REGULATION – Après deux mandats de trois ans, Saër Niang devait céder son moelleux fauteuil de Directeur général de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) au mois de février 2017. Le processus de sa succession avait pourtant été enclenché, parallèlement à des réformes institutionnelles. Dans tous les cas, le décret rapportant celui qui avait prolongé son mandat fait «qu’il ne peut plus répondre de l’Armp» et ses actes sont désormais attaquables devant la Cour suprême.
Sa mission est noble. “Au terme de l’article 2.13 du décret régissant son fonctionnement, l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) doit produire un rapport annuel sur l’efficacité et la fiabilité du système de passation, d’exécution et de contrôle des marchés publics et délégations de service public, assorti de toutes recommandations susceptibles d’y apporter des améliorations”.
Elle ne saurait donc s’accommoder de décisions pouvant entacher sa réputation. Mais le maintien de Saër Niang à son poste, malgré la fin de son mandat à la tête de l’Armp depuis février 2017, n’est pas de nature à consolider la réputation du régulateur.
“Son mandat a été prolongé jusqu’à la finalisation de la réforme institutionnelle en cours relative à la transformation de l’Armp en une Autorité de régulation de la commande publique”.
Seulement, le président de la République était revenu sur sa décision en signant, le 19 avril 2017, le décret n°2017-559 rapportant celui n°2017-349 du 24 février 2017 portant prolongation du mandat du Directeur général de l’Autorité de régulation des marchés publics.
Contrairement à un nouveau DG dont le mandat de trois ans est irrévocable, Saër Niang, en plus d’être dans une position fragile devant l’autorité de nomination, est, au regard de la loi, frappé d’illégitimité.
Depuis la publication du décret rapportant celui qui avait prolongé son mandat, tous ses actes sont attaquables devant la Cour suprême.
Ce que confirme un juge de la Cour suprême contacté par L’Observateur : “Si Saër Niang est élu pour un mandat donné, le décret va proroger son mandat et dans ce cas, il reste en fonction. Mais si on rapporte ce décret, il doit quitter. Les actes pris par lui peuvent être attaqués, parce qu’il y a un défaut de qualité. Il n’a plus de qualité, donc l’acte n’est plus valable. S’il est maintenu pour la mise en œuvre des réformes, ce n’est plus la peine de rapporter le décret. Mais comme le décret a été rapporté, normalement, il doit partir. Il ne peut plus répondre au nom du service.”
Pour préparer la succession de Saër Niang, le Gouvernement avait aussi commis le cabinet de recrutement “Profil”, dirigé par Pape Madické Diop. Ce dernier est le fils de feu Me Mbaye Jacques Diop, ancien président du Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales (Craes).
Docteur en Sciences de Gestion et diplômé de l’ESSEC de Paris, M. Diop, administrateur du Groupe “Profil”, a une longue expérience de consultant, d’enseignant et de praticien, au Sénégal et à l’étranger, dans les domaines des ressources humaines et de l’organisation.
Il a avec son équipe, épluché les dossiers de quelque quarante candidats à la succession de Saër Niang et dressé une short list, puis auditionné les concernés, avant de retenir trois noms, soumis, avant l’expiration du mandat de Saer Niang en février 2017, à l’appréciation du Premier ministre. Mahammed Boun Abdallah Dionne, à son tour, a fait une proposition au président de la République.
Mais depuis, Macky Sall n’a pas apposé sa signature pour rendre effectif le remplacement de l’actuel Directeur général de l’Armp. Or la finalisation des réformes institutionnelles, qui justifiait son maintien, ne peut plus servir de prétexte.
De plus, le comité de réflexion sur la rationalisation des Organes de la Commande publique (Crocp), créé par le Premier ministre par arrêté n°10298 du 13 mai 2015, conformément aux directives du Chef de l’Etat à travers la lettre n°00751 du 07 novembre 2014, a fini ses travaux depuis longtemps.
Ce comité était dirigé par Samba Diop, Conseiller spécial du Premier ministre en gouvernance, et composé, entre autres, de représentants des administrateurs et organisations comme l’Ige, la Primature, le ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, le ministère de la Promotion des Investissements, l’Armp, le Conseil des Infrastructures (Cdi), la direction centrale des marchés publics, le secteur privé (Cnes et Cnp) et la société civile, représentée par le Congad.
Après onze rencontres, dont deux séminaires durant la période du 15 octobre 2015 au 30 juin 2016, ce comité a produit un rapport dont le draft est daté du 31 aout 2016.
Pour la mise en œuvre des recommandations du comité de réflexion, qui devait incomber à son successeur, mais qui justifie son maintien, Saër Niang n’a posé aucun acte administratif.
Les six recommandations du comité de réflexion sont toujours en attente d’exécution.
L’une d’elle porte sur la création d’une unité, Expert PPP, rattachée au ministère chargé des Partenariats publics-privés et assumant, entre autres, les missions de contrôle d’opportunité et de validation technique des projets.
Or la loi PPP, initiée par le ministère de la Promotion des Investissements, est inopérante, faute de décret d’application.
Autant d’arguments avaient sans doute poussé l’ancien président de la Centif, Ngouda Fall, à dire lors de l’émission Grand Jury de la Rfm du dimanche 29 juillet, que “Saër Niang a terminé son mandat. Qu’il parte ou qu’on nous dise les raisons de son maintien”.
C’est une exigence pour les parangons de la vertu, qui n’ont cessé de chanter la gouvernance sobre et vertueuse.
Saliou GACKOU/L’OBSERVTEUR