Les États-Unis ont dépassé la barre des 2,5 millions de contaminations au coronavirus. La situation devient très inquiétante dans le sud du pays, notamment en Floride. La faute à un déconfinement trop rapide, selon le professeur Christian Brechot, virologue, ancien directeur de l’Inserm et de l’Institut Pasteur et président du Global Virus Network (GVN).
CORONAVIRUS – franceinfo : Les États-Unis sont-ils en train de vivre une flambée épidémique ?
Christian Brechot : Absolument. Il ne s’agit vraiment pas d’une seconde vague. Il faut bien le comprendre. C’est simplement la poursuite de la première vague qui a été mal contrôlée. L’explication est malheureusement très simple. C’est qu’on a arrêté le confinement alors que l’épidémie n’était absolument pas contrôlée.
Et ce, dans plusieurs États des États-Unis. C’est l’absence de contrôle fédéral et de règles homogènes faites aux États-Unis. Malheureusement, pour être franc, ce qui aurait été surprenant, c’est qu’on ne constate pas ce que nous voyons aujourd’hui quand on pense, encore une fois, à un arrêt du confinement qui a été beaucoup trop précoce.
L’épidémie est-elle hors de contrôle ?
C’est une bonne question. Je pense qu’avec ce virus, il faut rester très humble parce qu’il y a beaucoup de choses qu’on n’a jamais maîtrisées, mais je crains que la réponse soit oui. Maintenant, il y a un point qui est important à dire. La majorité des nouvelles infections pour l’instant touchent des gens jeunes.
Et le point clé en Floride, évidemment, c’est le risque de transmission dans les maisons de retraite et à des personnes âgées. Jusqu’à présent, ils ont réussi à contrôler ça avec des mesures extrêmement strictes dans les maisons de retraite. Maintenant, on est tous très, très inquiets parce qu’évidemment, si tous ces nouveaux cas d’infection se transmettaient à des personnes âgées dans les maisons de retraite, on a une situation terrible.
Le pays n’était pas prêt pour un déconfinement réussi ?
Absolument. C’est vraiment ce qui s’est passé. Et puis, il y a eu des vacances. Les personnes se sont agglutinées dans les bars. D’ailleurs, ils sont en train de les fermer, de faire marche arrière. Entre parenthèses, ça montre bien pour la France l’efficacité d’un confinement. Quand il est fait de façon efficace et quand il dure suffisamment longtemps.
Il y a aussi des populations qui n’ont pas d’autre choix que d’aller travailler dans des conditions sanitaires parfois précaires…
Vous soulevez un point qui est majeur aux États-Unis et qui explique d’ailleurs, il faut le reconnaître, la pression qu’il y a sur les gouverneurs de tous les États. Évidemment, il y a un chômage massif. Il n’y a pas du tout les avantages sociaux que nous avons en France ou en Europe. Donc il y a une pression absolument énorme pour aller travailler. Et effectivement, ça veut dire qu’il y a un certain nombre de personnes qui n’ont pas les protections nécessaires. C’est vraiment une situation qui est très compliquée à gérer.
On entend parfois des témoignages d’Américains qui refusent de porter un masque. Ils affirment que le virus n’est pas dangereux ou, pire, qu’il s’agirait d’une invention, d’un complot. Est-ce une position minoritaire ?
Ce n’est pas minoritaire et c’est un point important que vous soulevez. C’est que malheureusement, aux États-Unis, la discussion sur le Covid-19 est une discussion politique. Effectivement, vous avez une partie de l’électorat républicain pour qui tout cela est une invention pour ruiner des progrès économiques réalisés par Donald Trump. Et vous avez effectivement une partie non négligeable de la population qui le considère comme ça. Vous avez ces personnes qui considèrent que c’est une invention, vous avez des jeunes, et pas seulement aux États-Unis, qui n’arrivent pas à prendre des précautions, avec des rassemblements. Quand vous combinez tout ça, vous arrivez à une situation qui est devenue effectivement assez explosive.
Maderpost / Franceinfo