L’adoption dans un climat délétère de la proposition de loi à l’Assemblée nationale autorisant lundi 5 février 2023 le Président Macky Sall à prolonger son mandat de six mois et d’organiser la présidentielle le 15 décembre prochain est non seulement une tache indélébile dans l’histoire de notre démocratie, mais encore une grave entorse à la Constitution qui ouvre les portes de tous les possibles.
PRESIDENTIELLE – Arrêté au 25 février prochain, le scrutin de l’élection présidentielle va devoir attendre un peu plus de 8 mois avant de se tenir, Dieu seul sait dans quelle ambiance et quelle condition. Ainsi en ont décidé les députés de la relative majorité et bien entendu ceux du camp PDS, en parfaite connexion pour le report de la présidentielle. Report qui a été agité du reste assez souvent par de nombreux cadres de la mouvance présidentielle quelques semaines seulement après que le Président Macky Sall eut annoncé le 3 juillet dernier qu’il ne serait pas candidat à la présidentielle.
Qu’en est-il de la ferveur d’avant référendum mars 2016, quand le Président Macky Sall et toutes ses ouailles répétaient à l’envi que la révision de la Constitution limitait une bonne fois pour toute, par clause d’éternité, le mandat à 5 ans avec un nombre ne pouvant excéder plus de deux mandats consécutifs ?
Le chantre de cette bruyante campagne référendaire est bien loin en 2024 de l’article 27 de la Constitution qu’il a voulue. Il est par contre plus proche de ce chef d’Eat qui se référait à l’avis du Conseil Constitutionnel en dépit de sa promesse de réduire son mandat de 7 à 5 ans. Qui veut noyer son chien l’accuse de rage avec un nouvel adage en plus : Qui ne peut le moins peut le plus ; ce d’autant que ce même Conseil constitutionnel a pris du plomb dans les ailes. On accuse deux de ses membres de corruption.
Mais à propos, qui a corrompu qui ? Qui était avec qui qui a corrompu qui ? Qui a manigancé quoi ? Quand a-t-on corrompu qui ? Où ? Comment ? La monnaie a quand même du volume et de la masse à moins qu’il ne s’agisse de bitcoins. Où est l’argent ? Qui cherche trouve. A moins qu’on ne veuille pas chercher.
La constante dans cette affaire est que les députés de Benno Bokk Yakaar et de Wallu ont obtenu gain de cause en dépit de l’article 103 de la Constitution qui stipule que la durée et le nombre de mandat ne peuvent faire l’objet d’aucune révision parce qu’irréversible, c’est fini maintenant depuis la forfaiture parlementaire. L’autre constante est que la plainte d’un des juges incriminés reste lettre morte. Placée sous le coude. Le pouvoir exécutif est puissant. Celui de Macky Sall plus que tout.
Nous voilà à admettre que la traditionnelle adresse du chef de l’Etat le 31 décembre dernier n’était pas la dernière, et à nous faire à l’idée qu’un autre message est à prévoir le 3 avril, veille de la célébration de la fête de l’indépendance que l’on célébrera certainement confidentiellement. Et pour cause. D’autres discours à l’international au nom du Sénégal avant le départ le 15 décembre se feront avec quelle légalité, sinon celle d’une Assemblée nationale complice de l’illégalité. Reste à voir si départ il y aura le 15 décembre. Je n’exclus plus rien. De là à ce qu’on ne nous trouve autre chose comme prétexte. Qui ne peut le moins peut le plus.
Qu’adviendra-t-il entre temps de Bassirtou Diomaye Faye dont il se dit par-ci et par-là, comme toujours, que son compte sera réglé vite fait, du fait de lourdes charges l’accablant. Sonko out, Diomaye dans la nasse, il ne reste plus qu’à se faire manger par la sauce pseudo libérale dépourvue de toute éthique, de toute morale.
La preuve, selon désormais l’ex-ministre Abdou Latif Coulibaly qui a décidé de reprendre sa « liberté d’expression » à la suite de la déclaration du Président Macky Sall samedi 3 février, rien n’était préparé pour la tenue de la présidentielle le 25 février prochain. D’autres sons de cloche abondent dans le même sens, soutenant que des réunions tenues dans des cercles fermés pour l’assurance d’une présidentielle libre, transparente et apaisée ont été évacuées illico presto. Tout a été planifié si l’on en croit le célèbre journaliste devenu ministre.
Il y a cependant des lectures à tirer de Pinocchio libéral, car nous apprenons de ce feuilleton politico-constitutionnel que le PDS, voir la famille libérale, avait tout à perdre dans une présidentielle du 25 février sans Karim Wade. Un deuxième raté consécutif à un tel rendez-vous après 2019 aurait non seulement fait désordre, mais certainement fait imploser le parti de père Wade absolument accroché à son fils dont la responsabilité aurait été engagée et par conséquent décriée dans ce qui serait devenu une bérézina. Fort heureusement pour Karim Wade, une candidate candide s’est fait pincer. La politique n’est pas faite pour les enfants de chœur.
En politique, il faut toujours avoir une longueur d’avance parce que le poker est toujours menteur. Ne pas commettre l’erreur du côté des Wade de voir tomber dans l’escarcelle du taiseux idrissa Seck et hypothétique héritier du parti. Tous sauf Idy, jamais peur bleue n’a été aussi grande qu’en ce février 2024.
Pour finir, il est évident que Macky Sall a raté sa sortie non sans mal, non sans ouvrir la boîte à pandore. Désormais, nous devrions garder à l’esprit que tout nouvel homme fort du pays pourrait faire bouger les lignes à sa guise, obtenir gain de cause à l’Assemblée nationale et s’accrocher au pouvoir aussi longtemps qu’il le voudra. Il pourra faire sauter comme il l’entend la limitation de mandat pour s’éterniser. Pourquoi ne pas le tenter d’ailleurs en 2024 ? Qui ne peut le moins peut le plus. C’est entériné, made in Sénégal.
64 ans après l’indépendance, nous voilà à faire ce que d’autres pays ont fait avant nous. Ce n’est pas seulement un recul démocratique, c’est aussi une avancée significative dans la voie nouvelle qui se dessine au Sénégal. Puisse Dieu nous venir en aide.
Charles FAYE