La découverte ce matin à Dakar, d’au moins 15 corps sans vie rejetés par la mer, sonne comme une énième glissée vers une effroyable destinée. Les semaines passent et se ressemblent.
TRIBUNE – L’Afrique subsaharienne continue à se vautrer dans une indifférence inqualifiable. Il y a une cause politique et économique indéniable dans la volonté de beaucoup de jeunes d’aller émigrer en Occident. Sur le plan économique, l’industrialisation de notre pays est plombée par la mauvaise gouvernance et le cas de la gestion du Prodac en est l’exemple patent. L’agriculture qui doit être le moteur économique de notre pays, et qui est capable d’absorber des millions de mains utiles, ne fonctionne que par saison.
Nos côtes sont pillées par de grands chalutiers, à qui l’État accorde scandaleusement des licences de pêche, et la raréfaction des poissons dans nos eaux territoriales se fait au détriment du pêcheur sénégalais qui doit aller de plus en plus loin pour faire son travail. Il faut une concertation nationale sur le sujet de la pêche pour protéger nos ressources et nos pêcheurs. Nous devons, plus que tout, sortir de l’économie de traite et garantir la solidité de nos industries naissantes et produire des biens manufacturés.
L’émigration est aussi liée à des aspects plus profonds comme le rêve d’un Eldorado européen, qui prend sa source dans la construction d’un imaginaire africain négatif, qu’il faut déconstruire. L’éducation nationale est en panne.
L’école républicaine a été constamment et lentement ruinée ces 20 dernières années. Par ailleurs, la formation professionnelle est très peu implémentée dans le cursus scolaire. Nous devons aussi changer et réformer l’école sénégalaise pour faire de la formation professionnelle un vrai levier capable de donner des compétences pratiques à nos élèves et étudiants. Il faut aussi aller plus loin en permettant, à travers l’école, des récits valorisants notre culture et nos terroirs.
Enfin, les politiques d’immigration de l’Europe continuent d’aggraver la situation. Les politiques restrictives et les accords de réadmission avec les pays d’origine et de transit ne font qu’augmenter les risques pour les migrants, les poussant à emprunter des routes plus dangereuses et à se mettre entre les mains de passeurs sans scrupules. Les gouvernements européens doivent reconnaître que ces politiques ne font qu’exacerber la crise et doivent travailler à la mise en place de voies d’immigration légales et sûres.
Thierno Alassane Sall
Député à l’Assemblée nationale du Sénégal
Président République des Valeurs/Réewum Ngor
Maderpost