Des tas de cendre, et tout autour, des fagots de bois. Signe de la présence d’un foyer coranique. C’est le premier détail qui attire l’attention dans la cour de la plupart des maisons à Halwar, village de naissance de Cheikh El Hadji Oumar Foutiyou Tall (1797-1864), dans le département de Podor (nord).
RELIGION – “C’est un passage obligé pour tout enfant né à Halwar. Tout le monde fréquente tôt l’école coranique, les garçons comme les filles’’, témoigne Thierno Oumar Tall, président du dahira “La Mémoire Oumarienne’’, une association engagée dans la préservation de l’héritage de Cheikh Oumar Tall ou Cheikh Oumar Foutiyou Tall.
Dans certaines familles, dit-il, les enfants fréquentent parallèlement l’école française et poursuivent souvent même leurs études jusqu’à l’université.
“Le sentiment le mieux partagé à Halwar est d’appartenir au village de Cheikh Oumar Foutiyou’’, souligne le président de “La Mémoire oumarienne’’, selon qui “dès le bas âge, un ensemble de valeurs est enseigné à l’enfant’’, qui est quasiment soumis à l’obligation de se doter de connaissances islamiques, notamment.
Halwar privilégie le savoir sur toute autre chose. Comme si le village de naissance de ce chef de guerre et grand érudit de l’islam, se devait de toujours mériter de son illustre fils.
Propagateur de la Tidjania
La quête de connaissances semble être la raison d’exister de cette cité religieuse multiséculaire, lovée entre le marigot le Doué au sud et le fleuve Sénégal au nord, à environ cinq kilomètres du carrefour de la route menant à Démette, à la frontière avec la Mauritanie.
L’on y accède par une route bitumée qui part de la commune de Ndioum, de laquelle Halwar est séparé par un bras de fleuve appelé Gayo, lequel est enjambé par un pont à l’entrée du village de naissance de celui qui est considéré comme un acteur déterminant de la propagation de la Tidjania au Niger, au Mali, en Mauritanie et au Sénégal.
Halwar se singularise par son calme remarquable, ne vibrant qu’au rythme des activités religieuses et des travaux champêtres.
Comme l’avait fait El Hadj Oumar Tall, à un certain âge, les jeunes habitants du village, de sexe masculin, sont encouragés à quitter le village vers d’autres horizons pour poursuivre des études coraniques, parfaire leur formation religieuse de manière générale.
Et pour galvaniser les jeunes “talibés’’, les motiver à aller chercher le savoir jusqu’en Chine, il est de coutume de leur raconter l’histoire du “combattant et résistant’’, en insistant sur les nombreuses anecdotes sur la vie du marabout, aussi extraordinaires et miraculeuses les unes que les autres.
Les parents font par exemple visiter à leurs enfants les sites très caractéristiques de la vie et de l’œuvre du “combattant de la foi’’, “des lieux classés patrimoine culturel mondial et qui résistent encore au temps’’, même s’ils ont subi quelques “retouches mineures’’, rappelle avec fierté Thierno Oumar Tall.
Faiseur de miracles
Il y a toujours, par exemple, cette chambre debout au milieu d’un bâtiment en banco. C’était celle de Sokhna Adama Aissé Thiam, la mère de Cheikh Oumar Tall, qu’elle a mis au monde un mercredi coïncidant avec le 29e jour du mois “Chabaan’’, précédant le début du jeûne musulman, rapporte l’imam de la mosquée de Halwar, Thierno Mahmout Tall.
“Le lendemain, c’est-à-dire le jeudi, le jeûne avait démarré dans la confusion. Une partie de la population avait observé le jeûne. Tandis que l’autre disant n’avoir pas aperçu le croissant lunaire attendait le vendredi pour entrer dans le mois de ramadan’’, ajoute-t-il.
Mais un fait “assez étonnant a attiré l’attention des parents du nouveau-né qui, toute la journée du jeudi, de l’aube au coucher du soleil, n’a pas tété le sein de sa mère’’.
Sokhna Adama Aissé Thiam et Thierno Saidou Atoumane Tall, les parents du jeune Cheikh Oumar Tall, inquiets pour leur fils, ont été surpris de voir l’enfant chercher le sein dès le coucher du soleil qui marque la rupture du jeûne, révèle l’imam Tall.
