L’événement, a-t-il eu tout l’écho qu’il méritait ? Les dernières élections organisées le vendredi 12 novembre à l’Assemblée générale de l’ONU ont vu, pour la deuxième fois de l’histoire, un sénégalais faire son entrée dans la Commission du droit international de l’ONU, une institution certainement prestigieuse.
ONU – En effet, celle-ci regroupe une trentaine de membres, éminents professeurs ou jurisconsultes, provenant de toutes les régions du monde et dont la fonction consiste à être en quelque sorte l’atelier juridique des Nations Unies. C’est le Professeur Alioune Sall, juriste brillant et dont la rigueur scientifique est unanimement reconnue dans les milieux académiques et judiciaires, qui « remplace » en quelque sorte un autre juriste tout aussi talentueux, Maître Doudou Thiam, qui aura également été le ministre des affaires étrangères du président Senghor. C’est dire que ce qui s’est produit n’est pas banal.
Lorsqu’un pays renoue avec une institution soixante ans après l’avoir quittée, l’événement doit être magnifié. Il s’agit bien de la reconnaissance d’une compétence. Professeur agrégé puis titulaire de droit (arrivé premier au concours), licencié en lettres, avocat, M Sall est également sorti major de l’examen du barreau ainsi que de la mise en concurrence des prétendants aux postes de juges à la Cour de justice de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Le professeur Sall aura donc porté trois robes ou toges : celle de l’avocat, celui du Juge et celui du professeur. Il a donc connu le droit sous tous ses angles pourrait-on dire : l’angle du théoricien (professeur ou doctrinaire), l’angle du plaideur (avocat) et l’angle du juge impartial.
Les écrits du nouveau membre de la prestigieuse institution onusienne tournent autour des questions de l’intégration régionale et de la justice internationale. L’évolution des aspects institutionnels de l’intégration a été l’objet d’un ouvrage écrit par le professeur Sall en 2007, « Les mutations de l’intégration des Etats en Afrique de l’Ouest, une évolution institutionnelle ». Puis sont venus les ouvrages sur la justice, dont on peut citer trois notamment : « La justice de l’intégration. Réflexions sur les institutions judiciaires de la CEDEAO et de l’UEMOA », « L’affaire Hissène Habré, aspects judiciaires nationaux et internationaux », « Le contentieux de la violation des droits des droits de l’homme devant la Cour de justice de la CEDEAO » et le dernier, « L’émotion et la Raison. L’Afrique face à la justice internationale », qui date de 2020 et dans lequel l’auteur entreprend une réflexion sur le rapport de l’Afrique à la justice internationale en général, et à la justice pénale en particulier.
A côté de son activité d’écriture, le Professeur Alioune Sall a travaillé avec des organisations internationales, notamment dans la perspective de la rédaction de projets de conventions, comme le projet de convention sur la circulation des armes légères en Afrique de l’Ouest ou les textes relatifs au Parlement de l’Union africaine.
Cette expérience très riche sera nécessaire dans une institution comme la Commission du droit international. En effet, celle-ci doit non seulement faire un travail de formalisation des pratiques des Etats, mais elle doit en permanence tenter de concilier les points de vue divergents de ces Etats. C’est pourquoi son travail n’a pas seulement une dimension technique, il a certainement aussi un aspect politique. Tout le travail de la Commission du droit international est passé en revue par l’1Assemblée générale de l’ONU, sous l’autorité de laquelle la CDI travaille.
Le Professeur Sall, qui a fait partie des personnalités choisies aussi bien par le pouvoir que par l’opposition dans le cadre du dialogue politique (commission cellulaire dirigée dans un premier temps par feu le Général Mamadou Niang), doit sans doute être rompu à l’art de trouver des compromis entre positions divergentes, ce dont il aura certainement besoin dans ses nouvelles fonctions de mise en forme ou de conception du droit international. La diplomatie sénégalaise, notamment notre représentation diplomatique aux Nations Unies, peut donc s’enorgueillir d’avoir réussi, avec l’élection du professeur Alioune Sall, un beau coup. C’est un baume au cœur pour tous les sénégalais, après la défaite largement inexpliquée du professeur Abdoulaye Bathily prétendant à la direction de la Commission de l’Union africaine. Avec la brillante élection du Professeur Alioune Sall, non seulement notre pays retrouve un organe qu’il avait quitté depuis longtemps, mais notre diplomatie renoue avec le succès. En effet, le résultat électoral réalisé par notre compatriote est particulièrement remarquable : arrivé deuxième sur une quinzaine de candidats, le professeur a été élu dès le premier tour. Le secret d’une telle réussite doit sans doute être trouvé dans l’excellence du parcours du Professeur Alioune Sall et dans l’activisme – au bon sens du terme – de notre réseau diplomatique à Dakar et à New York. Espérons que l’élection du Pr Sall et notre retour dans un organe aussi important que la CDI constitueront les signes annonciateurs d’autres victoires diplomatiques, servies par des candidatures aussi sérieuses et solides que celle qui vient d’être récompensée.
Maderpost / Sudonline