Face au Covid-19, le Centre de prévention et de contrôle des maladies (CDC) de l’Union africaine (UA) est monté au front très tôt, tandis que l’Afrique de l’Ouest garde une longueur d’avance sur les autres communautés régionales, grâce à son expérience face au virus Ebola.
CORONAVIRUS – Avant ses premiers cas déclarés de Covid-19, fin février, l’Afrique a anticipé sur la pandémie, via ses institutions. En première ligne, le Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) de l’Union africaine, créé en 2016 à Addis-Abeba et dirigé par le Camerounais John Nkengasong, un virologue formé en Belgique et qui a fait carrière aux États-Unis.
Pour l’économiste et politologue béninois Gilles Yabi, fondateur à Dakar du think tank WATHI, “l’Afrique a pu réagir vite et beaucoup de pays ont pris des mesures vraiment tôt parce que le CDC a joué son rôle. Des réunions ont été organisées tout de suite pour parler de la stratégie de dépistage, et améliorer les capacités des pays à tester les malades.”
27 janvier – Le CDC active son centre d’opérations d’urgence et son Incident Management System (IMS) face au Covid-19. Début février, le CDC commence à publier des bulletins sur l’état de la pandémie dans le monde, alors que les premiers cas ne sont pas encore déclarés en Afrique.
14 février 2020 – Première réunion des ministres de la Santé de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao)à Bamako, avant l’apparition du premier cas de personne contaminée.
9 mars 2020 – Réunion des ministres de la Santé de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).
17 mars 2020 – Première réunion de crise du secrétariat général de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC) à Libreville.
Un Fonds de solidarité et une stratégie continentale
20 mars – Le CDC publie la Stratégie continentale africaine conjointe face au Covid-19. Ce document fait état de la “vulnérabilité” africaine en raison de la “relative fragilité de ses systèmes de santé, d’épidémies concurrentes, d’infrastructures d’eau et d’assainissement inadéquates, et la possibilité d’agitation sociale et politique”.
Il relève aussi un facteur démographique qui pourrait atténuer le nombre de décès, plus de la moitié de la population africaine ayant moins de 20 ans. Les objectifs sont clairs : limiter la progression de la pandémie mais aussi ses conséquences économiques et les risques plus politiques de “disruption sociale”.
26 mars – L’UA décide de créer un Fonds de solidarité continental contre le Covid-19, les pays membres y contribuant à hauteur de 11 millions de dollars (8 millions viennent à parts égales d’Afrique du Sud et d’Égypte, 2 millions du Kenya, 1 million du Mali). Un renforcement budgétaire de 5,5 millions de dollars est aussi décidé en faveur du CDC.
1er avril – Alors que le Covid-19 progresse lentement en Afrique de l’Ouest, l’OOAS apporte un soutien financier et matériel aux pays de la CEDEAO. Elle annonce avoir déjà distribué plus de 30 000 kits de tests, et avoir en cours des distributions de 50 000 kits de transport d’échantillons, 10 000 équipements de protection individuelle et des médicaments. Des commandes de machines d’assistance respiratoire ont été passées.
9 avril – La Banque africaine de développement (BAD) lance un fonds de lutte contre le coronavirus de 10 milliards de dollars, dont 1,35 milliard dédiés au secteur privé.
10 avril – Deuxième réunion de crise de la CEEAC, qui lance des équipes de suivi de la pandémie et en examine les impacts possibles dans un contexte de chute des cours du pétrole.
13 avril – L’UA désigne quatre envoyés spéciaux de haut niveau pour défendre les intérêts du continent face au Covid-19. Il s’agit de Ngozi Okonjo-Iweala (Nigeria), ancienne directrice générale de la Banque mondiale et ex-ministre des Finances, Donald Kaberuka (Rwanda), ancien président de la Banque africaine de développement (BAD), Tidjane Thiam, banquier franco-ivoirien et Trevor Manuel (Afrique du Sud), ancien ministre de l’Économie et des Finances.
Ils sont chargés de “solliciter un soutien rapide et concret, comme promis par le G20, l’Union européenne et d’autres institutions financières internationales”, annonce l’UA. Son président en exercice Cyril Ramaphosa, le chef de l’État sud-africain, mentionne un “plan de relance complet pour l’Afrique, y compris un moratoire sur la dette et les paiements d’intérêts”.
Plus de 50 millions de dollars d’argent africain
15 avril – La SADC publie sa réponse stratégique régionale face au Covid-19. Elle lance 10 actions transversales dans les domaines de la gestion des risques de catastrophe, l’approvisionnement en médicaments, le transport transfrontalier, un partenariat avec l’Unesco dans le cadre de la campagne #LearningNeverStops et le suivi de la pandémie.
