Barthélémy Toye Dias est-il désormais l’homme à abattre parce qu’il pourrait être l’un des grands gagnants du dialogue national appelé de ses vœux par le Président Macky Sall dont il semble de plus en plus clair qu’il ne sera pas de la présidentielle de 2024 si présidentielle il y a ?
POLITIQUE – L’attaque de sa maison, mardi, par des individus encagoulés des heures après celle des ministres Matar Ba, Serigne Mbaye Thiam et d’autres confirme non seulement le malaise entre le maire de Dakar et le leader de Pastef assigné à « résidence surveillée », depuis qu’il été interpellé dimanche matin par des gendarmes à Koungheul (Sud-Est), mais pire encore, leur rupture, voire une lutte à mort, en vue du leadership national pour la présidentielle 2024.
Sonko – Barthélémy, la rupture
La rupture semble d’autant consommée que le maire de Dakar a laissé entendre, lors d’une l’émission, mardi, à la 7TV, qu’il ne fera aucun cadeau à son nouvel adversaire, si jamais il envoyait à nouveau des individus pour s’en prendre à lui ou à sa famille. Barthélémy Dias n’a nommé personne, mais tout indique que ses mots étaient destinés à Ousmane Sonko avec qui tout se conjugue peut-être désormais au passé.
La nouvelle posture de Dakar Barthélémy Dias a autant évolué ces dernières semaines qu’elle s’étend sur l’échiquier politique national et pourrait s’accélérer pour toquer le tocsin plus tôt que prévu si besoin en est. On peut en juger par ses appels répétés aux familles religieuses des communautés musulmane et chrétiennes, à ses allusions répétitives quant à la possibilité pour la grande muette de prendre le pouvoir si les politiques décidaient de faire descendre dans la rue leurs contentieux politiques, et ses nombreuses invocations à Dieu lors de son émission toujours sur la 7TV.
La journaliste et promotrice de la 7TV, Maimouna Faye, a beau avoir insisté sur sa candidature en 2029 que Barthélémy Dias hermétique à ce sujet est resté sur les réalités du moment, soutenant même qu’il ne faut pas insulter l’avenir, ce d’autant qu’il a toujours considéré que « l’ambition est le moteur de la vie ». Pour celui qui « s’est toujours mis derrière les autres afin de les servir », 2024 peut bien être une opportunité sur laquelle il ne faut pas cracher si elle se présente.
Macky Sall, le détonateur de Yewwi
C’est semble-t-il ce que le Président Macky Sall lui a fait comprendre ou du moins ce que nous avons compris quand il l’a félicité publiquement, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture du 6e Forum mondial de l’économie sociale et solidaire début mai à Dakar, sur la qualité de son travail à la mairie de Dakar. Mieux, le Président Sall a poussé plus loin le bouchon, l’invitant à suivre sa voie, « doxal sa dox ». Autrement dit : Ouvre les yeux Barth. L’allusion pleine de malice du Président Sall résonne encore assez fort pour ne pas sonner aux oreilles comme la pomme de discorde qu’il a savamment envoyée dans le jardin rocailleux et l’entente fragile de Yewwi Askan Wi. Macky Sall aurait-il voulu installer la zizanie dans le camp rebelle en intronisant publiquement Barthélémy Dias sur le trône de la coalition de l’opposition la plus représentative qu’il n’aurait procédé autrement. Barthélémy Dias le dit lui-même : « Le Président Macky Sall est d’une intelligence redoutable ».
Macky Sall a donc réussi son coup divisionnaire, quelques jours seulement après le procès remporté par son ministre Mame Mbaye Niang sur l’opposant le plus en vue Ousmane Sonko, pour qui le dialogue national n’a aucun intérêt sinon celui d’introniser… son champion et candidat. En l’occurrence Barthélémy Dias. Ce d’autant que l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, candidat à la présidentielle et l’ancien tout puissant ministre d’Etat Karim Wade également annoncé pour les joutes de février 2024 attendent que l’Assemblée nationale se prononce sur leur avenir. Le hic est qu’ils n’ont pas le temps pour eux, tant tout s’accélère, avec, d’un côté, un délai qui semble de plus en plus court, et de l’autre, un septembre marquant probablement la clôture du délai (de 180 jours du scrutin) des dépôts de la caution des candidatures à la CDC pour ladite présidentielle et avançant à grand pas. Rien n’est sûr cependant, on peut se tromper.
