« Nous exhortons nos frères et sœurs à bien réfléchir avant de venir étudier au Sénégal… » parce que le loyer est trop cher dit un étudiant gabonais au quotidien Le Témoin disant avec d’autres collègues comment leur vie devient un cauchemar et comment le coût exorbitant des loyers plombe la destination Sénégal. Un papier du Témoin.
LOGEMENT – Jusqu’à présent, le Sénégal était une destination académique pour de nombreux étudiants du continent. En particulier en provenance d’Afrique centrale. La qualité de notre système d’enseignement supérieur et de formation professionnelle, qu’il soit public ou privé, n’est pas en cause et reste toujours attractive pour des milliers d’étudiants en quête de savoir et de qualifications.
Ce même si la qualité de l’enseignement n’est pas toujours au rendez-vous dans ces nouvelles destinations académiques. « Le Témoin » s’est invité dans le calvaire de ces braves hôtes qui vivent et étudient parmi nous…
Jusqu’à une époque récente, le Sénégal était une destination académique de choix pour de nombreux étudiants d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest. Et notamment les Gabonais, les Ivoiriens, les Centrafricains, les Maliens, les Guinéens, les Camerounais, les Burkinabés, les Nigériens, les Togolais, les Tchadiens etc. attirés par la qualité de nos systèmes d’enseignement supérieur et de formation professionnelle.
Mais aussi la possibilité de vivre et d’étudier dans une grande ville possédant toutes les commodités des métropoles européennes mais avec un environnement africain. C’est-à-dire sans le racisme des Toubabs !
Malheureusement, ces dernières années, la hausse du coût de la vie à Dakar, en particulier l’augmentation exagérée et incontrôlable des prix des denrées alimentaires et du coût du loyer a fait fuir de nombreux étudiants étrangers.
Et dissuadé des centaines d’autres à venir s’inscrire dans nos écoles et nos universités. Mais la tendance constatée par « Le Témoin », c’est que de plus en plus des étudiants africains interrompent leurs études à Dakar pour soit rentrer chez eux soit migrer vers d’autres pays africains. Beaucoup d’étudiants étrangers que connaissait votre serviteur ne sont plus revenus de vacances.
L’un d’entre eux explique pourquoi : « Parce que la vie est trop chère à Dakar, surtout le loyer. Actuellement, je suis au Maroc où on peut allier études et travail alors qu’au Sénégal, c’est quasiment impossible de trouver du travail, ni même un stage rémunéré » se justifie cet étudiant burkinabé qui a migré vers le Maroc.
« Pourtant, le Sénégal dispose des meilleures écoles de formation et universités en Afrique, et le pays est sûr en matière de sécurité, mais la vie y est trop, trop chère… » ajoute notre interlocuteur avec amertume et regret puisqu’il se plaisait bien dans notre capitale.
En dehors du Maroc, nous renseigne-t-il, certains étudiants étrangers choisissent la Côte d’Ivoire où l’argent circule bien que la vie soit plus ou moins chère par rapport à Dakar. La décision portant baisse du coût du loyer effective depuis ce mercredi va-t-elle permettre d’inverser la tendance ?
Il est évidemment trop tôt de répondre à cette question.
Il faudra sans doute attendre le mois d’octobre prochain, date de rentrée des classes, pour savoir si elle a eu les effets escomptés sur ces étudiants africains déjà établis au Sénégal ou susceptibles de s’inscrire dans nos établissements d’enseignement supérieur.
Le gouvernement a décidé une baisse de 5% pour les loyers de plus de 500 000 cfa, 10 % pour les loyers allant de 300 000 cfa à 500 000 cfa et 20 % pour les loyers inférieurs ou égaux à 300 000 cfa. Dès lors, toute la question est de savoir comment ces mesures vont-elles prendre en compte les chambres dites « célibataires » ou « étudiants » dont le prix du loyer est passé de 25.000 cfa à 75.000 cfa /mois en quelques années ?
De même, le studio qui se louait il n’y a guère entre 60.000 et 75.000 cfa ne peut s’obtenir aujourd’hui à moins de 125.000 cfa voire 150.000 cfa/mois. Et encore fallait-il donner l’équivalent de trois mois de loyer avant de prendre possession des clefs…
A prendre ou à laisser ! Une chose est sûre : pour bon nombre d’étudiants étrangers et sénégalais, cette mesure n’est que du saupoudrage politique et risque encore de tomber à l’eau comme la loi de février 2014 portant baisse des prix du loyer qu’avait initiée et décrétée l’ancien président Me Abdoulaye Wade.
Toujours est-il qu’on voit comment le gouvernement pourra-t-il faire appliquer toutes ces mesures de baisse des prix du loyer et aussi de ceux des denrées alimentaires. Or, c’est la condition pour, en particulier, à encourager les étudiants étrangers à continuer de venir au Sénégal !
