FINANCE – Tout ça va se jouer dans les jours qui viennent. Après la journée catastrophe sur les marchés financiers et un week end de réflexion, les banquiers internationaux cherchent en effet toutes les solutions possibles pour empêcher l’Italie d’entrainer d’abord l’Europe, puis le monde, dans une nouvelle crise financière.
Tous les milieux financiers appréhendent la semaine qui se termine et la prochaine.
Vendredi dernier, tous les marchés ont très mal réagi à la décision du gouvernement italien d’aller au bout de ses promesses électorales.
Ce qui s’est passé correspond à un scénario que personne ne souhaitait évidemment.
Acte 1 : le gouvernement a fini par proposer un projet de budget en déficit de 2,9 % alors que l’Italie était jusqu’alors calée sur une ligne inférieure à 2%.La coalition des partis antisystème (le mouvement 5 Etoiles et la Ligue) a donc gagné son bras de fer contre le ministre des Finances qui, lui défendait une position plus rigoureuse dans le respect des engagement pris avec l’Union européenne.
Cette décision a été immédiatement perçue comme une agression envers l’Union européenne et le système bancaire international. D’autant que tout le monde sait que le mouvement 5 Etoiles a la ferme intention de revenir sur la gestion sociale et de proposer des baisses d’impôts et des augmentations de prestations sociales sur le chômage, la maladie et les retraites. Parallèlement, le gouvernement a le projet de lancer des investissements importants sur les grands équipements de transport, routes, autoroutes, tunnels et ponts.
Acte 2 : ces décisions ont donc plongé les marchés dans le doute : la bourse de Milan a perdu 4%, les banques ont été sévèrement attaquées, ce qui a entrainé à la baisse toutes les bourses d’Europe. Wall Street a dérapé et surtout, les taux d’intérêt appliqués à l’Italie se sont redressés à plus de 3,14%. Or, si les taux remontent ainsi, le cout de refinancement de cette dette va suivre et comprimer l’activité.
Ce qui a beaucoup troublé les opérateurs, c’est que depuis les élections italiennes et l’installation de ce gouvernement, ils avaient cru que l’équipe au pouvoir ne bousculerait pas les équilibres aussi brutalement.
Alors, le dérapage budgétaire n’est pas catastrophique puisqu’on reste en dessous de la contrainte des 3%, mais le signal envoyé aux marchés est très mauvais. On s’attend donc cette semaine à ce que les agences de notation dégradent l’Italie, ce qui ne fera qu’accroitre encore plus la pression sur les taux d’intérêt.
En bref, pour les investisseurs et pour la Commission de Bruxelles, l’Italie n’est pas loin de rejoindre la Grèce dans le club des mauvais élèves de la zone euro.
Acte 3 : les membres du gouvernement italien ne cessent pas depuis vendredi dernier de multiplier les déclarations rassurantes en affirmant que cette politique économique va booster l’activité et la croissance et qu’au bout du compte, tout le monde s’y retrouvera. “Nous voulons rembourser la dette et je peux vous assurer que la dette baissera, grâce à la croissance économique inattendue qui sera générée par le budget et de forts investissements”, a assuré Luigi di Maio, le vice-premier ministre italien qui essaie de temporiser pour éviter le conflit avec Bruxelles.
A priori, les besoins de financement de l’Etat italien sont considérables. Le projet d’agenda des émissions d’emprunts publics pour 2019 dépasserait les 400 milliards d’euros. Soit le double des besoins de financement d’un pays comme la France qui est déjà considéré comme très gourmand.
A priori donc, le projet italien (baisses d’impôts conjuguées à l’accroissement des dépenses sociales et aux investissements de relance) est absolument impossible à financer sur les marchés internationaux à des conditions acceptables. Le premier risque est de voir l’épargne italienne s’enfuir du pays alors qu’elle pèse déjà très lourd dans le financement de la dette publique.
Maintenant, toute la question est de savoir comment ramener l’Italie à une politique économique compatible avec ses moyens. L’Italie n’est pas la Grèce, l’Italie, troisième puissance de la zone euro, est systémique, d’où l’inquiétude. Cela dit, que faire qui permette à l’Europe d’assumer cette épreuve et qui n‘aille pas à l’encontre des décisions démocratiques prises à Rome ? L’Europe toute entière est traversée par des courants anti européens qui observent à la loupe tout ce qui peut se passer.
A priori, les partenaires européens vont se garder de donner des leçons comme ils l’avaient fait avec la Grèce.
A priori, Bruxelles ne devrait pas entamer immédiatement une procédure de sanction à l’encontre de l’Italie.
Mais la présidence de l’Union européenne ne pourra pas ne pas engager une négociation politique avec l’Italie sur la sincérité de son engagement dans l’euro.
La force des pro-européens, c’est la confiance que les italiens conservent dans la monnaie unique. Tous les sondages le montrent. En dépit des succès des partis extrémistes, populistes de droite ou de gauche, nationalistes et identitaires, les italiens tiennent à l’euro.
Les dirigeants de la Ligue et du mouvement 5 Etoiles savent très bien quelle est la ligne jaune qu’ils ne peuvent pas franchir. Pas question pour eux d’envisager de quitter l’euro. Leurs électeurs ne l’accepteraient pas. Exactement comme en Grèce.
Les membres de l’Union européenne savent très bien les problèmes que l’Italie doit régler, notamment dans la gestion des migrants où ils se retrouvent bien souvent seuls. Il faudra donc les aider.
Cela dit, nulle part en Europe, ni à Bruxelles, ni à Paris, ni à Berlin, on n’acceptera très longtemps que le gouvernement italien aille à Washington, à Pékin ou dans les pays du Golfe pour essayer d’ouvrir des lignes de crédit afin de financer les dettes.
Ce que le gouvernement italien a déjà commencé de faire, donnant ainsi des idées aux Polonais et aux Hongrois. La tournée en Europe de Steve Bannon s’inscrit dans la même logique. Séduire les européens pour mieux désintégrer l’Union européenne.
La situation économique est déjà risquée, la situation politique va devenir dangereuse, si l‘Italie n’atterrit pas sur un compromis acceptable à la fois par l’Union européenne et par les antisystèmes du gouvernement.
Jean Marc SYLVESTRE