Au deal crie Sonko
Toujours est-il que dans sa dernière communication, Ousmane Sonko parle de deal et de comploteurs prêts à tailler un costume présidentiel sur mesure à l’un d’entre eux. Le patriote en chef ne manque pas de laisser croire que le Président Macky Sall joue d’ailleurs un rôle mineur dans cette tentative de l’écarter de la course présidentielle et de choisir un futur président dans leur rang. Sonko n’a pas donné de noms, pas encore, mais il fait comprendre au moins une chose, que le Président Macky Sall ne fera pas partie de la prochaine campagne présidentielle. D’où le durcissement contre Barthélémy Toye Dias et les attaques qu’on lui prête, perpétrées contre ce dernier qui ne s’est pas privé de dire qu’il est prêt à croiser le fer avec n’importe qui et surtout avec celui qui lui cherchera des noises.
Au regard de tout ceci, il n’étonne pas que Barthélémy Toye Dias soit la nouvelle tête du Turc de Pastef, ce d’autant que son poids politique est grandissant. En témoignent ses visites dans les familles religieuses et sa confiance affichée, même s’il reste et se réclame serviteur de Khalifa Sall. Reste à savoir jusqu’à quand. Laissés sur le carreau, Khalifa Sall, qui ne pourra plus se présenter en 2029 et Karim Wade, ne pourront que faire contre mauvaise fortune bon cœur et s’en remettre à Barth qui fera leur affaire, à la grande joie de Macky Sall puisque le maire de Dakar « ne touchera aucun de ses cheveux ni sa famille », même s’il reste intransigeant sur l’impossibilité pour le président de briguer un troisième mandat. Il l’a dit et répété. Reste à dire aussi que Barthélémy Dias a affirmé et réaffirmé que Khalifa Sall est son candidat pour la présidentielle de 2024 même s’il lui apprend, en direct à la télévision, qu’il ne sera pas de la cérémonie d’ouverture du dialogue national ce mercredi 31 mai.
C’est peut-être cette nouvelle situation qui semble sourire à Barth qui a amené le leader de Pastef à s’en prendre ouvertement à lui, laissant entendre que le maire de Dakar aura trahi un des dix points de la charte de Yewwi Askan proscrivant « tout compromis » et « toute compromission » avec le Président Macky Sall. Toutefois, rien ne dit encore à Ousmane Sonko et à tous d’ailleurs que Dias sera candidat à la présidentielle de 2024.
Khalifa Sall étant encore dans les starting blocks, leader de Barthélémy Toye Dias et candidat déclaré de Taxawlu. D’où la grande difficulté pour Ousmane Sonko de s’attaquer directement et exclusivement à Barthélémy Dias qui reste tout de même un poids lourd de la coalition. D’un autre côté, Sonko qui ne pourra que se plier à un autre point de ladite charte de Yewwi Askan Wi voulant que le candidat le mieux placé de la coalition bénéficie des consignes de votes des autres candidats, même s’il reste circonspect sur la candidature de Khalifa Sall. Quoi qu’il en soit, le leader de Pastef sur qui se referme l’étau n’a plus beaucoup de marge de manœuvres sinon celle d’inviter les Sénégalais à descendre dans la rue. Ce qui ne peut prospérer.
Dans la perspective d’une inéligibilité pouvant survenir à la suite de ses deux procès (pourvoi en cassation pour le procès contre Mame Mbaye Niang et celui contre Adji Sarr), Ousmane Sonko serait dans une posture qui lui dicterait des retrouvailles, avec des consignes de vote qu’il donnerait en vue de bénéficier plus tard d’une grâce présidentielle ou d’amnistie votée par la nouvelle Assemblée nationale. On n’en est pas encore là, mais que dire de notre culture de la politique. Du grand art certainement.
Maderpost