Le Sénégal est en proie à une crise politique majeure, suite à la décision du président Macky Sall de reporter sine die l’élection présidentielle prévue le 25 février.
REPORT DE LA PRESIDENTIELLE – Dakar et plusieurs régions sont sous tension. L’opposition et la société civile appellent à la mobilisation pour faire pression sur Macky Sall et l’obliger à respecter la Constitution.
Le tout dans un contexte de restrictions drastiques de la liberté d’expression avec la coupure des données mobiles en plus de l’interdiction de circulation des motocyclettes et cyclomoteurs dans la capitale sénégalaise.
Cette dérive du régime de Macky Sall semble être l’achèvement d’une dictature longtemps rampante qui a fini par se mettre débout marchant sur la République.
En effet, arrivé au pouvoir en avril 2012 suite à sa victoire sans bavure sur Me Abdoulaye Wade au second tour du 19 mars 2012, Macky Sall nourrissait de grands espoirs avec ses salmigondis de slogan qu’il entonnait le long de la campagne électorale : “Gouvernance sobre et vertueuse”, “la patrie avant le parti”, “je ne protégerai personne”, entre autres.
Au bout de deux ans, ces engagements de Macky s’amenuissent sous l’effet de l’appétit succulent du pouvoir.
Dérive de la mal-gouvernance
D’abord, c’est l’affaire de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) avec le procureur Aliou Ndao limogé en plein procès Karim Wade. Cette traque aux biens mal acquis qui s’est terminée en queue de poisson. Car l’objectif semblait, au regard de sa tournure, à écarter un potentiel candidat, Karim Wade en l’occurrence.
Depuis, la porte de toutes les dérives était béante accueillant toute sorte de menaces sur les libertés fondamentales, “mackyllées” par un système prébendiers de dilapidation des deniers publics avec une corruption prenant ses aises dans une mal-gouvernance notoire en l’absence de poursuites contre les responsables. “Certains dossiers son sous mon coude”, disait-il.
Ce sentiment d’absence d’une justice équitable et indépendante alimente des frustrations et révoltes depuis 2014.
Dérive d’autoritarisme
Après cette première dérive, Macky Sall s’enfonce dans une velléité de confiscation du pouvoir avec des stratagèmes iniques.
Opposant, Macky Sall a clamé urbi et orbi sa volonté de respecter la limitation des mandats. Mieux, il a eu l’outrecuidance de ramener son premier mandat de 7 à 5 ans. Le conseil constitutionnel l’avait ainsi sorti de cette fausse promesse en rejetant cette proposition arguant de l’intangibilité de la loi.
Arrive le référendum de 2016 qui fixe le mandat de 5 avant de le verrouillé : “nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs”.
Malgré tout, le 3 juillet dernier, suite à de violentes manifestations meurtrières, Macky Sall jusque-là embourbé dans un “ni oui ni non” au lendemain de sa réélection en 2019, déclare ne pas se représenter même si “la constitution le permettait”.
Mais au-delà de ça, arrêtons-nous sur le système de parrainage qui fut mis en place afin de réduire le nombre de candidats et d’éviter les “candidatures fantaisistes”, comme l’affirmait à l’époque l’ancienne Première ministre Aminata Touré.
Limiter grâce au parrainage le nombre de candidatures dans un pays qui compte près de 300 partis politiques, voilà l’objectif des autorités sénégalaises.
Quid de l’application de ce système ? Tout porte à croire que l’objectif initial a été détourné pour servir les intérêts d’un Président qui n’est pas prêt à lâcher le pouvoir. Karim Wade et Khalifa Sall en ont fait les frais en 2019.
Dérive sur les libertés fondamentales
Que dire de la restriction des libertés de la presse, d’expression et de manifestation réprimées depuis plus de deux ans ?
Ces entraves sont souvent justifiées par des raisons de sécurité ou d’ordre public, mais elles pourraient en réalité servir à museler l’opposition et à empêcher les citoyens de s’exprimer librement sur les questions d’intérêt public.
Elles témoignent aussi d’une justice à deux vitesses car au moment où certains sont arrêtés et envoyés en prison pour une publication sur Facebook, d’autres continuent à jouir de leur liberté après avoir publiquement proféré des appels au meurtre.
Après plusieurs arrestations de journalistes, des menaces contre certains médias et contre les réseaux sociaux, l’ONG Reporter Sans Frontières dénonce un contexte inquiétant envers les journalistes et médias.
Dérive de confiscation du pouvoir
Après toutes ces dérives, comme pour couronner le tout, combler le malheur, Macky Sall décide de reporter la présidentielle initialement fixée le 25 février 2024, à moins de 24 heures du début de la campagne. Cette décision sonne comme l’aboutissement d’une dictature jusque-là rampante et qui désormais, débout hante la psychose de chaque sénégalais abasourdie par ce basculement de l’histoire.
L’ère du Sénégal vitrine de la démocratie en Afrique semble révolu. La Constitution a perdu sa virginité, la République son essence.
Maderpost