Les députés français, André Chassaigne et Jean-Paul Lecoq, respectivement président du Groupe de la Gauche démocratique et républicaine et vice-président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale de France ont interpellé Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères sur la situation au Sénégal à travers une lettre dont Maderpost a eu copie.
POLITIQUE – André Chassaigne député du Puy-de-Dôme et Jean-Paul Lecoq député de Seine-Maritime évoquent dans leur lettre en date du 17 mars dernier « la situation difficile au Sénégal » « de plus en plus dangereuse à mesure que s’approche son élection présidentielle ».
Ajoutant : « Deuxièmement, les tentatives d’intimidation, les menaces et les actions judiciaires contre les opposants politiques du Président Macky Sall, dont Ousmane Sonko qui est issu de la coalition ‘Yewwi Askan Wi’, contribuent à créer des tensions qui pourraient, au moindre accident, dégénérer de manière violente. Aujourd’hui, de très nombreux Sénégalais se soulèvent face à ce qu’ils considèrent comme un harcèlement judiciaire visant à faire tomber l’opposant politique le mieux placé pour l’emporter aux prochaines élections présidentielles ».
Revenant sur la question adressée par l’ancien Premier ministre Hadjibou Soumaré qui lui a valu une convocation à la Division des investigations criminelles avant d’être placé sous contrôle judiciaire, les deux députés cosignataires de la lettre disent : « Troisièmement, selon plusieurs médias sénégalais, le Président Macky Sall aurait donné 12 milliards d’euros à la députée Marine Le Pen lors de son entrevue privée avec lui le 18 janvier dernier ».
Fort de ces trois « éléments complémentaires », « il nous semble que la France a tout intérêt à s’inquiéter de la présente situation » écrivent-ils dans leur lettre envoyée au Quai d’Orsay. D’ailleurs pour ces deux députés « Paris doit impérativement vérifier que le Président Macky Sall ne s’ingère pas dans la politique française en finançant un parti politique français ».
« Deuxièmement, reviennent-ils, la France doit intégrer dans le dialogue qu’elle a avec le Président sénégalais et les autorités, son souhait de voir le Sénégal remplir ses obligations du point de vue du droit international au titre, notamment de son adhésion aux Nations-Unies, mais également du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par le Sénégal en 1978 et de tous les engagements internationaux et nationaux afférents ».
« Enfin, dans un contexte où les actions de la France sont scrutées de très près en Afrique francophone, dans ce qui a été autrefois appelé le ‘pré-carré’ français et qui laisse encore très largement des plaies à vif dans cette sous-région du continent africain, il apparait fondamental que la France soit attentive au respect de l’opposition et œuvre, dans un cadre multilatéral incluant les instances africaines, à garantir des élections crédibles, c’est-à-dire dans la présence de l’actuel Président Macky Sall »,
Soucieux des investissements du secteur privé et des intérêts français, les deux députés qui mettent la pression sur le Quai d’Orsay notent un déphasage de la France par rapport aux aspirations des populations.
« Que nous le voulions ou non, force est de constater que dans cette zone d’influence, beaucoup voient la main de la France dans le soutien des dirigeants politiques en place. Pour le dire autrement : la France est souvent vue comme préférant la stabilité politique à l’alternance démocratique, quitte à soutenir des autocrates pendant des décennies, comme c’est le cas par exemple au Cameroun ou à Djibouti ».
Ne laissant rien passer, les deux députés français de rappeler à Catherine Colonna le troisième mandat « inconstitutionnel » du Président ivoirien Alassane Ouattara qui n’a pas été « aussi sévèrement critiqué par Paris que le troisième mandat du Président guinéeen Alpha Condé », mais encore les « deux poids deux mesures de la diplomatie française » sur la présence du chef d’Etat major français à Ndjamena quelques jours après le décès du Président du Tchad Idriss Deby en avril 2021 afin de rencontrer le putschiste Mahamat Idriss Deby et de lui « donner une légitimité alors qu’il a occupé la place de son père dans l’illégalité constitutionnelle la plus totale ».
André Chassaigne et Jean-Paul Lecoq ne perdent pas d’ailleurs de vue que le coup d’Etat en septembre 2021 a été organisé par un ancien légionnaire français.
Pour ces deux députés de l’hexagone, la France « se grandirait » si elle venait « en soutien à toutes initiatives utiles au bon déroulement du scrutin présidentiel » du 25 février 2024. Pour eux, la France démontrerait un « tournant » dans sa « politique trouble » en Afrique.
Maderpost