Il évoque un autre fait qui s’est produit le jour de la naissance de Cheikh Oumar Tall et pouvant être considéré comme tout autant miraculeux : “Le marigot Ndiadialol où les populations s’approvisionnaient en eau et qui avait un goût salé, perdit depuis ce jour sa salinité’’.
Une maîtrise précoce du Coran et des sciences islamiques
Très tôt, son oncle Nguira Hamat Tall, l’initia à la lecture du Coran à Halwar, selon le patriarche. “Il sera son maître jusqu’à ce qu’il récite avec une grande maitrise tout le livre. C’est par la suite qu’il sera confié à son frère aîné Alpha Amadou Tall auprès de qui, il apprit d’autres spécialités dont le droit ou charia pour recevoir sa certification (lidiassa)’’.
El Hadj Oumar Tall a ensuite poursuivi sa formation dans d’autres localités dont Ndormboss, dans l’actuelle commune de Dodel, et Séno Palel, dans la région de Matam.
“Son enfance et sa jeunesse se sont passées naturellement comme pour la plupart de ses classes d’âge avec qui il vivait’’, indique l’imam Tall.
Après une longue période d’absence, il revient dans son village natal avec une forte envie d’effectuer le pèlerinage aux Lieux saints de l’Islam.
C’est durant cette période, qu’il se rend à Loboudou Doué, où il rencontre le marabout guinéen Abdoul Karim Diallo, qui l’initie à la Tijania et avec lequel, raconte Thierno Oumar Tall, il était prévu qu’ils se retrouvent, quelques années plus tard, en Guinée, sur le chemin du pèlerinage qu’il effectue à l’âge de 23 ans. Sauf que ce dernier décédera avant même la venue de Cheikh Oumar Tall.
Ce grand érudit devenu chef de guerre et résistant à la colonisation, est le fondateur d’un nouvel empire musulman implanté dans la vallée du Niger, à partir de conquêtes territoriales nées de la guerre sainte (Jihad) qu’il déclencha à partir de 1852.
Selon certaines sources historiques, l’empire toucouleur de El Hadj Oumar s’étendait en 1863 sur 300 000 km² et s’appuyait sur une administration redoutable dont le fonctionnement est encore aujourd’hui donné en exemple, ce qui a contribué à asseoir la réputation d’homme d’Etat du marabout.
A Halwar, le premier Gamou célébré après la disparition d’El Hadj Oumar
Du temps d’El Hadj Oumar Tall, les musulmans sénégalais en général et du Fouta en particulier ne célébraient pas le Gamou, a renseigné l’imam ratib de Halwar, Thierno Mahmout Tall, précisant que c’est avec l’avènement d’El Hadj Malick Sy que le Gamou a été institué.
“Toutefois, la ziar d’Elhadj Oumar, commémoration de sa naissance et qui a lieu le dernier mercredi du mois de Chabane draine énormément de monde. C’est l’actuel khalife de la famille oumarienne, Thierno Bassirou Tall, qui en a relevé le niveau d’organisation. C’est ce qui fait que la localité est devenue trop petite pour recevoir les pèlerins’’, confie l’imam Thierno Oumar Tall.
Dans le cadre du programme de réhabilitation des villes religieuses, Halwar a donc bénéficié d’une résidence dite “Gallé Cheikh Oumar’’.
Cette infrastructure vient s’ajouter à plusieurs sites historiques dont la maison natale d’El Hadj Oumar, la chambre consacrée à ses retraites et où il a séjourné 41 jours avant de quitter Halwar pour la dernière fois, pour aller faire le Jihad (guerre sainte), ou encore la mosquée ainsi que le mausolée de Thierno Saidou Atoumane Tall (son père) et de Sokhna Adama Aissé Thiam (sa mère) qui attirent les visiteurs.
Depuis la ziar de 2023, un disciple sénégalais du nom de Mamadou Sall, a entamé la construction d’un ensemble d’infrastructures composées d’une esplanade pour accueillir la cérémonie officielle de l’événement et des villas pour recevoir des hôtes de marque du khalife. Aujourd’hui, les travaux avancent à grands pas.
Plus de 158 ans plus tard, l’épopée de ce personnage historique et héros légendaire continue d’être racontée aux nouvelles générations et chantée, notamment dans Tara, célébrissime geste en son honneur.
Maderpost / Aps