« Chaque jour, quand je me réveille, j’ai envie de me suicider. Mais, quand j’ouvre la fenêtre et que je vois Gorée et la lumière du jour, je reprends goût à la vie. » Par ces paroles prononcées par Léopold Sédar Senghor au palais présidentiel, le président poète faisait allusion à la lourdeur, exponentielle, des charges de président de la République.
TRIBUNE – Le président post indépendance du Sénégal ; faisait ainsi état de son angoisse, quotidienne ; face à des charges politiques incommensurables. Partant de cette confession de Sédar, la flopée de candidats à la candidature à la présidentielle de 2024, interroge, à bien des égards. Au moment où ces lignes sont griffonnées, une dizaine de candidats à la candidature se sont déclarés. Tous, ont déjà prononcé solennellement la fameuse phrase : « je suis candidat. »
C’est à croire que la présidence de la république, est une petite moyenne industrie ou une succursale, d’une grande firme de je ne sais où. À ceux qui ne le savent pas : le palais présidentiel tant convoité, « peut vite devenir un asile de fous. » Macky Sall et sa famille n’ont jamais voulu habiter au 6 avenue du président Léopold Sédar Senghor…
Des néophytes de la politique sortent brusquement du bois, comme si la station présidentielle était devenue la première étape, pour se faire les dents en politique.
Inutile de revenir sur le parcours glorieux de Senghor avant d’occuper la maison royale du Sénégal. Rappelons simplement qu’il est le premier Africain à siéger au quai de Conti, et ministre en France, avant l’indépendance de son pays, le Sénégal.
En tant qu’homme d’État, le président Abdou Diouf a battu tous les records de précocité. Le grand échalas fut successivement, gouverneur à 25 ans, Premier ministre à 35 ans, président de la République à 45 ans. Qui dit mieux ?
Le président Abdoulaye Wade, « l’opposant au pouvoir. »
Vingt-six ans de conquêtes. Brillant intellectuel, plusieurs fois ministres, sous Diouf avant d’être l’un des principaux acteurs de la première alternance du Sénégal. Que dire du parcours, atypique, du président
Macky Sall ? Cet homme sous-coté, connaît toutes les venelles de la république pour les avoir empruntées, une par une, avant d’accéder à la cime de l’État. Directeur général, maire, ministre,(pas des moindres) Premier ministre, président de l’Assemblée nationale, chef de l’État. Puisqu’« il faut aller à la vérité de toute son âme; » les déclarations de candidature tous azimuts confortent le président Macky Sall. Le Charivari que le chef de l’État avait prophétisé s’il s’était précocement prononcé sur le fameux troisième mandat, mort de sa belle mort, est en train de se dérouler sous nos yeux. À ce propos, les réunions politiques de l’alliance pour la République se transforment en pugilat. Déshonorant. La présidentielle de 2024 revêt un caractère, spécial et historique à plusieurs dimensions.
Cette élection sera la première qui aura connu « 5 années de campagne électorale. » Cette joute électorale sera la première du genre à battre le record de postulants au poste de président de la République, sans avoir jamais de la vie, participé à une réunion de conseil municipal. Si la volonté est de servir son peuple, il est possible de le faire sans être président. Les exemples sont légion.
De valeureux capitaines d’industries sénégalaises participent, chacun à son échelle, à l’insertion socioprofessionnelle des jeunes sénégalais. Un chantier encore herculéen. S’y ajoute, beaucoup de ces candidats n’ont aucune expérience étatique. Bien entendu, tout Sénégalais âgé de 35 ans, sachant lire et écrire la langue officielle, peut prétendre à diriger le pays, mais être président de la République, c’est quand même du sérieux.
Ce n’est pas gérer l’épicerie du village. Président de la République n’est pas une fonction ordinaire. Chef de l’État n’est pas un métier que l’on apprend sur le tas. Chef suprême des armées n’est pas une fonction banale. Par conséquent, ne banalisons pas ce poste, anormal par essence. Sur la kyrielle de candidats à la candidature, déjà déclarés ; certes il y en a qui sont sérieux, d’autres peu ou prou crédibles, beaucoup de fantaisistes et disons gentiment, quelques plaisantins. Heureusement, certains parmi eux jetteront l’éponge à la Coluche ou se rangeront derrière des candidatures plus raisonnables avant l’élection. D’autres iront jusqu’au bout car « la bêtise insiste toujours. » En 2024, le tamis du parrainage sera plus que jamais utile. Lors de la dernière présidentielle, vingt-sept dossiers de candidature ont été officiellement déposés au greffe du conseil constitutionnel. 19 sont passés dans les trous du tamis. ( À tort ou à raison.) La présidentielle de 2012 a connu 14 candidats, 15 en 2007 et 8 en 1993 et en 2000.
Au rythme effréné des déclarations : le chiffre de 27 sera doublé ; voire triplé, ce qui serait inédit, pour ne pas dire insensé. Du fil à retordre pour la prochaine commission de contrôle du parrainage, si tout ce beau monde va au bout. Sans compter le défi organisationnel et le coût financier.
Ces candidats « illégitimes » se positionnent sous les feux de la rampe. Certains se présentent pour que l’on parle d’eux et de leurs structures dans les médias. D’autres se déclarent candidats, par pure stratégie de positionnement politique et affairiste. Dans les deux situations, la duperie est flagrante. La présidentielle 2024 doit être inclusive ; c’est vrai. Mais, pas dans le tohu-bohu, le « SEUMBEUKHLO » à la sénégalaise.
Par déférence envers l’institution présidentielle.
Fait pour valoir ce que le bon sens exige.
Chérif DIOP, Journaliste, citoyen sénégalais
Maderpost