L’économie mondiale rebondira cette année grâce à la poursuite des interventions politiques radicales commencées en 2020 ainsi qu’au déploiement réussi (bien qu’encore incomplet) des campagnes de vaccination dans les économies avancées, selon la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED).
ECONOMIE – Dans son Rapport 2021 sur le commerce et le développement, publié mercredi, l’agence onusienne note que la croissance mondiale devrait atteindre 5,3% en 2021, son taux le plus élevé depuis près de cinq décennies.
La reprise est toutefois inégale selon les régions, les franges de revenu et les secteurs. Dans les économies avancées, la classe des rentiers a vu sa richesse exploser, tandis que les bas salaires sont en difficulté.
Les contraintes en matière d’espace budgétaire, le manque d’autonomie monétaire et l’accès restreint aux vaccins freinent de nombreuses économies en développement, creusant le fossé avec les économies avancées et menaçant d’ouvrir la voie à une nouvelle décennie perdue.
« Ces écarts croissants, tant au niveau national qu’international, nous rappellent que les conditions sous-jacentes, si elles restent en place, feront de la résilience et de la croissance des luxes dont bénéficient de moins en moins de privilégiés », a déclaré Rebeca Grynspan, Secrétaire générale de la CNUCED. « Sans des politiques plus audacieuses qui reflètent un multilatéralisme revigoré, la reprise post-pandémique manquera d’équité et ne parviendra pas à relever les défis de notre époque ».
Allégement concerté de la dette
Les propositions de la CNUCED sont tirées des enseignements de la pandémie et comprennent un allègement concerté de la dette, voire son annulation dans certains cas, une réévaluation du rôle de la politique budgétaire dans l’économie mondiale, une plus grande coordination des politiques entre les économies d’importance systémique et un soutien audacieux aux pays en développement pour le déploiement des vaccins.
En 2022, la CNUCED prévoit un ralentissement de la croissance mondiale à 3,6%, laissant le revenu mondial encore 3,7% en dessous de ce qu’il aurait été s’il avait continué sur sa tendance d’avant la pandémie ; ceci représente une perte de revenu cumulée attendue d’environ 13.000 milliards de dollars en 2020-22. Une politique timide ou, pire encore, un retour en arrière, pourrait faire chuter davantage la croissance.
Dans le monde entier, mais en particulier dans les régions en développement, les dégâts de la crise de la Covid-19 ont été plus importants que ceux de la crise financière mondiale, notamment en Afrique et en Asie du Sud.
Même en l’absence de revers importants, la production mondiale ne reprendra sa tendance de 2016-19 qu’en 2030. Ce fait cache un problème plus profond, à savoir que la tendance de la croissance des revenus avant la crise était elle-même insatisfaisante ; la croissance mondiale annuelle moyenne au cours de la décennie qui a suivi la crise financière mondiale a été la plus lente depuis 1945.
Les hausses temporaires de prix causées par des pressions non synchronisées du côté de l’offre et de la demande pourraient devenir des prétextes pour inverser les politiques requises pour soutenir la reprise dans les économies avancées. Malgré une décennie d’injections monétaires massives de la part des principales banques centrales, les objectifs d’inflation n’ont pas été atteints et, même avec la forte reprise actuelle dans les économies avancées, il n’y a aucun signe de hausse durable des prix.
Après des décennies de baisse des salaires, les salaires réels dans les pays avancés doivent augmenter bien au-delà de la productivité pendant longtemps avant qu’un meilleur équilibre entre les salaires et les bénéfices ne soit à nouveau atteint. Cela dit, la CNUCED estime que la hausse des prix des denrées alimentaires pourrait constituer une menace sérieuse pour les populations vulnérables du Sud, déjà fragilisées financièrement par la crise sanitaire.
Redressement du commerce international de biens et de services
Au niveau mondial, le commerce international de biens et de services s’est redressé, après qu’il ait chuté de 5,6% au niveau mondial en 2020. Le ralentissement s’est avéré moins fort que prévu, étant donné que les flux de marchandises mensuels ont rebondi presque aussi fortement dans la dernière partie de 2020 qu’ils avaient chuté auparavant.
Les projections modélisées du Rapport prévoient une croissance réelle du commerce mondial des biens et services de 9,5% en 2021. Néanmoins, la reprise a été extrêmement inégale, et des cicatrices continueront de peser sur les performances commerciales dans les années à venir.
En 2021, la trajectoire positive des prix des produits de base depuis le creux observé au deuxième trimestre de 2020 s’est poursuivie. L’indice agrégé des produits de base a enregistré une hausse de 25% entre décembre 2020 et mai 2021. Cette dernière est principalement due au prix des carburants, qui a bondi de 35%, tandis que celui des minéraux, minerais et métaux a enregistré une hausse de 13%.
« La pandémie a créé une occasion de repenser les principes fondamentaux de la gouvernance économique internationale, une chance qui a été manquée après la crise financière mondiale », a déclaré Richard Kozul-Wright, Directeur de la Division des Stratégies de mondialisation et de développement de la CNUCED. « En moins d’un an, des initiatives politiques américaines de grande envergure ont commencé à produire des changements concrets dans le cas des dépenses d’infrastructure et de l’élargissement de la protection sociale, financés par une fiscalité plus progressive. La prochaine étape logique consiste à transposer cette approche au niveau multilatéral ».
Sur le plan international, le soutien des États-Unis à la nouvelle répartition des droits de tirage spéciaux (DTS), l’imposition minimale des entreprises au niveau mondial et la renonciation aux droits de propriété intellectuelle liés aux vaccins au sein de l’Organisation mondiale du commerce laissent entrevoir la possibilité d’un renouveau du multilatéralisme.
Mais il faudra un soutien beaucoup plus fort de la part des autres économies avancées et l’inclusion des voix des pays en développement si le monde veut s’attaquer à temps aux excès de l’hypermondialisation et à l’aggravation de la crise environnementale.
Le plus grand risque pour l’économie mondiale est qu’un rebond dans le Nord détourne l’attention des réformes nécessaires depuis longtemps, sans lesquelles les pays en développement resteront dans une position faible et vulnérable.
Maderpost / Lejecos