SANTE – Le lupus est dû à un dysfonctionnement du système immunitaire qui affecte les femmes à une très large majorité d’après les spécialistes. Cette fiche d’information présente certains facteurs déclencheurs de cette maladie chronique peu connue, et ses manifestations qui varient selon les organes touchés et les individus.
En 2015, la chanteuse et actrice américaine Selena Gomez a révélé en souffrir, mettant un temps sous les projecteurs cette pathologie rare.
Deux spécialistes ont répondu aux questions d’Africa Check sur le sujet : Dr Pauline Dioussé Ngom, dermatologue sénégalaise, par ailleurs maître-assistante à l’Unité de formation et de recherche (UFR) des Sciences de la Santé à l’Université de Thiès (Sénégal), ainsi que Dr Khadija Moussayer, spécialiste marocaine en médecine interne et en gériatrie. Dr Moussayer préside également l’Association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS).
Qu’est-ce que le lupus ?
Le lupus fait parte des maladies auto-immunes, « provoquées par un dysfonctionnement du système immunitaire » qui est le mécanisme naturel de défense du corps, a affirmé Dr Moussayer. « Des cellules spécialisées et des substances, qu’on appelle les anticorps, protègent normalement notre organisme des agressions de virus, bactéries ou champignons » mais dans le cas d’une maladie auto-immune, ces anticorps « se mettent à attaquer nos propres organes et cellules ».
Cette « autodestruction » de l’organisme peut concerner tous les tissus, a ajouté Dr Dioussé Ngom, « la peau, les articulations, le rein, le coeur, le système nerveux, les poumons ou encore l’appareil digestif ». Et parce qu’il touche plusieurs organes, le lupus est classé parmi les maladies dites « systémiques », rassemblant plusieurs pathologies inflammatoires d’origine inconnue.
Selon les médecins, plusieurs types sont connus, dont « le lupus discoïde » (provoquant des lésions sur la peau), « le lupus induit » (consécutif à la prise d’un médicament), « le lupus érythémateux disséminé ou LED » (marqué par l’apparition de plaques au visage et aux mains notamment). Selon Dr Dioussé Ngom, il existe l’expression « lupus tuberculeux » qui n’est cependant pas du lupus à proprement parler. « Il s’agit d’une forme de tuberculose cutanée qui ressemble au lupus », a-t-elle précisé.
Est-il spécifique à une région ?
Le lupus n’affecte pas une région en particulier « mais c’est une maladie qui touche plus la femme jeune », a indiqué Dr Dioussé Ngom.
Selon Pourquoi Docteur ?, un site animé par des médecins journalistes et journalistes spécialisés en santé, la proportion est de « neuf femmes pour un homme », pour le lupus « comme pour la plupart des maladies auto-immunes. »
Toutefois, « les populations à la peau noire (en) sont plus frappées que les autres » à cause de mutations génétiques, a souligné Dr Moussayer en se fondant sur des travaux de l’Institut Pasteuret du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de France.
Les conclusions de cette étude, qui a duré quatre ans, ont été publiées en 2016. Selon un communiqué diffusé par l’Institut Pasteur en octobre 2016, l’étude montre qu’ »Africains et Européens diffèrent dans l’amplitude de leur réponse immunitaire, notamment pour certains gènes impliqués dans les réponses inflammatoire et antivirale ». Ce résultat « fournit des pistes (…) pour mieux comprendre la sensibilité de certaines populations à des maladies comme le lupus, dont l’incidence est plus importante en Afrique qu’en Europe ».
Pourquoi touche-t-il plus la femme que l’homme ?
Le fait que « la femme porte très majoritairement ce fardeau » a plusieurs explications, notamment « le rôle des hormones sexuelles féminines, les oestrogènes », a dit Dr Khadija Moussayer. Les oestrogènes « stimuleraient trop, dans certains cas, le système immunitaire, alors que les hormones masculines, les androgènes, ont plutôt un effet protecteur ».
Egalement en cause : le rôle « du chromosome sexuel féminin X » où l’on trouve des gènes importants de notre système immunitaire. Les cellules féminines portent deux X (XX), alors que les cellules masculines n’en comptent qu’un (XY).
Dr Moussayer a aussi cité la grossesse, période durant laquelle « un échange de cellules se produit entre la mère et le fœtus ». Le système immunitaire de la femme enceinte peut considérer ces cellules fœtales « comme des éléments étrangers et s’attaquer par erreur à certains organes ».
Qu’est-ce qui le déclenche ?
Le lupus « ne peut pas être (rattaché) à une seule cause. Sa cause exacte est inconnue et son origine tient probablement plus à l’association de plusieurs facteurs et d’un terrain génétique » favorable à son apparition », lit-on sur Pourquoi Docteur ?
Parmi ces facteurs, Dr Pauline Dioussé Ngom a mentionné l’origine auto-immune et des vulnérabilités génétiques. Sont également susceptibles de participer au déclenchement du lupus : les hormones, des facteurs environnementaux comme les rayons solaires ultraviolets ou encore des facteurs médicamenteux.
Des spécialistes évoquent aussi les médicaments utilisés en traitement des troubles du rythme cardiaque ou de l’hypertension artérielle. Cependant, a précisé Dr Dioussé Ngom, cette maladie « n’est pas contagieuse ». Et même s’il existe une prédisposition familiale, elle n’est pas héréditaire.
Comment se manifeste le lupus ?
