce sont toujours les mêmes problèmes. Même dans les autres pays qui nous entourent, que ce soit en Afrique ou ailleurs, il y a une seule association des maires, qui parle au nom de l’ensemble des maires. Et je pense que l’Ams aujourd’hui comme vous l’avez vue, le président c’est moi qui suis de l’Apr et le vice-président, c’est Alioune Ndoye, qui est du Parti socialiste, le Secrétaire général est Mbaye Dione, qui est de l’Afp, le Trésorier général, c’est Ablaye Diop, il est de l’opposition, du Pds. C’est ça le Sénégal, on est sénégalais, on doit tous apprendre à travailler ensemble en dehors de nos divergences politiques. Il ne faut pas qu’on politise tout.
Nous avons tous suivi ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale avec les violences physiques contre la députée Mme Amy Ndiaye Gniby. En tant que responsable politique, quelle lecture faites-vous de cette situation ?
Regretter ce qui s’est passé, la violence qui s’est exprimée à l’Hémicycle. Ça devait être plutôt un débat d’idées, d’échange intellectuel. Mais ça ne devait pas se transformer en violence. C’est regrettable qu’il en soit ainsi, profitant de l’occasion, j’apporte toute ma solidarité et tout mon soutien à ma collègue Amy Ndiaye Gniby, maire de Gniby, qui a été victime d’une agression. Il faut que les députés sachent qu’ils sont des élus du Peuple, et que l’Assemblée nationale n’est vraiment pas un espace d’invectives, de violences.
Récemment, l’opposition avait introduit une motion de censure pour renverser le gouvernement. Quelle réflexion cet acte vous inspire ?
Ceux qui ont initié cette motion de censure savent très bien que ça ne pouvait pas passer. On ne peut pas, il y a une semaine, voter un budget pour un gouvernement, ce dernier n’a même pas encore commencé à exécuter ce budget qui a été voté à l’Assemblée nationale et revenir quelques jours après pour dire qu’on veut une motion de censure contre le gouvernement. Cela n’a pas de sens, d’autant plus que la majeure partie des députés ont compris que cela n’avait pas de sens. Et comme le Peuple l’a constaté, cette motion de censure, qui était présentée par une partie de l’opposition, a été largement rejetée.
Quelle analyse faites-vous de la cherté de la vie au Sénégal ?
Il n’y a pas un pays, africain ou européen ou autre, qui ne soit pas aujourd’hui touché par l’augmentation du coût de la vie. Et il y a plusieurs facteurs qui peuvent l’expliquer. L’essentiel est qu’à côté de cela, c’est de voir tout ce que l’Etat a fait. Pour accompagner les populations. L’Etat et ses services ont soutenu, ils ont fait fonctionner les filets de sécurité que le chef de l’Etat a donnés, a tissés à plusieurs niveaux. En faisant des subventions directes, du cash aux populations démunies, en leur donnant du cash, en subventionnant l’électricité, le carburant, entre autres. Ce qui permet quand même aux Sénégalais de moins ressentir la hausse des prix. Et si ce n’était pas les subventions et l’engagement du président de la République pour alléger les souffrances des populations, ça pouvait être pire. Le Sénégal fait partie des pays qui se sont distingués pour leur engagement sur le social pour atténuer les impacts de la cherté de la vie.
La candidature supposée du chef de l’Apr à la prochaine Présidentielle suscite une grosse polémique. Un troisième mandat ou un quinquennat, sera-t-il candidat à votre avis ?
Je suis une démocrate, je suis dans une République. Ce n’est pas à l’opposition ou à quelque autre personne de déterminer qui a le droit ou bien qui n’a pas le droit d’être candidat. Chacun peut avoir son idée, il n’y a pas de soucis. Mais c’est la Cour constitutionnelle qui doit dire qui y a droit ou qui n’y a pas droit. Tous ceux qui disent que le Président Macky Sall n’y a pas droit, le Président lui-même a donné son avis l’a dessus en disant qu’il n’y a aucun problème juridique qui l’empêcherait d’avoir un deuxième mandat de 5 ans. Maintenant, est-ce qu’il va se présenter ou bien est-ce qu’il ne va pas se présenter, cela est une question qui le concerne particulièrement. Mais nous pensons que, compte tenu du bilan qu’il a réalisé au Sénégal, sur les plans économique, social, culturel, sportif, etc., le Président devrait se présenter.
Lors des dernières élections, la majorité des responsables du pouvoir ont perdu leur localité. Est-ce qu’aujourd’hui vous disposez d’une nouvelle formule pour vous rattraper, malgré les divisions qui existent toujours dans les communes ?
Oui, il y a deux élections qui ont eu lieu. Il y a les Locales qui sont des élections importantes. Il y a eu l’élection de 558 maires et je voulais juste noter que sur ces 558 maires, la Coalition Bby a plus de 484 maires qui sont élus. Avec une très large majorité au niveau national, ce qui n’est pas négligeable. D’autre part, on a vu les Législatives qui ont été mitigées, mais il faut en faire une bonne lecture. Et je pense que ce sont les luttes internes, ce n’est pas la force de l’opposition qui nous a fait perdre certaines localités. C’est plutôt des luttes internes et les luttes de tendances internes entre responsables du parti au pouvoir ou de la coalition au pouvoir qui nous ont fait perdre certaines localités. Pire, il y a eu des votes-sanctions. Mais à l’élection présidentielle, il n’y aura pas de vote-sanction, parce qu’il y a un seul et unique candidat, c’est le chef, Macky Sall, qui fédère tout le monde et je crois qu’on dépassera très largement les résultats qu’on avait eus aux Locales comme aux Législatives.
Maderpost / Le Quotidien