La dernières valse des généraux de Macky Sall tel est le libellé d’un article d’Africa Intelligence relatif au limogeage du chef d’Etat major.
ARMEE – « En limogeant le chef d’état-major général des armées Cheikh Wade, le président sénégalais vient de neutraliser l’un des derniers foyers de résistance à l’emprise d’un petit groupe de cadres de son entourage sur la politique sécuritaire du pays, à moins d’un an de la présidentielle », écrit le site.
Ajoutant : « annoncé avec fracas le 6 avril au soir, le remplacement du général Cheikh Wadeau poste de chef d’état-major général des armées (CEMGA), avant la fin de son commandement, par le général Mbaye Cissé, est venu clore une longue séquence de luttes intestines au sommet de la hiérarchie militaire sénégalaise ».
Au cours des derniers mois, précise le site, « les désaccords entre le désormais ex-CEMGA, en fonction depuis 2020, et certains officiers issus du premier cercle du clan Sall, se sont multipliés. Parmi eux, on trouve notamment l’aide de camp personnel du chef de l’Etat, l’indéboulonnable général Meïssa Cellé Ndiaye. En coulisses, Cheikh Wade a longtemps soupçonné ce dernier d’avoir facilité la nomination de plusieurs de ses proches à des postes clés au sein de l’armée, afin de mieux imposer sa vision sur certains dossiers d’importance ».
L’ombre de la Casamance
Le site dit encore que le général Wade « s’était ainsi vainement opposé à la nomination de l’actuel chef d’état-major de l’armée de terre, le général Souleymane Kandé, en octobre 2022 (AI du 11/11/22). Connu comme un protégé de Meïssa Céllé Ndiaye, ce parachutiste de formation avait commandé une vaste opération contre les rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) en janvier 2021, où plus de 7 000 soldats furent mobilisés.
Son approche privilégiant une forte médiatisation de l’offensive avait cependant déplu à Cheikh Wade, poussant ce dernier à lui retirer le commandement de la très stratégique zone militaire numéro 5 – qui comprend la Casamance – en août de la même année ».
« Kandé, bien que promu à la tête des forces spéciales, avait par la suite été largement tenu à distance de l’opération Nord Bignona, déclenchée après l’enlèvement d’une poignée de militaires sénégalais par le MFDC en janvier 2022.
Influencée par le général Wade, la décision a été jugée contreproductive au sein d’une partie des hauts cadres de l’armée, pour qui l’expérience de ce natif de Casamance aurait justement permis d’engranger de meilleurs résultats sur le terrain.
Si elle est officiellement présentée comme un succès en raison du démantèlement de plusieurs bases du mouvement rebelle, l’opération n’était pas parvenue à neutraliser le leader de la frange du MFDC à l’origine de l’incident de janvier 2022, à savoir Salif Sadio.
Outre Kandé, Cheikh Wade a eu maille à partir avec une autre figure montante de l’armée également sous la coupe de l’aide de camp Ndiaye : le général Saïfoulaye Sow, patron du Cadre d’intervention et de coordination interministérielle des opérations de lutte anti-terroriste (Cico). Si l’ancien CEMGA était favorable à la création en 2016 de cet organe censé coordonner la réponse des autorités dans l’éventualité d’une attaque terroriste, il n’a en revanche jamais digéré d’être placé sous l’autorité du ministre de l’intérieur au lieu de celle du CEMGA.
Méfiant, il a montré peu d’entrain à collaborer avec les équipes de Sow, en dépit de positions relativement communes. Premier chef du Cico non issu de la gendarmerie ou de la police, ce dernier a ainsi œuvré afin que l’armée joue un rôle de premier plan dans ce domaine jusqu’ici trusté par les forces de sécurité intérieure (AI du 04/10/22).
Maintenir l’unité
A l’heure où Macky Sall cherche à tout prix à discipliner ses troupes, à moins d’un an de l’élection présidentielle, cet ensemble d’inimitiés ont finalement valu à Cheikh Wade d’être mis sur la touche au profit d’une figure plus consensuelle. Ephémère chef d’état-major particulier du président – il avait été nommé à ce poste en octobre -, le général Mbaye Cissé dispose justement d’une importante popularité au sein des cadres de l’armée, mais aussi de l’administration, dont plusieurs ont suivi ses cours lorsqu’il exerçait les fonctions de directeur du Centre des hautes études de défense et de sécurité (CHEDS) de 2020 à 2022.
Diplômé en philosophie et psychologie, passé par l’United States Army Command and General Staff College (CGSC) à Fort Leavenworth au Kansas et breveté de l’Ecole supérieure de guerre de Paris, il s’est imposé parmi les principaux maîtres-penseurs de la doctrine de défense sénégalaise au cours des dernières années.
De son côté, le général Wade pourrait probablement se voir offrir un poste d’ambassadeur dans un pays frontalier du Sénégal, comme le veut l’usage concernant les anciens hauts cadres des forces de sécurité. Vacante depuis février, l’ambassade du Mali figure d’ores et déjà parmi les destinations évoquées. »
Maderpost / Africa Intelligence