POLITIQUE – Après Dakar, c’était au tour de Thiès d’accueillir la campagne nationale initiée par la “Coalition publiez ce que vous payez, Sénégal” pour demander à l’État de libérer les fonds de péréquation et d’appui aux collectivités locales.
Plus de 7 milliards à répartir à 599 collectivités territoriales, depuis 2010
Malgré toutes les dispositions de gouvernance, à savoir l’Itie (initiative pour la transparence dans les industries extractives), le code minier, “l’impact est très faible au niveau des collectivités impactées”, fera d’emblée remarquer le coordonnateur de l’antenne régionale de la “Coalition publiez ce que vous payez” (PCQVP), à Thiès, Abdou Aziz Diop. Qui met en cause le mécanisme de répartition, à savoir le fonds de péréquation et d’appui aux collectivités locales, dont le premier décret a été publié en 2009 (décret 2009-1334) mais sans avoir été matérialisé. Devant les montants dérisoires du premier arrêté interministériel de 2011, la redistribution a posé problème, souligne le membre du Forum civil. En 2015, un nouveau décret est pris par le Président de la République fixant les nouvelles clés de répartition. Suivi de la publication d’un arrêté interministériel, en décembre 2017, pour faire le calcul des redevances des montants dus aux collectivités territoriales. Le président Macky Sall, rappelle Abdou Aziz Diop, “avait demandé à ce que les fonds soient libérés avant la publication du prochain rapport Itie. Mais, regrette-t-il, les fonds tardent à être redistribués” aux ayants droit.
“Nous avons jugé utile d’alerter l’État”
L’arrêté interministériel publié en décembre 2017 couvre 6 ans (2010-2015) soient 38 milliards collectés par l’État dans le cadre des redevances et des droits fixes, dont 20% qui doivent revenir aux collectivités territoriales, 40% pour la péréquation et 60% pour l’appui. Soit 7 milliards 640 millions 894 432 frs, à répartir aux 599 collectivités territoriales. “Dans le cadre de l’Acte 3, nous avons 557 communes et 42 départements selon une clé de répartition bien définie. Voilà ce qui justifie cette campagne”, dit-il. Pour ce qui est du Fonds d’appui au développement local, innovation du nouveau code minier de 2016 (Art 115), il correspond à 0,5% du chiffre d’affaires annuel hors taxe des entreprises en exploitation. “Aujourd’hui, ce fonds devrait être mis en place. Le décret a été pris mais l’arrêté tarde à être publié”. Par exemple, explique-t-il, une entreprise qui fait 100 milliards de chiffre d’affaires, doit reverser 500 millions aux collectivités impactées. Les ICS (Industries chimiques du Sénégal) qui ont fait 159 milliards de chiffre d’affaires en 2016, sont régis par l’ancien code de 1988 et ne paient pas de redevances minières. Tout cela mérite un débat pour la revisitation des contrats antérieurs, pense le coordonnateur de PCQVP.
Sur 40 milliards collectés en 2016 Thiès, seul 1 milliard à reverser à 53 collectivités
Thiès, la première région minière en termes d’implantation et de contributions, en 2016, a contribué pour 40 milliards Cfa sur les 116 milliards perçus par l’État (Cf rapport Itie, 2016). Or, le cumul des fonds de péréquation de 2010 à 2015, pour toute la région de Thiès qui compte 53 collectivités territoriales dont 50 communes et 3 départements, elle se retrouve avec 1 milliard 10 millions sur 6 ans. Alors que pour une seule année, elle a contribué 40 milliards.
“Il faut revoir la vision qui sous-tend ces fonds de péréquation, mais aussi mettre en place un nouveau mode de redistribution plus équitable car ces ressources appartiennent au peuple”, rappelle Aziz Diop.
La campagne nationale attendue dans les régions minières, l’Assemblée nationale interpellée
“Nous allons mettre un comité de suivi pour que, une fois ces fonds libérés, qu’ils puissent être utilisés au profit des populations surtout impactées. C’est des fonds d’investissement, pour le développement local, pas des fonds de fonctionnement”, précise Abdou Aziz Diop, face à la presse. Il annonce la mise en place de “comités de suivi et de veille citoyenne pour assurer la traçabilité. Ce qu’on vise à terme, c’est l’impact de ces ressources auprès de ces collectivités territoriales”.
Plaidoyer pour que les fonds soient libérés
En écho au cri du cœur du député-maire de Taïba Ndiaye, Alé Lô, par ailleurs vice-président à l’Assemblée nationale, sur l’urgence de libérer ces fonds, Abdou Aziz Diop dit espérer que l’institution parlementaire soit saisie de la question. “Nous voulons que l’Assemblée nationale vote une loi de finances rectificatives pour libérer ces fonds. C’est une mesure d’équité et de justice sociale, que ces fonds puissent être libérés le plus tôt, mais que l’arrêté relatif au fonds d’appui au développement local puisse être publié et que la clé de répartition soit équitable. Et que l’État négocie la rétroactivité, parce que c’est des entreprises qui gagnent des milliards, et à côté, c’est le paradoxe de l’abondance, des îlots de misère. Ces collectivités locales vivent dans la paupérisation absolue”, regrette le membre du Forum civil.