Au Mali, le mandat de la mission onusienne doit être renouvelé d’ici à la fin du mois, on ne s’attend à aucun changement dans le format de cette opération de maintien de la paix, mais l’annonce de la fin de l’opération française Barkhane est dans toutes les têtes. La Minusma n’a pas réagi à l’annonce de la fin de Barkhane, officiellement la mission indique toujours « évaluer les éventuelles conséquences » de ce retrait. Mais hors micro, les soldats de la paix ne cachent pas leur inquiétude.
MALI – « Dans certaines zones, la simple présence de Barkhane est dissuasive, explique un responsable militaire onusien, et quand on subit de grosses attaques, ce sont eux qui nous défendent. »
En avril, lorsque le camp d’Aguelhoc dans la région de Kidal est assailli par une centaine de jihadistes, c’est l’intervention des avions français qui renverse la tendance. Et les exemples ne manquent pas, rappelle ce gradé basé à Tombouctou et qui, sans dénigrer sa propre maison, explique que « la puissance, la réactivité, le professionnalisme et la cohésion » de la force française sont des recours précieux qui manqueront en cas d’urgence.
« Le retrait français va laisser le champ libre aux jihadistes »
Lui et un autre gradé onusien, basé à Mopti, évoquent aussi le partage d’informations, craignant que les renseignements que pourraient fournir d’autres partenaires, régionaux ou européens, ne soient pas du même niveau.
Enfin et surtout, c’est le maillage qui inquiète : « Ils vont laisser du vide, déplore un général de la force onusienne en poste dans le Nord ». « Barkhane fait du contrôle de zone, c’est une force mobile qui gêne les mouvements des jihadistes », abonde le casque bleu de Tombouctou. Selon lui, « le G5 n’aura pas le même niveau, Takuba mène des opérations ciblées et ponctuelles, donc le retrait français va laisser le champ libre aux jihadistes », prédit-il sans cacher son pessimisme. « Ils se répandront sur davantage de surface, et là où ils viennent une fois dans le mois, ils pourront venir trois fois […] les populations subiront davantage leur loi ».
La force française Barkhane et les casques bleus de la Minusma n’opèrent pas ensemble : la première a une visée antiterroriste offensive, de renseignement et d’attaque, lorsque la seconde est au Mali pour assurer le maintien de la paix, avec une simple capacité de réaction et de réplique, même si elle peut s’avérer robuste. Mais elles collaborent, notamment pour le partage d’informations, et surtout partagent le même terrain d’action et les mêmes ennemis. À ce jour, la Mission onusienne n’a pas réagi à l’annonce du retrait de la force Barkhane et indique toujours « évaluer les éventuelles conséquences ».
Mais justement, le Conseil de sécurité se réunissait lundi 14 juin pour sa réunion trimestrielle sur le Mali, rapporte notre correspondante à New York, Carrie Nooten. Il s’agissait de passer en revue la mission et les besoins de la Minusma avant le renouvellement de son mandat à la fin du mois. Et quasiment à l’unanimité, les membres du Conseil ont gardé les yeux sur le principal objectif au Mali, comme l’annonçait d’emblée l’ambassadeur français Nicolas de Rivière. « La priorité absolue doit être l’organisation de l’élection présidentielle, le 27 février 2022, à laquelle les autorités en charge de la transition ne pourront pas concourir. »
Mais quelques membres se sont inquiétés de la fin annoncée de Barkhane, dont l’ambassadeur du Niger Abarry, qui parlait au nom des pays africains du Conseil. « L’annonce de la suspension de l’opération militaire des partenaires du Mali, y compris la réduction progressive de la force Barkhane suscite des inquiétudes pour le Mali qui se trouve à la croisée des chemins. »
Globalement, le Conseil de sécurité a renouvelé sa confiance en la Minusma, dont le rôle stabilisateur est encore plus important après ce deuxième coup d’État en neuf mois. Le renouvellement de son mandat tournera autour de deux piliers : à la fois l’appui à la mise en œuvre de l’accord de paix dans le nord du Mali, et aussi à la stabilisation du centre du pays, où la situation s’est dégradée.
Maderpost / Rfi