Confrontés à un climat de suspicion dans un pays encore sous tension sanitaire, mais aussi à un certain racisme, les Africains vivent des moments difficiles.
CORONAVIRUS – Cela dit, malgré les relations entre la Chine et les États africains, les convergences de vues héritées de l’appartenance commune au mouvement des non-alignés lancé après la conférence de Bandoeng, en Indonésie, en 1955, ou issues d’une volonté commune de coopération Sud-Sud, les ressortissants africains ne sont pas toujours bien traités dans l’empire du Milieu.
Colère des officiels africains
Face à cette situation, la réponse des dirigeants du continent africain ne s’est pas fait attendre. “Rendez-nous immédiatement ces passeports”, s’est écrié Femi Gbajabiamila, président de la Chambre des représentants du Nigeria, lors d’une altercation avec les autorités sanitaires en blouses blanches à Canton.
Et il n’est pas le seul. Les ambassadeurs chinois à Lagos et à Accra ont été convoqués. Les diplomates africains à Pékin ont rencontré des représentants du ministère chinois des Affaires étrangères et “ont exprimé en termes très fermes leur préoccupation et leur condamnation des expériences troublantes et humiliantes dont nos citoyens ont été victimes”, a déclaré l’ambassade de la Sierra Leone à Pékin dans un communiqué vendredi.
Un diplomate nigérian défend les Nigérians maltraités en Chine. Les chinois expulsent les africains de leurs maisons au motif qu'ils seraient responsable de la propagation du #COVIDー19
en Chine. #Nigeria #ChinaMustExplain #BringKenyansInChinaHome pic.twitter.com/UQN2AnpJn6— 𓋹 𓂀 ☆ (@Imhotep____) April 10, 2020
Les diplomates ont rappelé aux bons souvenirs des autorités leur soutien à la Chine, en particulier au début de la pandémie. Il faut rappeler que certains pays africains dont les étudiants ou ressortissants se sont retrouvés bloqués en Chine avaient pris le parti des autorités chinoises et refuser de procéder à des évacuations.
De nombreux dirigeants africains avaient publiquement félicité Pékin pour sa réponse au virus sans compter que les images de l’aide chinoise à travers l’emblématique homme d’affaires Jack Ma livrant du matériel sanitaire font le tour des télévisions africaines depuis plusieurs semaines. Les médias sociaux ont été inondés de publications : #ChinaMustExplain et #BringKenyansInChinaHome ou encore “Nous ne voulons plus de vos masques si nos ressortissants sont victimes de racisme en Chine”.
Une affaire qui plombe la diplomatie sanitaire chinoise
Les incidents à Canton surprennent d’autant plus que, ces dernières années, la Chine a entretenu d’excellentes relations avec la plupart des États africains dans lesquels elle a beaucoup investi ces vingt dernières années. “La coopération sino-africaine est du ressort du gouvernement central. Mais l’application des règles de séjour, ça se passe au niveau local”, souligne Eric Olander, rédacteur en chef du site Internet China Africa Project.
“Cela explique l’incohérence entre les choses plutôt positives qu’on entend sur la diplomatie chinoise sur le continent et la réalité de plus en plus difficile à laquelle sont confrontés les commerçants, étudiants et autres expatriés africains en Chine.”
“Mon bureau a invité l’ambassadeur de Chine auprès de l’Union africaine, M. Liu Yuxi, pour lui exprimer notre extrême inquiétude au sujet des allégations de mauvais traitements d’Africains à Guangzhou (Canton)”, a indiqué le président de la commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat sur son compte Twitter officiel.
Mon bureau “a appelé à des mesures rectificatives immédiates, dans la droite ligne de nos excellentes relations”, poursuit le président de l’exécutif de l’UA.
Le Kenya s’est également prononcé. Un communiqué du ministère des Affaires étrangères a noté “des réponses injustes contre les étrangers, en particulier d’origine africaine”, de la part de certains habitants de Guangzhou, en particulier des propriétaires.
Les États-Unis à l’offensive
Les États-Unis dénoncent depuis des semaines l’absence de transparence de Pékin au début de l’épidémie, détectée initialement fin 2019 dans la ville chinoise de Wuhan, estimant qu’elle a retardé la réaction du reste du monde et ainsi coûté la vie à des milliers de personnes.
Malgré une trêve récente dans leur guerre des mots, les escarmouches se poursuivent entre les deux grandes puissances, déjà engagées dans une confrontation stratégique sur le plus long terme. L’administration de Donald Trump n’a pas manifesté un intérêt particulier pour le continent africain depuis l’arrivée du milliardaire républicain à la Maison-Blanche en 2017.
La Chine sur la défensive
Sous forte pression diplomatique, la Chine a rejeté dimanche tout “racisme” et promis “d’améliorer” son traitement des Africains dans la ville de Canton. “Les autorités du Guangdong attachent une grande importance aux préoccupations relevées récemment par certains de nos amis africains”, a indiqué dimanche soir Zhao Lijian, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
“Elles s’efforcent d’affiner et d’améliorer sans tarder leurs méthodes de travail”, a-t-il souligné dans un communiqué. Parmi les mesures annoncées figurent la fourniture de services de soins “sans discrimination”, la désignation d’hôtels pour les étrangers nécessitant un placement en quarantaine et des réductions de frais d’hébergement pour les personnes en difficulté financière.
Maderpost / Le Point