La réforme et la modernisation de la justice était l’une des promesses de la campagne électorale du candidat Bassirou Diomaye Diakhar Faye, elle est en passe en de se réaliser à l’occasion de l’ouverture officielle de l’opportun dialogue national, le premier de l’ère Diomaye ce mardi 28 mai 2024 au centre international de conférence Abdou Diouf à Diamniadio.
JUSTICE – L’initiative du président de la République ne fait pas l’unanimité, mais il n’empêche que toutes les institutions chapeautées par l’opposition sont de la partie, ne pouvant se dérober à l’invitation du nouveau pouvoir même si les discours divergents bruissent dans les couloirs. Mais quand la République appelle tout le monde y va, ce d’autant que tout le monde a à gagner ou à perdre dans cet exercice dont l’issue ne devrait pas déboucher sur une autre république, celle des juges par exemple. Voilà que s’invite une réflexion inclusive, la meilleure approche pour réformer et moderniser la justice sénégalaise. Les contribuables, le monde des affaires et l’appareil judiciaire croulant sous les nombreux dossiers en souffrance de traitement ne peuvent espérer mieux que ce dialogue national pour aller vers les ruptures et changements positifs attendus.
« Examiner en profondeur » le système judiciaire « en vue de l’améliorer » au sortir des travaux qui seront restitués le 4 juin prochain autour du statut des magistrats, de l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, des conditions de détention et de préparation à la réinsertion sociale des détenus, du régime de la privation de liberté, de la prise en charge des enfants en danger ou en conflit avec la loi. Sur la justice, tel est l’objectif spécifique des travaux de Diamniadio.
L’amélioration du système judiciaire, une nécessité…
L’amélioration du système judiciaire tant de fois souhaitée, voire réclamée par les acteurs du secteur, les contribuables, opérateurs économiques faisant souvent face à des magistrats ignorant beaucoup des subtilités de la finance et du monde des affaires, et opposants, s’impose pour plusieurs raisons. D’abord pour la paix sociale, la stabilité du pays, ensuite pour la sécurisation des investissements aussi bien nationaux qu’étrangers. Il n’y a pas d’investisseur averti qui ne se poserait des questions sur le système judiciaire d’un pays avant de s’aventurer à y investir. De ce point de vue l’axe 1 du Projet pastefien pour un Sénégal « souverain, juste et prospère », ne peut commencer que par le commencement, à savoir l’amélioration et la modernisation du système judiciaire pour ce qu’il appelle la « transformation systémique du Sénégal » en vue de sa richesse et d’une justice éthique. A quoi bon travailler pour une trasnformation systémique si la justice est défaillante !
Cet exercice ne saurait se faire cependant loin et sur le dos des citoyens. « L’objectif est de recueillir l’opinion des citoyens sénégalais sur le système judiciaire : son fonctionnement, ses services, ses pratiques… dans le but d’améliorer les politiques et les pratiques, pour une justice efficace et transparente, au bénéfice de chaque Sénégalais ». En associant les populations avec l’invite « Sa gis-gis ci doxaliinu yoon (ndlr : ton opinion sur la marche de la justice) », Diomaye brasse non seulement large, mais plus encore, il retourne l’ascenseur aux un peu plus des 54% des électeurs qui l’ont élu le 24 mars dernier. Par conséquent, la dimension politique n’est pas à écarter, à quelques semaines de la Déclaration de politique général (DPG) de son Premier ministre et faiseur de roi, Ousmane Sonko, et à quelques mois de ce qui ne peut manquer d’avoir lieu : la dissolution de l’Assemblée nationale et l’organisation prochaine des législatives. Sans opposition véritable et donc le désert qui fait face, Diomaye dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit. Promesse tenue.
Faire maintenant du Sénégal un « pays d’espérance, un pays apaisé, avec une justice indépendante et une démocratie renforcée » est autre chose. Mais on ne peut douter de l’ambition du tandem Diomaye-Sonko. Y parviendront-ils ? L’avenir le dira. Il est cependant à retenir que la modernisation de la justice et la protection des droits humains sur la liste des 5 orientations déclinées dans l’action gouvernementale est actée, comme promis, par celui qui a quitté la prison pour la campagne électorale avant de rentrer à la présidence le 3 avril 2024 chargé du sceau de chef d’Etat.
… le dialogue national une opportunité
Contre le dialogue national un an plus tôt, sous le magistère tentaculaire voire dictatorial du Président Macky Sall, on voyait plutôt le tandem Diomaye-Sonko dérouler tel un rouleau compresseur le Projet, ne prenant en compte que leur programme pour inscrire une dynamique gouvernementale axée sur les changements opérés de réformes et de ruptures brandies aux Sénégalais. Certes l’amélioration et la modernisation du système judiciaire procèdent des promesses, le dialogue lui moins, quand bien même on ne pourrait écarter son intelligence politique en faisant un anticipé de bon augure, dans un contexte socio-économique tendu pour ne pas dire crispé par un ralentissement de l’activité et de la circulation monétaire.
Les échanges avec le Front monétaire international, qui a rappelé aux nouvelles autorités sénégalaises les engagements pris par leurs prédécesseurs et l’obligation pour elles de les respecter sous peine de voir les financements s’arrêter dans l’attentes de solutions de paiement de la dette, ont déstabilisé et mis à nu les limites du nouveau pouvoir. Conscient des enjeux politiques, économiques et sociales, face aux services et amortissements de la dette s’élevant à 73,3% du PIB, environ 18 mille milliards FCFA, le tandem Diomaye-Sonko n’a guère le choix. Sa marge de manoeuvre est étroite, ce d’autant que la balance commerciale fortement déficitaire, plus de 60% (3984 milliards FCFA en 2023), conforte la fragilité de l’économie sénégalaise. Qui n’exporte pas ne truste pas les devises et n’est donc pas libre de choisir ce d’autant que le Senegal navigue dans les eaux des pays les moins avancés. Qu’est devenue d’ailleurs la terminologie en voie de développement. A noter que le déficit de la balance commerciale enregistré fin décembre 2023 dénote de l’important écart entre les exportations, 3224 milliards FCFA, et les importations 7208 milliards FCFA.
La réalité d’une économie sénégalaise extravertie, la faiblesse par ailleurs d’un secteur privé agressif et non soutenu, les difficultés de tenir les promesses sur la réduction des prix des denrées de première nécessité, de l’électricité dont il est heureux pour l’heure de voir le prix du baril de petrole Brent (83 dollars US) loin des années de braise de Me Abdoulaye Wade (150 dollars le baril), de l’eau, sont assez complexes pour ne pas susciter un débat, un dialogue national. Ce d’autant que les demandes de plus en plus soutenues des Sénégalais de s’approprier leurs richesses, notamment l’or et autres ressources minières, les Industries chimiques du Sénégal indianisés se multiplient et que par ailleurs l’émigration est sans répit, l’emploi, la formation l’employabilité sons des causes à effets défavorables nécessitant également un dialogue national. De ce point de vue, le dialogue de Diamniadio devient une opportunité à saisir et Diomaye fait bien d’y inviter les forces vives de la nation.
Car, c’est par ce canal qu’il mobilisera les « Sénégalais d’ici et de la diaspora autour d’un projet national fédérateur et orienté vers un futur serein. Un projet national respectueux des identités spécifiques, compris et partagés par tous, dans un esprit de solidarité, pour le bonheur de tous ».
Le contexte connu, le prétexte est d’aller vers une concertation franche de tous les acteurs impliqués dans le processus électoral pour parfaire le système électoral ; de revisiter et réviser le système de parrainage, il s’agit du mode de suffrage pour les élections législatives qui fera l’objet de larges concertations avec toutes les parties prenantes du processus électoral ; de définir par ailleurs une loi-cadre pour normer l’économie numérique ; enfin d’insérer les daaras (écoles coraniques) dans le système éducatif.
Qui disait que l’apprentissage du pouvoir ne s’exerce qu’au pouvoir. Le tandem Diomaye-Sonko l’apprend à son tour et le moins qu’on puisse est qu’il apprend vite et …
Maderpost / Charles Faye