Au regard du scénario politique qui secoue le landerneau politique de la coalition Benno Bokk Yaakaar, marqué par un vent de rébellion ou de velléités de rébellion, Maderpost reposte ci-dessous une analyse de Dr Cheikh Diallo d’il y a trois ans sur Jeune Afrique.
“Monsieur le Président de la République,
Indubitablement, dans votre camp, la lutte pour votre succession sera à la fois débridée, prématurée et vive.
Amis, alliés, obligés, affidés et adversaires seront-ils dans le présent que vous vivrez déjà au passé ? Prépareront-ils le futur proche que où vous n’aurez plus d’avenir ? Échafauderont-ils des schémas tels que vous sortirez de leur plan ?
Naguère maître du jeu politique, vous n’en serez plus qu’un arbitre électoral
En résumé, votre apogée électorale pourra également s’avérer votre déclin politique. Ce sera alors le début de la fin et la fin du début. En vérité, vous aurez l’illusion du pouvoir, la réalité du pouvoir leur reviendra. De la posture enviée d’acteur de premier plan, vous passerez simple spectateur. Premier président dont la fin d’exercice sera officiellement connue de tous, théoriquement le 1er avril 2024, vous serez, en outre, le premier homme politique à quitter le pouvoir sans défaite électorale.
Léopold Sédar Senghor a transmis le pouvoir à Abdou Diouf par une fine broderie constitutionnelle. Abdou Diouf et Abdoulaye Wade ont été défaits par la voie des urnes. Enfin, premier à organiser des élections législatives à quelques mois de la fin de votre dernier mandat ; paradoxalement, c’est à ce moment que commencera votre déclin progressif.
Seul en plein marché électoral
Monsieur le Président de la République, le schéma institutionnel et politique est inédit à tout point de vue. Reconduit pour un second et dernier mandat de cinq ans, vous vivrez immanquablement ce qu’on appelle en droit constitutionnel et en science politique, le « syndrome du canard boiteux ». The lame duck period.
Les ambitions y seront fortes, tenaces et légitimes. Dans votre camp, il y aura forcément plusieurs camps
Cette expression anglo-saxonne signifie qu’avant le terme définitif de ce dernier mandat, vous serez un président désincarné et affaibli. Par la force des choses démocratiques, vous serez dramatiquement seul en plein marché électoral.
Dès potron-minet, c’est votre coalition qui préfacera votre départ avant l’heure. Les ambitions y seront fortes, tenaces et légitimes. Dans votre camp, il y aura forcément plusieurs camps. L’opposition actera le crépuscule de ce magistère en ne faisant plus de vous son centre d’intérêt. Plutôt que de chercher à vous abattre, elle convoitera votre place.
Les parlementaires quitteront la Chambre d’applaudissements pour entrer dans celle des positionnements. Les maires ne vous seront plus affidés, ils iront plutôt s’affilier aux candidats à la présidentielle.
Les médias d’ici et d’ailleurs ne s’intéresseront à vous que pour connaître votre choix intime sur les probables présidentiables. Parce que d’abord, une élection présidentielle se prépare deux ou trois ans à l’avance, les logiques politiques et médiatiques hâteront votre fin de règne.
Parce qu’ensuite n’ayant plus d’avenir, vous serez un homme du passé.
Palais déserté
Vos Premiers ministres, vos grands ministres à fort potentiel électoral, vos ambitieux directeurs généraux, les commandants en chef et lieutenants de la coalition présidentielle voudront, à juste raison, s’émanciper. C’est ainsi que, les intentions présidentielles naîtront au grand jour. Les alliances et les mésalliances domineront l’actualité. La plupart des alliés et obligés partiront avant terme. Les petits meurtres entre amis et les grandes trahisons entre copains feront les choux gras de la presse. Votre palais sera déserté. La fin de votre magistère se limitera à une sorte de figuration.
Ainsi donc vous fermerez la page la plus héroïque, la plus palpitante et la plus noble de votre vie publique. Vous confesserez quelques regrets et pleurerez en secret le mépris d’un bilan par endroits élogieux et controversé ailleurs. Le déclin sera pour vous une épreuve de vérité.
À votre couchant, vous n’aurez plus grand monde autour de vous. Jeune retraité de la vie politique, à 62 berges, sans avenir, l’histoire retiendra que n’étant pas fait pour des défaites électorales, le temps politique vous a défait. Une seule interrogation kantienne : resterez-vous indifférent à qui vous succédera ?”
TOPICS: DERNIER MANDAT DE MACKY SALL : UN QUINQUENNAT INÉDIT DE TROIS ANS PAR Dr CHEIKH DIALLO DANS JEUNE AFRIQUE. IL Y’A 3 Ans
Maderpost