Un nouveau sondage donne la présidente du RN en tête au premier tour de la prochaine élection présidentielle avec 27% des suffrages. Un score en nette hausse au regard des résultats de 2017 et des sondages réalisés un an avant la dernière présidentielle. Le parti a-t-il raison d’y croire? Robert Ménard, maire de Béziers, en doute toujours.
FRANCE – «Comment, après tout ce que nous sommes en train de vivre, après les Gilets jaunes, après cette crise phénoménale, le chef de l’État peut-il rester à 24% et le courant de Marine Le Pen être à peine au-dessus?»
Commandée par le cabinet CommStrat et le quotidien L’Opinion, l’enquête de l’institut Harris Interactive n’a pas particulièrement réjoui Robert Ménard.
À quinze mois de la présidentielle, la candidate du Rassemblement national, Marine Le Pen, y est donnée favorite au premier tour avec 26 à 27% des intentions de vote, contre 23 à 24% pour l’actuel Président de la République. Si le monopole des candidats finalistes en 2017 était prévisible, l’écart creusé par Marine Le Pen est, en revanche, une relative surprise.
En effet, si Emmanuel Macron semble conserver son potentiel électoral malgré les différentes crises traversées par le gouvernement (il avait déjà réuni 24% des voix lors des précédentes élections), le bond de Marine Le Pen n’est pas négligeable. S’il devait se concrétiser dans les urnes, ce sondage conférerait à la candidate nationaliste 6% d’électeurs en plus par rapport à son score de 2017, et une certaine avance sur le président sortant.
Le maire de Béziers y voit pourtant un signe de mauvais augure pour la droite nationaliste. Lui qui se dit idéologiquement proche de Marine Le Pen considère pourtant encore qu’elle n’a aucune chance de faire gagner la droite. Selon lui, de tels chiffres n’ont rien de réjouissant eu égard à la situation actuelle. Ils devraient être bien plus élevés pour espérer avoir une chance de faire autre chose que de la figuration au second tour.
«Je vous rappelle que, un an et demi avant la dernière présidentielle, le Rassemblement national était encore à près de 31%. Il y a donc en réalité un affaiblissement de notre courant de pensée (je m’inclus dedans). Marine Le Pen n’arrive donc même pas à dépasser le niveau d’intentions de vote –potentielles, car elle a terminé bien plus bas– auquel elle était parvenue en 2016».
La tendance n’est donc pas réellement à la hausse pour la candidate selon Robert Ménard.
Une estimation prématurée?
Plus d’un an avant les élections et alors que certaines candidatures ne sont pas encore totalement établies, la valeur du sondage est relative. Pour rappel, en janvier 2016, soit le même délai qu’aujourd’hui avant les élections, Alain Juppé était le candidat plébiscité par les Français. Les primaires de la droite n’avaient donc pas encore eu lieu et Emmanuel Macron était encore ministre de l’Économie au sein du gouvernement Hollande. Autrement dit, personne n’avait le recul nécessaire pour anticiper quoi que ce soit. Il aura fallu attendre novembre 2016 avec la primaire LR et la candidature d’Emmanuel Macron pour voir s’esquisser un premier aperçu.
Les sondages, à ce stade, sont donc à nuancer. D’autant plus que les candidats soutenus par Les Républicains ou le Parti socialiste ne sont pas encore connus. Or il est déjà estimé que, à droite, une candidature de Xavier Bertrand recueillerait 16% des intentions de votes exprimées, contre 14% pour Valérie Pécresse. À gauche, une candidature d’Anne Hidalgo –laquelle n’est pas encore confirmée non plus– recueillerait 6 ou 7% des voix, «selon qu’elle serait opposée respectivement à Xavier Bertrand ou à Valérie Pécresse». Ces candidatures des partis vaincus en 2017, malgré leur faiblesse actuelle, ne manqueront pas d’avoir des conséquences. Entre autres, au niveau des alliances de second tour.
Vers l’inévitable «barrage» du second tour
Quand bien même Marine Le Pen triompherait au premier tour, le piège reste pour elle le même cinq ans plus tard selon Robert Ménard. L’édile biterrois ne doute pas qu’un nouveau «front républicain» se dressera encore devant l’Élysée en 2022. La droite dite de gouvernement ne manquera pas d’apporter sa pierre au barrage.
«Nous avons la droite la plus bête du monde dans ce pays. Elle sera toujours capable de se désunir face à M. Macron. Vous croyez que, si Marine Le Pen accède au second tour –et elle a toutes les chances d’y être–, elle aura le soutien des Républicains? Marine Le Pen, malgré toutes ses qualités, ne peut malheureusement pas rassembler la droite. Celle de nos valeurs j’entends, je ne parle pas de Valérie Pécresse», tacle l’élu méridional.
À cette impossibilité de de rassembler les partisans de la nation, le fondateur de Reporters sans frontières voit plusieurs explications. Son patronyme, d’abord, «pour qui tout le monde n’est peut-être pas prêt à donner une voix», mais aussi «sa difficulté à employer elle-même le terme droite» souligne-t-il.
Robert Ménard plaide pour une union des droites. Il veut croire à une figure providentielle qu’il s’attelle à trouver, dit-il. Les noms du général Pierre de Villiers (crédité en novembre de 20% des intentions de vote selon un sondage IFOP) ou encore d’Éric Zemmour ont déjà circulé. Le risque de diviser davantage est toutefois considérable, reconnaît celui qui a été élu à Béziers avec le soutien du RN.
«Si ce candidat fait un autre petit score, comme Dupont-Aignan par exemple, cela risque effectivement d’affaiblir davantage Marine Le Pen. En politique, c’est le plus fort qui gagne, pas le plus sympathique. Or, pour l’instant, il n’y a personne», constate l’élu avec amertume.
Maderpost / Sputnik