« Le lupus se manifeste par plusieurs signes en fonction de l’organe atteint », signes pouvant différer d’un individu à l’autre, a encore affirmé Dr Dioussé Ngom. Parmi ses manifestations, figurent « la fièvre au long cours, des plaques sur la peau surtout aux zones » exposées aux rayons du soleil, « des douleurs articulaires réveillant le patient la nuit ».
On y note aussi une atteinte des éléments du rein quand cet organe est touché ; « une douleur et un engourdissement des extrémités des doigts déclenchés par le froid ou le stress » ; des caillots qui se forment dans les artères ou les veines en cas d’atteinte cardiovasculaire.
De plus, il peut se manifester par une paralysie ; des troubles du comportement et de l’humeur, signes d’une atteinte des nerfs et du cerveau ; « une toux persistante ou des difficultés à respirer », quand le poumon est touché. Il peut également être responsable d’avortements à répétitions chez une femme.
Peut-on en guérir ?
Le lupus est une maladie chronique qui « évolue durant plusieurs années, par poussées et rémissions », on ne peut pas en guérir complètement à ce stade, selon Dr Dioussé Ngom.
Quel est le traitement ?
Le traitement est long et se divise « en deux rubriques », d’après la dermatologue sénégalaise, « le traitement symptomatique, avec des médicaments pour améliorer la qualité de la vie » de la personne lupique, et « le traitement de fond, qui utilise des médicaments spéciaux très efficaces mais pourvoyeurs de nombreux effets secondaires ». Il est recommandé au malade de prendre un traitement adapté à son cas et de se conformer aux doses prescrites.
Peut-on l’éviter ?
Il n’est pas possible d’éviter le lupus. Mais certaines précautions peuvent permettre au lupique de prolonger la durée des rémissions. Sont ainsi recommandés : une alimentation saine et équilibrée, le port de vêtements protégeant du soleil comme des hauts à manches longues et des pantalons, la pratique d’une activité physique sans excès durant la rémission (elle est en revanche déconseillée durant la poussée de lupus). Sont déconseillés : le tabagisme, l’exposition au soleil et toute activité à fort taux de stress et à risque de traumatisme.
Qui peut établir le diagnostic ?
« Le lupus est une maladie connue par les dermatologues, les internistes, les rhumatologues, les néphrologues, les neurologues, les psychiatres, les gynécologues » entre autres spécialistes, a avancé Dr Pauline Dioussé Ngom. Pour établir le diagnostic, le médecin doit se renseigner sur l’histoire du patient, les maladies dont il a souffert et les antécédents de sa famille.
Quand un malade présente quatre signes sur onze retenus par les spécialistes (les « critères de la classification de référence »), le diagnostic du lupus peut sembler évident. Mais plusieurs examens peuvent se révéler utiles ou nécessaires pour confirmer ces signes cliniques : examens du sang, examens immunologiques, biopsie [prélèvement d’un petit morceau d’un organe ou d’un tissu] de la peau, échographie cardiaque, biopsie rénale…
Combien de cas au Sénégal ?
« Pour l’instant, aucune étude n’a été faite pour mesurer la prévalence [du lupus] dans tout le Sénégal », a déclaré Dr Dioussé Ngom. Mais, a-t-elle poursuivi, « des séries de cas » étudiées « par des dermatologues, des internistes, des rhumatologues et des néphrologues dans les hôpitaux de Dakar et de Thiès » permettent d’affirmer que leur nombre « est en hausse ».
Cette dermatologue est l’auteure principale d’une étude concernant des patients reçus pour des maladies auto-immunes systémiques dans un service de dermatologie à Thiès de 2009 à 2016. Sur près de 32.000 patients consultés durant cette période, « 95 présentaient une maladie auto-immune systémique » et « le lupus systémique était la plus représentative dans 65,2 % des cas », d’aprèsles résultats de cette analyse publiés par la Revue africaine de médecine interne (Rafmi) en décembre 2017.
Combien de cas au Maroc ?
L’AMMAIS fait état d’environ « 20.000 Marocaines touchées » par le lupus dans un article publié par le journal marocain Le Matin le 10 mai 2018. « C’est une estimation d’après les études faites en Europe sur la prévalence moyenne de la maladie, qui est d’environ une personne sur 1.600 », avec un nombre d’hommes affectés « assez marginal », a expliqué Dr Khadija Moussayer à Africa Check.
Combien de cas dans le monde ?
A l’échelle mondiale, « au moins cinq millions de personnes ont une forme de lupus », soutient laFondation américaine du lupus (LFA), estimant que ce total inclut quelque « 1,5 million d’Américains ». Ces estimations sont fondées sur les données disponibles avec une incidence de 16.000 nouveaux cas par an », précise-t-elle.
Parmi les Américains qui en souffrent, Selena Gomez est l’une des plus en vue. La Fédération mondiale du lupus (WLF), qui revendique « environ 250 organisations dédiées aux patients atteints de lupus du monde entier », affirme que cette chanteuse américaine est une des célébrités permettant d’accorder à cette maladie « une publicité sur les médias sociaux ». En septembre 2017, Gomez a annoncé sur Instagram avoir subi une opération pour se faire greffer un rein dans le cadre de son traitement.
Le 10 mai, « Journée mondiale du lupus »
Le 10 mai de chaque année, depuis 2004, différentes activités et campagnes sont menées à l’occasion de la « Journée mondiale du lupus », selon la WLF. L’initiative a été prise par la LFA. L’objectif est de « sensibiliser » sur cette maladie, « éduquer le public sur les symptômes » et lutter contre la stigmatisation de ceux qui en souffrent.
Source : africacheck