16 avril – Le CDC annonce la distribution d’un million de tests de dépistage dans le cadre d’un Partenariat pour accélérer les tests du Covid-19 (PACT). Le Nigeria n’a alors mené que 6 000 tests pour une population de quelque 200 millions d’habitants, et l’Éthiopie à peine 5 000 pour 100 millions d’habitants. Le geste du CDC est jugé par des médecins africains comme un premier pas symbolique, mais pas suffisant, les besoins étant estimés à 25 millions de tests.
22 avril – Plusieurs chefs d’État échangent en vidéo-conférence avec 21 hommes d’affaires africains, afin de solliciter leur soutien pour contribuer au fonds de lutte contre le coronavirus et distribuer 10 millions de tests entre mai et août.
Outre le président de la Commission de l’UA Faki Mahamat et le président de l’Afrique du Sud, les chefs d’État de la République démocratique du Congo (RDC), du Kenya, du Rwanda, du Mali, du Sénégal et du Zimbabwe sont présents, de même que le Premier ministre éthiopien et le ministre des Affaires étrangères de l’Égypte.
Le Fonds de lutte contre le Covid voit ses contributions passer de 11 à 23,5 millions de dollars, tandis que le CDC trouve des rallonges conséquentes de 32 millions de dollars. S’avèrent déterminants les apports de la Banque africaine de développement (26 millions), de la Fondation Motsepe (6 millions), de l’Afreximbank (3 millions) et des pays eux-mêmes, dont la RDC (4 millions), le Sénégal et du Zimbabwe (2 millions chacun) et le Rwanda (1 million).
Ces montants témoignent d’un engagement, mais suffiront-ils ? Les fonds dégagés ne tiennent pas la comparaison avec les 10 milliards de la BAD, ni même les 3 milliards d’euros mobilisés par le seul Maroc dans son fonds national de lutte contre le coronavirus, un effort qui représente 3 % du PIB marocain.
Le 23 avril – C’est au tour des chefs d’État ouest-africains d’échanger lors d’une visio-conférence, lors d’un sommet extraordinaire de la CEDEAO sur la pandémie. Il est question de prévention et de mesures d’accompagnement socio-économiques, avec un appel aux chefs des États membres de la CEDEAO à mettre au pot commun du fonds de l’UA, et à renforcer la coopération entre le CDC et l’OOAS. Les États s’engagent à allouer au moins 15 % de leur budget annuel à la santé, pour enfin tenir la promesse faite en 2014 face à Ebola.
Les banques centrales de l’Afrique de l’Ouest, qui se sont réunies le 21 avril, ont lancé un appel à la communauté internationale pour la mobilisation de ressources additionnelles au profit de l’Afrique de l’Ouest pour faire face à ses défis économiques et sociaux. Les banques centrales soutiennent l’initiative de l’Union africaine de négociation avec les partenaires pour une annulation de la dette publique et une restructuration de la dette privée des pays africains. Il est question, pour finir, d’un programme de soutien au secteur de la fabrication des produits pharmaceutiques et des équipements de protection sanitaire, dont la production locale couvre à peine 20 % des besoins de l’Afrique de l’Ouest.
27 avril – Troisième réunion de crise de la CEEAC, qui soulève les faiblesses structurelles de sa propre communication interne, faute d’un logiciel permettant l’échange de données statistiques et en raison d’un accès limité à Internet. Le fonds communautaire de santé lancé en 2015 n’a pas été activé, tandis qu’une stratégie régionale reste à élaborer.
30 avril – La Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), dont tous les membres (Burundi, Kenya, Ouganda, Tanzanie, Rwanda) n’ont pas des relations au beau fixe, publie sa stratégie face au Covid-19, après une visio-conférence de ses ministres de la Santé et du Commerce. L’accent est mis sur la prévention, le matériel de dépistage et les équipements de laboratoires, outre la surveillance aux frontières. L’EAC annonce avoir fourni neuf laboratoires mobiles de dépistage et 100 kits de tests par pays, en plus des 500 qui ont été commandés pour chaque pays – un chiffre dérisoire.
1er mai – La CEEAC envisage un sommet de ses chefs d’État par visio-conférence. La date et l’ordre du jour ne sont pas arrêtés.
10 mai – L’EAC réunit ses ministres et secrétaires d’État en charge de la Santé, du Commerce et des Transports dans une visio-conférence qui met l’accent sur la production locale de produits médicaux essentiels (masques, gel hydro-alcoolique, savons, appareils respiratoires). Plus concrètement, l’EAC a mobilisé un crédit de 500 000 dollars pour soutenir ses laboratoires mobiles et commander 1 000 tests de dépistage par pays partenaire.
Du côté des organisations sous-régionales, le tableau est plus contrasté qu’à l’échelon de l’UA. L’Afrique de l’Ouest paraît plus dynamique et proactive que les autres, notamment grâce à son expérience acquise entre 2013 et 2016 avec la crise Ebola. Celle-ci avait fait 11 000 morts avant d’être endiguée, grâce à des mesures de prévention, de traçage des cas contacts et de dépistage.
Maderpost / Rfi