“L’émotion est nègre, la raison est Hélène” disait le poète, ancien et premier président de la République du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. Ce jugement semble plus que jamais avoir toutes ses quintessences dans le contexte politico-social actuel du Sénégal dont l’exception de sa démocratie est remis au grand jour.
TRIBUNE – La Décision du Président de la République, Macky Sall, de ne pas candidater à la prochaine élection présidentielle prévue en février 2024 et les congratulations qui s’en sont suivies remettent au grand goût la question de l’exception sénégalaise. Un peuple qui pourrait être comparé à un “caméléon” capable de changer de couleur en fonction du climat pour ne pas dire de l’environnement.
Il ne s’agit nullement de jeter le discrédit sur la volonté réelle, l’intime conviction du Président Sall de respecter sa parole donnée urbi et orbi. Loin s’en faut, cette décision est salutaire dans la mesure où elle épouse l’une des valeurs cardinales de notre société à savoir le respect de la parole donnée surtout celle d’autorité de la trempe du garant de la constitution.
Même si personne ne peut enlever au chef de l’Etat Macky Sall sa “pleine conscience” de ce qu’il a dit, redit et même écrit, il est bon de rappeler que tous les actes qu’il a eu a posé depuis sa réélection en 2019 concernant cette question du 3ème mandat concourraient à semer le doute, voire la suspicion.
Ceci dit, à quoi bon d’applaudir quelqu’un qui n’a fait que respecter sa “pleine conscience” de ce qu’il a promis et formalisé dans une loi référendaire approuvée par son peuple ? Rien d’extraordinaire dans ça, à moins que notre société soit plongée dans une crise ténébreuse de valeurs morales.
Cette situation en dit long sur la météo émotive du peuple sénégalais qui conditionne à coup sûr nos réactions et jugements. Nos politiques l’ont-ils compris ? En tout cas ça a fait tache d’huile et puisqu’au pays des borgnes les aveugles sont des rois, cette pratique est en train d’être érigée en as par nos hommes politiques.
Le leader de Pastef, Ousmane Sonko n’échappe pas à cette expertise avérée dans la manipulation et la désinformation. En effet, dans son entretien d’hier sur les antennes de France 24 diffusé à 21 h 15 Gmt, le reniement se lisait tout au long de son message au point qu’on se demande est-ce-que la météo politique n’a pas métamorphosé le maire de Ziguinchor en homme du système qui chercherait une médiation entre lui et son désormais “président de la République”. Faut-il le rappeler que depuis 2019, Ousmane Sonko qui avait déclaré à la veille de la réélection du président Macky Sall qu’il ne le reconnaitrait pas ce titre, arguant de justificatif le “trucage des élections”.
Depuis lors, le leader de Pastef a toujours appelé le chef de l’Etat Macky Sall par son nom sans le titre de président.
Maintenant que l’étau se resserre autour de lui, le discours se dilue (de gatsa-gatsa en passant par Thioki fin, il en est maintenant à “une sortie sereine” de son pire ennemi qu’il voulait déloger du palais par la force de la rue.
Et comme s’il n’était point satisfait de ce revirement, le maire de Ziguinchor a soutenu mordicus, toujours dans son entretien avec le confrère français, que “le retard du président Macky Sall a faire cette annonce (renoncement à un 3ème mandat Ndlr) a occasionné énormément de dégâts au Sénégal. Si le président de la République avait dit, dès le début, comme il l’a dit dans plusieurs vidéos quand il briguait un 2ème mandat, qu’il n’avait pas le droit de briguer un 3ème mandat, on n’en serait pas là avec ces lots de morts, d’emprisonnements, de dégâts matériels…”
Un peu plus loin dans ce même entretien, Ousmane Sonko déclare : “Nous avons vu récemment une certaine presse nationale et internationale supposer qu’avec l’annonce de la non-candidature du président Macky Sall, on nous aurait enlevé presque un moyen de revendication. C’est tout à fait faux. Jusqu’à présent, les populations sénégalaises qui se sont levées ; est-ce qu’elle se sont levées contre la 3ème candidature du président Macky Sall? Non ! Elles s’étaient soulevées contre la persécution d’un opposant politique qui s’appelle Ousmane Sonko. Jusqu’au moment où je vous parle le débat sur la candidature n’avait pas encore pris cette importance” a dit le même Ousmane Sonko “mou sell mi” (en wolof le pure) sur la tension qui prévaut dans le pays depuis des mois voire des années.
Que dire d’Idrissa Seck qui, depuis 2012 fait la navette entre l’opposition et le pouvoir. Tantôt collaborateur du régime, tantôt opposant au même régime?
Est-il utile de s’arrêter sur le cas du maire de Dakar Barthélémy Dias, qui écartait tout contact avec le président Macky Sall avant d’être l’instigateur du dialogue national auquel son mentor politique Khalifa Ababacar Sall a pris part sourire aux lèvres ? Ce même Khalifa ami, dans un passé proche, de son camarade de Yewwi Askan Wi Ousmane Sonko dont-il n’a même plus envie de citer le nom lors de son entretien avec France 24 récemment.
Bref, c’est l’exception sénégalaise tant chantée, tant choyée, cette vitrine de la démocratie ouest-africaine qui nous est tant enviée qui est en marche.
Maderpost / Mamadou Ba