Permettre aux livres, autant que possible, de descendre dans la rue pour aller au plus près des lecteurs, c’est la mission que s’est donnée Rita Dro. En un an, la jeune Ivoirienne a déjà installé une dizaine de boîtes à livres dans trois villes de son pays et elle ne compte surtout pas s’arrêter là. Par Roland KLOHI
LIVRES – Abidjan, Danané et Odiénné (respectivement à 640 et 900 km au nord-ouest d’Abidjan): ce sont les trois villes qui abritent pour l’heure les neuf boîtes à livres de Rita Dro.
Passionnée de lecture, cette trentenaire journaliste, blogueuse et présidente de l’association «Notre boîte à livres» a pour ambition de faire installer des microbibliothèques dans les rues de chaque commune de la Côte d’Ivoire.
Naissance d’une vocation
C’est à partir de 2015, dans le cadre de sa formation de journaliste, que Rita Dro se met à «consommer» des livres. D’abord à petites doses, mais sa passion devient très vite dévorante, au point que les ouvrages s’accumulent chez elle.
«Je cherchais comment me débarrasser de ce trop-plein de livres et en janvier 2019, je suis tombée, en surfant sur Internet, sur le concept de la boîte à livres né aux États-Unis et qui a été repris un peu partout dans le monde. Je me suis documentée sur son fonctionnement et dès le mois suivant, je me suis lancée», raconte-t-elle à Sputnik.
En effet, le principe des boîtes à livres –ces microbibliothèques participatives dont on dénombre actuellement des milliers dans le monde et qui font le bonheur des petits et des grands – n’est pas nouveau. On raconte souvent que l’idée est apparue au début des années 2000 aux États-Unis, mais elle remonterait en réalité à une décennie plus tôt, en Autriche.
L’objectif d’une boîte à livres est de favoriser l’accès à la lecture à tout un chacun, tout en offrant aux livres une seconde vie. Chacun peut, en toute liberté, venir se procurer un ouvrage ou en déposer un.
C’est «contre vents et marées» que Rita Dro a installé en février 2019 sa première boîte à livres dans la cité où elle réside à Abidjan.
Dans une société ivoirienne où «les livres ont perdu leur place», certains de ses proches n’ont pas manqué de la dissuader de s’engager dans cette aventure, arguant que les livres seraient volés pour être revendus, ou alors ne seraient tout simplement pas lus.
Mais la persévérance de la jeune femme a rapidement été récompensée par la joie et l’enthousiasme des enfants de la cité devant cette curieuse boîte qui contient des livres dont ils peuvent se servir à volonté.
«Aux enfants, on a fixé la condition de nous faire un résumé au moment de la remise du livre emprunté et là, on s’est aperçu que la plupart d’entre eux peinaient à prendre la parole en public, certains avaient du mal à lire et d’autres ignoraient complètement comment faire un résumé», a déclaré Rita Dro.
L’association «Notre boîte à livres» a donc décidé de les encadrer. Elle a initié des ateliers de lecture auxquels se sont greffés par la suite des ateliers de contes, de danse, de cuisine et de peinture.
Toutes ces activités, menées généralement chez des bénévoles, renforcent, selon l’association, la confiance en soi des enfants.
En ce qui concerne les adultes, c’est avec surprise que Rita a constaté le grand intérêt d’une catégorie particulière de lecteurs: les vigiles.
Ces derniers n’hésitent pas à venir depuis l’autre bout de la cité pour se procurer des livres. «Les vigiles nous empruntent régulièrement des ouvrages qui sont de précieux compagnons pendant leurs veilles. Les voir aussi intéressés par la lecture est l’une de nos plus grandes fiertés», se réjouit Rita Dro.
Inonder la Côte d’Ivoire de boîtes à livres
Le rêve de Rita Dro est de doter chaque commune de Côte d’Ivoire d’au moins une microbibliothèque. Et pour cela, elle n’exclut pas d’aller jusqu’à faire un plaidoyer auprès des députés afin qu’ils puissent obliger tous les promoteurs immobiliers à inclure des boîtes à livres dans leurs projets.
«Le constat aujourd’hui, c’est que les livres ont perdu leur place dans la société ivoirienne. Et cela est préjudiciable à nos enfants qui grandissent dans un environnement sans repères. Les rapprocher des livres est notre grand objectif. Un enfant qui lit est un leader de demain. C’est notre manière à nous de contribuer au développement harmonieux de ce pays», a déclaré la jeune femme.
L’initiative de Rita Dro n’a pas manqué d’attirer l’attention de certaines structures. «Notre boîte à livres» bénéficie depuis le début du soutien de Kaïlcedra (une importante maison d’édition ivoirienne) ainsi que d’Abidjan Lit (une association littéraire) qui lui offrent régulièrement des livres.
Ces livres font l’objet d’une rotation entre les neuf boîtes à livres (cinq à Odienné, trois à Abidjan et une à Danané).
En juillet 2020, l’association de Rita Dro a été contactée par la fondation allemande Friedrich Ebert qui se propose de financer six boîtes à livres à Abidjan.
«Voir toutes ces structures nous apporter leur soutien nous galvanise, mais aussi nous motive pour aller toujours plus loin», se réjouit Rita Dro.
Maderpost / Sputnik
]]>
Please follow and like us: