Le Président Abdou Diouf au pouvoir, l’opposant Abdoulaye Wade n’a eu de cesse de le traiter de dictateur et de tripatouilleur à son avantage de la Constitution. Diouf était aussi dépeint par Wade – et Macky Sall, alors membre du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) – comme le champion de la confiscation des libertés.
TRIBUNE – Abdoulaye Wade arrivé au pouvoir en 2000, présentait les mêmes symptômes de la «maladie» que Diouf, d’après l’opposant Macky Sall et l’ensemble de la classe politique hostile au «pape du Sopi». Selon le patron de l’Alliance pour la République (APR), qui se disait prêt à envoyer plus de dix mille jeunes le déloger du palais présidentiel s’il s’entêtait à vouloir rester au pouvoir au terme de son second mandat, Wade est pire que Diouf.
Ousmane Sonko, le nouvel opposant arrivé sur la scène politique de manière presque anecdotique, estime pour sa part que Macky Sall est le diable en personne.
Wade et Diouf avaient souhaité un renouveau moral face au déclin de certaines valeurs fondamentales, et promis de gommer les abus et les effets pervers du système. Sauf que la cohérence profonde entre les paroles et les actes a, semble-t-il, fait défaut.
Il nous apparait en conséquence, et plus généralement, que nos hommes politiques, dès qu’ils accèdent au pouvoir, sont atteints de ce que l’on appelle le syndrome d’hubris. C’est-à-dire cet état d’arrogance et de surestime de soi qui conduit à des erreurs de jugement et à des comportements problématiques. Ils deviennent insensibles aux avertissements et aux critiques, peu disposés à admettre leurs erreurs, et donc incapables de maintenir une perspective humble et réaliste.
Il nous apparait également que l’ «ange» redevient le «monstre» aussitôt qu’il l’a combattu et vaincu. Il gouverne selon les mêmes règles et principes, autrement dit selon ses caprices, ses humeurs et ses désirs personnels. Il parvient toujours à se mettre au-dessus des lois en contrôlant les tribunaux, en noyautant les institutions, en éliminant ses opposants. Son discours ne varie pas : mystificateur et obscène qui souligne la réussite de son régime et vante son génie. Le peuple ? Une fiction utile dont on se sert pour asseoir sa légalité. Rien de plus. Ce peuple, justement, n’a plus l’intention de n’être que cet occupant insouciant et sans titre dans son pays ; un voyageur de passage dans sa propre Histoire.
La génération actuelle a désormais conscience qu’elle est comptable vis-à-vis des générations futures de ses actions et de ses dépravations. L’avenir jugera, il est donc impératif de construire le vivre-ensemble. C’est ainsi d’une nouvelle présence dont les Sénégalais ont besoin qui doit naître du désarroi d’un pays à la dérive.
Ousmane Sonko qui s’est affirmé sur la scène politique comme le chantre de l’antisystème a promis de «tuer» en lui le «monstre» et de nous «rendre» notre fierté et notre liberté. Le leader du parti Pastef sait-il seulement que pour nous rendre notre liberté il faudrait d’abord qu’il soit lui-même libre ? Et pour cela, il devrait savoir que le premier acte par lequel la liberté peut se révéler, c’est avant tout la prise de conscience de sa non-liberté.
S’opposer n’est pas ce qu’il y a de plus difficile, et le Sénégal n’a pas d’existence in abstracto. Le cas échéant, Sonko – ou n’importe quel opposant actuel – devra faire face à des réalités autrement plus complexes. Parce que le pouvoir est aussi conditionné et déterminé par des contingences multiples, endogènes et exogènes, objectives et subjectives.
Les Sénégalais ne sont plus dupes, si tant est qu’ils l’ont été. Ils jugent et apprécient sur la base des réponses que l’on apporte à leur pauvreté et à leur déficience. Et plus l’espoir est grand, plus la chute du «monstre» est dramatique.
Maderpost / Sud quotidien