Un tour au cimetière où reposent Alpha Mayoro Wellé et Fa Wade Wellé, oncle maternel et mère d’El Hadj Malick Sy (1855-1922), est “un passage obligé’’ pour le fidèle qui débarque à Gaé en quête des origines de Maodo. Le saint homme a vu le jour dans ce village du département de Dagana (nord), dans le Walo.
RELIGION – Le rond-point Tivaouane est le lieu de rendez-vous des visiteurs des mausolées de ces illustres disparus.
La dénomination de ce carrefour est un clin d’œil évident à El Hadj Malick Sy, grand patron de la cité religieuse de Tivaouane, située dans la région de Thiès (ouest) et considérée comme la capitale de la tidjaniya au Sénégal.
À une dizaine de mètres de l’entrée de ce cimetière se trouve un mausolée en deux compartiments. La partie gauche est réservée à Alpha Mayoro Wellé, oncle d’El Hadj Malick Sy.
“C’est l’aîné de Fa Wade Wellé. Il a vécu 63 ans. Un homme qui était crédité d’une vaste connaissance doublée d’une générosité exemplaire’’, explique Ousseynou Fall, l’un de ses petits-fils, gardien des lieux depuis trente ans.
Les études et les sciences islamiques “le fascinaient, mais c’était quelqu’un qui vivait à la sueur de son front. Il travaillait dur dans les champs pour se nourrir et entretenir les siens et ses talibés (disciples)’’, dit-il.
Fa Wade Wellé, mère d’El Hadj Malick Sy, repose dans la partie située à droite du mausolée. “Elle a été inhumée ici en 1892, dans sa 100e année’’, explique Ousseynou Fall, avant de revenir sur ses nombreuses qualités.
“Elle a très tôt mémorisé le Coran, qu’elle enseignait en s’occupant personnellement du linge de ses talibés, avec lesquels elle avait des relations quasi familiales’’, dit-il, ajoutant que tout cela a été rapporté par plusieurs générations.
“C’était une grande travailleuse. Elle cultivait elle-même ses champs. Ses récoltes étaient divisées en trois parts. Une pour ses talibés, une autre pour les oiseaux, et le restant destiné à la nourriture de la famille’’, a poursuivi M. Fall.
En tant que conservateur, il ne manque pas d’anecdotes sur la mère d’El Hadj Malick Sy, comme l’histoire tant contée de la pierre mystérieuse.
“Fa Wade Wellé séjournait à Ngambou Thillé (dans la commune de Bokhol) pendant l’hivernage, pour cultiver son champ. Pour faire ses ablutions, elle s’asseyait sur cette pierre, jusqu’en 1892, année de son décès’’, dit Ousseynou Fall.
L’hivernage suivant, se produisit un miracle, “la pierre a été retrouvée ici, dans cet endroit’’, à Gaé, rapporte le petit-fils, qui dit tenir cette information de plusieurs générations.
Gaé est une commune de la rive gauche du fleuve Sénégal, qui dépend administrativement de Dagana, chef-lieu de département du même nom, dont elle est distante de 7 kilomètres.
On peut y accéder par Bokhol, à partir de la route nationale, d’où le voyageur peut emprunter une “bretelle’’ de 5 kilomètres pour aller à Gaé, un village de pêcheurs, d’agriculteurs et d’éleveurs.
“C’est dans ce village qu’El Hadj Malick Sy a vu le jour, dans la même concession que sa mère Fa Wade Wellé, ainsi que son oncle Alpha Mayoro Wellé’’, renseigne le petit-fils et homonyme de ce dernier, conservateur de “Kër Gu Mag’’, appellation donnée à cette maison devenue un “patrimoine historique’’.
Il n’a pas connu son père, qui est décédé peu de temps avant sa naissance, “probablement en 1842’’, enseigne le conservateur de “Kër Gu Mag’’, désigné par Tivaouane pour “accueillir, orienter et parler’’ à ceux qui viennent à Gaé pour des raisons diverses, des disciples organisés en “dahira’’ (les associations de fidèles appartenant à une même confrérie musulmane), des chercheurs, des étudiants.
“Cette maison fut un véritable environnement propice à son émergence spirituelle’’, car, rappelle M. Fall, c’est Serigne Alpha Mayoro Wellé, frère aîné de Fa Wade Wellé, qui fut le maître de son neveu jusqu’à à la mémorisation du Coran. Il l’initia ensuite à d’autres connaissances islamiques.
Mais “le jeune Malick’’, avide de savoir, va ensuite fréquenter d’autres foyers islamiques, à Dakar, Tivaouane, Diacksao, Ndiarndé, Ndombo Sandjiri – où il a écrit “Wasîlatul Munâ’’ (Tayssir), et Saint-Louis, ville de naissance de son fils Serigne Babacar, premier khalife général des tidjanes du Sénégal.
Ousseynou Fall parle tout aussi volontairement des connections de Gaé avec El Hadj Oumar Tall, sachant que l’histoire des relations entre ce dernier et El Hadj Malick Sy est au cœur de l’évolution de la tidjaniya au Sénégal.
Selon le conservateur, El Hadj Oumar Tall a séjourné au moins deux fois à Gaé, la dernière fois après son retour de La Mecque.
“El Hadj Oumar Tall a passé ici entre quatre et six mois, car il aimait parler de savoir, et Alpha Mayoro faisait partie de la deuxième promotion de l’université de Pire’’, note-t-il.
L’appel d’El Hadj Oumar Tall demandant des contributions et des volontaires pour sa guerre sainte (djihad) avait reçu, selon Ousseynou Fall, un écho favorable à Gayé, où l’on était allé jusqu’à dépêcher une mission pour remettre la « contribution » du village.
La délégation conduite par Yokh Moussé Guèye comprenait Babacar Lô, Malamine Sarr, Samba Yaly et Alpha Mayoro Wellé, le plus jeune, dont l’âge était compris entre 25 et 30 ans.
À l’audience, le chef de délégation avait remis à El Hadj Oumar Tall tout ce que Gaé avait collecté comme contribution. Mais à la « grande surprise » de ses membres, le marabout leur demanda : “Où est le pagne traditionnel qu’a donné ma sœur Fa Wade Wellé ?’’
Yokh Moussé Guèye a alors répondu que le pagne avait été offert au chambellan pour qu’il puisse “faciliter l’audience’’ avec Cheikh Oumar Tall.
Le pagne sera finalement restitué à son véritable destinataire, qui avait formulé des prières, avant d’“annoncer l’aura et le rayonnement international d’un enfant qui va naître à Gaé pour poursuivre sa mission’’, à savoir El Hadj Malick Sy.
Maderpost / Aps