Avec deux décès et une évacuation chez les cas graves, moins de 100 lits de réanimation et uniquement 700 doses de chloroquines, le Sénégal devrait s’inquiéter davantage de la propagation du Covid-19, surtout avec la montée des cas communautaires. Le pays traverse une phase décisive.
CORONAVIRUS – Un premier mort, un malade évacué et, maintenant, un deuxième décès. Depuis que le coronavirus est arrivé au Sénégal le 2 mars dernier, la courbe des contaminations ne cesse de grimper. Dans un premier temps, les autorités sanitaires semblaient maîtriser la situation des malades. Mais il a fallu que les cas graves surgissent pour que les faiblesses du système de santé soit mises à nu. Trois cas graves pour presque zéro succès.
Première victime de la Covid-19 au Sénégal, Pape Diouf, l’ancien président de l’Olympique de Marseille, était sur le point d’être évacué en France. Les autorités sanitaires assurent qu’il a été bien pris en charge à Dakar. Soit ! Mais la décision de ses proches de l’envoyer hors de son pays, même pour des raisons médicales, pose le problème de la confiance au système de santé sénégalais.
D’ailleurs, les proches de Diouf seront confortés dans leur position par le deuxième patient qui a demandé, lui-aussi, à être transféré dans son pays d’origine. “Nous avons trois cas graves qui ont nécessité une assistance respiratoire. (…) Toutes ces personnes ont eu des comorbidités”, souligne Dr Bossou, Directeur du Crous.
Moins de 100 lits de réanimation et 700 doses de chloroquine
Seulement, tous ces patients qui ont atteint le seuil critique, sont soit décédés soit transférés. Certes, les trois susmentionnés n’ont pas été les seuls à développer des formes sévères. Deux autres patients sont passés par cette étape avant de revenir à un état plus stable. Mais, à aucun moment, ils n’ont eu besoin d’être placés sous respiration artificielle.
Au finish donc, ces trois cas graves viennent rappeler la difficulté, pour le Sénégal, de prendre en charge les cas compliqués, même si le professeur Mamadou Diarra Bèye s’en est défendu lors du point de presse du 2 avril. “On ne peut pas parler d’équipements et de non disponibilité du plateau technique. Des centaines d’évacuations sanitaires sont faites sur demande de la famille, parce que ce sont des patients qui résident à l’étranger”, avance-t-il.
Outre les équipements, il y a le nombre. Le Sénégal ne dispose, à ce jour, que de 56 lits de réanimation ; 40 autres sont en cours de mise à disposition. Ce qui fera un total de 96 lits, soit moins de 100 lits pour 15 millions d’habitants. A titre comparatif, le Maroc, avec 35 millions d’habitants, dispose déjà de plus de 1 600 lits de réanimation et se fixe un objectif de 3 000 lits.
Et même si le nombre de lits venait à être suffisant au Sénégal, il en manquerait encore des spécialités pour les utiliser. En effet, le Sénégal n’a que 96 anesthésistes-réanimateurs, public et privé réunis. Sans compter le déficit en médicaments avec uniquement 700 doses de chloroquine, selon le journal Vox populi. Et si l’on sait la compétition qui se joue actuellement entre les grandes puissances, on mesure les chances minimes du Sénégal à être bien servi.
Les alertes du Pr Moussa Seydi
Patron de la prise en charge médicale de la Covid-19, le professeur Moussa Seydi, lui, ne s’en est jamais caché. A plusieurs reprises, il a alerté sur le fait que le système de santé au Sénégal ne peut pas supporter une contamination à grande échelle, surtout si les cas grèves se multiplient.
“Tant que le nombre de cas est limité, il n’y a pas d’inquiétude. Mais plus le nombre augmente, plus la catastrophe risque d’arriver”, a-t-il averti sur la Rts, lors d’une interview diffusée le 27 mars. “Quand on ne dépasse pas un certain nombre de cas, la situation est encore sous contrôle, mais si l’épidémie continue de galoper, les morts seront inévitables”, avait-il ajouté.
Dans une autre sortie, il a utilisé le terme “catastrophe” pour qualifier la situation, si jamais le Sénégal faisait face à une explosion de cas du jour au lendemain. “Si on a, par exemple, mille malades avec une forme grave, on n’a pas mille respirateurs. Ceux qui n’en auront pas vont forcément mourir”, a-t-il prévenu.
Le discours est très clair ! Seulement, le Sénégal enregistre déjà des morts, alors qu’il n’est pas encore à cette ruée vers les centres de traitement. Ainsi, il y a de quoi s’inquiéter fortement, vu la progression de la maladie dans le pays.
