Le message lancé par le chef de l’Etat à son opposition, depuis Paris, a cristallisé les débats le week-end dernier. Nous avons soumis son discours à la fine analyse de Bacary Domingo Mané, expert en Communication. Son verdict ci-dessous.
PARIS – Le discours et les mots
«Ce que révèle le discours de Paris, c’est que le Président ne s’est pas réveillé de son cauchemar de mars dernier où ses détracteurs ont réussi à mettre la peur dans le camp présidentiel. Cela lui est resté en travers de la gorge. C’est pourquoi il n’hésite pas, à chaque fois qu’il s’adresse à cette opposition, de lui rappeler que c’est lui qui a la force légale. Il veut être dans l’adversité, lancer des signaux à l’opposition comme pour lui dire ‘‘vous ’avez surpris en mars dernier mais ce ne sera plus le cas cette fois-ci’’».
«Ce n’est pas un
discours de chef d’Etat qu’il
a prononcé ce jour-là…»
«L’usage des mots qui rappellent l’adversité, répond à ce besoin, chez le président, de montrer qu’il est le chef de l’Etat, qu’il a la force légale. Et par conséquent, il n’acceptera pas que l’opposition se joue de lui. C’est un discours de revanche sur une opposition qui semble tenir le bon bout. Le président veut rappeller qu’il demeure le maître du jeu. Mais cela reste au niveau de la parole, même si cette parole révèle une faiblesse de la part du président. En disant en Wolof ‘’ken douma khokhotal’’, il accepte de boxer dans la même catégorie. Ce n’est pas un discours de chef d’Etat qu’il a prononcé ce jour-là, mais celui d’un chef de parti.»
Le Lexique employé
«Le lexique peut être qualifié comme un lexique va-t’en guerre. C’est un lexique d’adversité. Quoiqu’il s’adresse à cette opposition, il refuse de lui apporter toute dignité. Et il la réduit à un moins que rien. Cela montre cette impossibilité à dialoguer, à trouver des plages de convergence avec cette opposition parce que lui-même, à travers le lexique qu’il utilise, admet ne pas dialoguer avec cette opposition avec laquelle il devrait discuter, en principe, de l’avenir du pays.»
“Il a la force légale avec
lui… pourquoi il le dit alors que
tout le monde le sait”
«Tout le monde sait qu’il a la force légale avec lui. Le fait de le rappeler expose le président de la République. Pourquoi il l’a dit alors que tout le monde le sait. Est-ce que ce n’est pas un discours de peur ? Est-ce que la peur n’a pas changé de camp. Il y a un peu de psychologie pour comprendre la pensée qui traverse le président en ce moment-là. Est-ce qu’il est dans l’hésitation ? Est-ce que c’est quelqu’un qui a confiance en lui ? Ce sont ces questionnements là que suscite le fait de révéler une évidence.»
Objectif d’une telle Com
«Le message qu’il veut lancer à cette opposition, c’est qu’il ne lésinera sur aucun moyen pour faire face à l’adversité du camp de l’opposition. Le message est clair. En employant un ton guerrier, va-t’en-guerre, il veut installer la peur dans le camp de l’opposition pour qu’elle mette la pédale douce ou pour qu’elle réfléchisse à deux fois avant de se mettre sur le chemin de la critique de l’action gouvernementale.»
Les avantages éventuels
«Ce qu’on peut considérer comme étant un bon point, c’est cette impression d’ascendance psychologique que semble montrer le chef de l’Etat en montrant ses biceps en articulant un discours guerrier. Au-delà des mots, on voit aussi comment il mobilise les forces de défense et de sécurité chaque fois que l’opposition essaie de marcher. Tout cela, combiné aux mots qu’il utilise, c’est qu’il veut mettre la peur dans le camp adverse.»
Risques et inconvénients
«Ce que cela a de négatif, c’est la banalisation de la parole présidentielle. À chaque fois que le président s’adresse à l’opposition, il utilise les mots comme ça. Ce lexique va-t‘en guerre et guerrier. La conséquence, pour ne pas dire le côté négatif, c’est qu’une telle façon de communiquer peut générer la banalisation de la parole présidentielle. À force de dire la même chose, cette parole devient banale et l’opposition ne le prend plus au sérieux. Au contraire elle verra dans la répétition de ces discours guerriers, une sorte de peur.»
Maderpost / Igfm