Des étudiantes congolaises injustement expulsées
Interrogée sur le coût du loyer à Dakar, la jeune Ebare Priscillia, étudiante en licence 2 de journalisme et communication, à l’école Ensup Afrique se désole des dures conditions de vie au pays de la Téranga. « Mes sœurs et moi avons été expulsées par notre bailleur, une certaine Mme Guèye au quartier Sicap-Foire. C’était un appartement de 5 chambres loué à 300.000 cfa/mois pour un contrat de loyer d’une durée d’un an renouvelable.
Hélas, au bout de six mois, la propriétaire de l’immeuble a voulu porter le prix de l’appartement à 500.000 cfa/mois. Et comme nous ne pouvions pas accepter cette augmentation exagérée, elle nous a fait expulser ! », explique cette étudiante gabonaise.
Avant d’ajouter, la mort dans l’âme : « Depuis notre expulsion de Sicap-Foire, nous ne sommes plus stables, faute de logement ! Presque chaque jour, mes sœurs et moi désertons les cours à tour de rôle à la recherche d’un appartement à notre portée c’est-à-dire à un prix abordable », souligne-t-elle.
Même complainte chez l’étudiante congolaise, Mlle Spencet Paka, qui se plaint non seulement du comportement de certains bailleurs mais aussi de la malhonnêteté des agents immobiliers et des courtiers véreux.
« Ces intermédiaires font payer des commissions équivalant à un mois de loyer c’est-à-dire 300.000 cfa ou 500.000 cfa pour un appartement. C’est inconcevable ! Si je savais que j’allais être confrontée à cette situation à Dakar, je n’allais jamais venir étudier au Sénégal. Jamais ! Parce que la plupart des étudiants étrangers n’ont pas de bourse d’Etat.
Ce sont des parents qui se débrouillent pour nous emmener poursuivre nos études supérieures ici à Dakar. Pour survivre, nous vivons en colocation c’est-à-dire à deux, trois ou quatre dans une chambre. Et chaque colocataire doit payer sa part de loyer, ou disons sa quotepart aussi bien pour le logement que pour les factures d’eau et d’électricité. Malheureusement certains bailleurs et courtiers refusent l’option collocation. Une situation qui nous plonge dans un autre calvaire » se lamente Mlle Spencet Paka, étudiante non boursière.
Et de jurer qu’« après l’obtention de ma licence, je compte changer de pays pour poursuivre mes études en master ailleurs où la vie est moins chère qu’à Dakar. »
Un rêve de lycéen vire au cauchemar !
Pour Elvis Nelson, un autre étudiant gabonais en Qualité Hygiène et Assurance, venir étudier au Sénégal a été toujours en rêve d’enfance « parce que j’ai été ébloui par ce pays dès la classe de seconde avec de grands hommes et savants de référence comme Cheikh Anta Diop, Léopold Sédar Senghor et Me Abdoulaye Wade.
Mieux, le système éducatif sénégalais est bon, ce qui justifie que les étudiants gabonais diplômés de Dakar sont systématiquement embauchés ou recrutés au Gabon. Mais la vie est trop chère dans votre pays. Il est impossible pour un étudiant de vivre avec 100.000 cfa par mois.
Ce qui fait que nous, étudiants étrangers, sommes toujours confrontés à d’innombrables difficultés. En tout cas, je ne cesse d’exhorter nos frères et sœurs qui sont encore au pays de bien réfléchir avant de venir ici au Sénégal. Moi, pour boucler mes fins du mois, j’exerce une activité de coiffeur après les cours. Aujourd’hui mon rêve d’enfance vire au cauchemar à Dakar ! » regrette cet étudiant gabonais, et coiffeur à ses heures creuses.
Une chose est sûre : il n’est donc pas surprenant de constater que la destination Sénégal devient de plus en plus un repoussoir pour les étudiants étrangers. Et comme le disait le célèbre rappeur panafricaniste sénégalais Didier Awadi : « Pour comprendre ma douleur tu dois la vivre ».
Votre quotidien préféré « Le Témoin », à travers ce reportage, a compris la douleur sociale des étudiants étrangers vivant à Dakar. Et pourtant, ils ne sont pas les seuls puisque les étudiants sénégalais en provenance de l’intérieur du pays vivent le même martyre dans la capitale au point que certains d’entre eux ont dû abandonner les études, faute de logement ou de moyens de subsistance.
Ce même si la bourse est généralisée au niveau des universités et autres établissements du privé. Mais, face à la cherté de la vie dans ce pays, et si l’on ne bénéficie pas des œuvres sociales des universités comme le Coud, le Crous etc., difficile de vivre avec une pauvre bourse d’étudiant.
Comme quoi la nouvelle et énième loi sur la baisse du loyer vient à son heure si elle peut servir à réduire le coût de la vie non seulement pour nos compatriotes mais aussi, et surtout, pour ces pauvres hôtes étudiants étrangers ayant choisi de s’inscrire dans nos établissements !