Aujourd’hui, le Sénégal compte 244 cas positifs dont 113 guéris, 2 décès, 1 évacué. Ainsi, il reste encore 128 patients sous traitement. A la date du 2 avril, le pays avait 1 800 personnes en quarantaine. Un bassin assez important, surtout que la capitale a fini de devenir l’épicentre de la maladie. D’ailleurs, la réquisition par l’Etat de 4 hôtels à Dakar pour un total de 752 chambres en dit long sur la situation.
L’équation des cas communautaires
Il s’y ajoute qu’à ce jour, 7 régions sur 14 sont touchées. Pas moins de 20 des 50 districts sanitaires font face à la maladie. Le risque est plus que jamais réel, surtout avec une dissémination progressive dans la banlieue (Pikine, Keur Massar…). En atteste le retour des cas communautaires depuis quelques jours. Ce mercredi, 5 malades sont issus de ce mode de contamination.
Et c’est justement le scénario que redoutent les autorités sanitaires. Lors de la conférence de presse du 2 avril, où le ministère de la Santé faisait le point un mois après l’arrivée du virus au Sénégal, docteur Abdoulaye Bossou, n’avait pas caché son inquiétude. Le Dr Bousso avait révélé que les cas communautaires représentent 4 % de l’effectif total, mais il ne fallait surtout pas se laisser endormir par le chiffre.
“Si on arrive à maîtriser ces entrées de nouveaux patients, il nous restera 4 % qui paraissent bas, mais qui vont être très importants à partir de la semaine prochaine. Parce que si on n’arrive pas à maitriser ces cas, l’épidémie peut aller dans un sens qui peut être difficile pour nous. Ces 4 % peuvent être, après, très déterminants”, prévient-il.
Généralisation du port du masque
C’est d’ailleurs ces cas communautaires qui ont amené le ministre de l’Intérieur à suspendre la délivrance des autorisations de sortie au-delà de 20 h. A moins que le motif ne soit lié à une maladie, un transfert de corps sans vie ou une raison professionnelle. L’objectif étant de barrer la route au développement des cas communautaires.
À cette mesure s’ajoutent d’autres déjà prises la semaine dernière, à savoir le prolongement du couvre-feu pour un mois, la prolongation des vacances scolaires et universitaires jusqu’au 4 mai, l’interdiction (sur le papier ?) du transport interurbain… Et il faut sans doute s’attendre à d’autres.
En effet, le ministère de la Santé, qui n’avait jamais caché son scepticisme quant à l’efficacité d’un port du masque généralisé, a déjà changé de discours. La tendance, c’est d’aller vers la généralisation du port du masque, pour que toute personne infectée ne puisse pas transmettre la maladie. “Au ministère, on encourage le port du masque, pour que la contagion ne puisse pas se faire à d’autres”, a déclaré docteur Aloyse Waly Diouf, Directeur de cabinet du ministre de la Santé.
“Le gouvernement ne fait que créer une légende…”
Et pourtant, il suffit d’aller dans n’importe quel marché du Sénégal pour se rendre compte que le brassage est encore très intense. Dans les transports, la réalité est presque la même. Sans oublier l’entêtement d’une partie de la population. Tous les jours, les médias font état de cérémonies familiales interrompues par des forces de l’ordre, avec interpellation des organisateurs.
Certains ne sont toujours pas convaincus de l’existence de la maladie. “Le gouvernement ne fait que créer une légende lui permettant de justifier des dépenses afin de bouffer l’argent public“, répètent des citoyens à travers des vidéos sur les médias sociaux ou discussions de groupes.
D’autres, prenant exemple sur la fermeture des mosquées, considèrent la pandémie de la Covid-19 comme une histoire des Occidentaux destinée à combattre la religion, “avec la complicité des Blancs à la peau noire”.
Autant de raisons qui font que le Sénégal reste très exposé au coronavirus, avec des moyens assez limités pour la prise en charge, notamment des cas graves.
Au finish, la chloroquine reste presque le seul espoir, sur le plan médical, pour vaincre la maladie. Pour le reste, il faut espérer que le professeur Didier Raoult ait raison, lorsqu’il déclare que “l’Afrique tropicale est relativement protégée au coronavirus par rapport aux autres pays”.
Un argument basé non pas sur le climat, mais sur l’utilisation assez importante des antipaludéens qui peuvent conférer une certaine “immunité” à cette population. Un bon paravent pour éviter le déluge attendu et promis à l’Afrique, après l’échec de l’Occident à combattre le virus.
Maderpost / Seneweb
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