La presse sénégalaise vit des moments «très difficiles», mettant en danger sa survie et par ricochet l’ensemble des emplois qu’elle génère. Asphyxie fiscale, restrictions économiques et mesures réglementaires contraignantes, le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps) tire la sonnette d’alarme et appelle à un «dialogue rénové» avec le gouvernement pour sauver un secteur essentiel à la démocratie et au développement du pays.
PRESSE – La presse est en train de suffoquer. Ce n’est pas une hyperbole, mais une réalité bien documentée par le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps). Asphyxiées fiscalement par des décisions «injustes et économiquement affaiblies» par des mesures de «bannissement» au niveau des entreprises publiques où elles sont interdites de publicité par la tutelle, «les entreprises de presse, donc forcément privées des habituelles recettes, sont réellement menacées dans leur existence». Ainsi, Mamadou Ibra Kane, qui s’exprimait au cours d’un point de presse, tire la sonnette d’alarme.
«La presse sénégalaise vit des moments très difficiles et la survie du secteur est hypothétique. De nombreuses entreprises sont en situation de quasi-faillite depuis le Covid-19. A terme, la menace de fermeture est bien réelle. Plusieurs centaines d’emplois vont être perdus», alerte le président du Cdeps. Evidemment, les répercussions de cette situation ne se limitent pas à l’aspect économique des entreprises de presse.
«Face à cette situation périlleuse, les cotisations sociales pour les travailleurs ne sont plus versées régulièrement, sinon pas du tout, et la couverture sanitaire n’est plus assurée pour nombre de cotisants», ajoute-t-il, rappelant que cette situation, qu’il juge «catastrophique», a surtout empiré durant l’année 2024. Bref, la presse est malade, «et nous le regrettons, pendant les 10 premiers mois du nouveau pouvoir incarné par le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, en raison de mesures handicapantes pour l’entreprise de presse».
A ces restrictions, s’ajoute une réglementation obligatoire du ministère de la Communication pour tous les médias, même ceux qui respectent déjà le Code de la presse. «La décision à caractère superfétatoire d’une reconnaissance ministérielle pour le média déjà identifié dans le respect du Code de la presse. Dès lors, force est de constater, pour le Cdeps, que l’affaiblissement de la presse peut s’avérer totalement en déphasage avec l’image de notre pays démocratique et disposant d’une presse libre et indépendante», constate le patron d’Africom.
Le Cdeps en appelle à une prise de conscience collective. «Aujourd’hui, plus que jamais, le Sénégal a besoin d’une presse républicaine, libre et indépendante, pour se répéter, viable économiquement, condition première pour toute politique de souveraineté. Les médias sont et resteront toujours un vecteur de développement. La presse n’est ni un adversaire ni un ennemi. Au contraire, la presse peut être un formidable outil de vulgarisation des politiques publiques des dirigeants légitimement choisis par les Sénégalais», lit-on dans le document.
A cet égard, le Cdeps exhorte le gouvernement à respecter ses engagements, notamment celui d’un «dialogue rénové avec la presse» annoncé le 14 août 2024 en Conseil des ministres. Dans le communiqué, le Cdeps tente de rallier tout le monde, pour soutenir une presse libre, indépendante et économiquement viable. «Nous appelons tous les citoyens sénégalais, la Représentation nationale, les confréries musulmanes et l’Eglise, la Société civile, les partis politiques, les acteurs des médias, toute l’élite économique et intellectuelle, les partenaires du Sénégal, pour contribuer à asseoir un environnement favorable au renforcement de la liberté de la presse et de l’Etat de Droit», a lancé le président du Cdeps, Mamadou Ibra Kane.
Maderpost / Le quotidien