Amadou Ba sera le porte-étendard de la coalition Benno Bokk Yaakaar, lors de la présidentielle de février 2024. Le Premier ministre a été choisi samedi par le Président Macky Sall. Ancien socialiste dans les années 90, il s’était éloigné de la politique avant de revenir en force à partir de 2014. Seneweb avait dressé son portrait à l’occasion de sa nomination au poste de chef du gouvernement en septembre 2022.
PORTRAIT – Analystes politiques, adversaires de parti et même ses propres partisans ont fini de se tromper à son sujet. Parachuté à la populeuse et stratégique commune des Parcelles Assainies, Amadou Ba, Premier ministre, était vu par l’opinion comme un néophyte en politique bombardé tête de liste du département de Dakar lors des Législatives 2017. Au point que certains se demandaient quelle mouche a bien pu piquer Macky Sall pour qu’il agisse ainsi.
Il faut croire que de vieux socialistes avaient soufflé à l’oreille du patron de l’Apr. En effet, Amadou Ba, responsable politique aux Parcelles Assainies, c’est plutôt la résurrection d’un dinosaure. Loin d’être en terrain inconnu, Amadou Ba connaît parfaitement les réalités politiques des Parcelles assainies, bien avant l’arrivée de Macky Sall au pouvoir.
Ancien responsable du Parti socialiste des années 90, il a sillonné ce quartier de jour comme de nuit, à la rencontre de militants et sympathisants. ‘’Il restait là jusqu’à 2h du matin avec nous à faire du porte-à-porte’’, se souvient Serigne Wagane Sougou, un ancien baron socialiste de la zone, aujourd’hui hors du champ politique.
Sandwichs pour les enfants, direction PA
En fait, l’homme passait plus de temps dans son fief politique que dans sa maison à Nord Foire. ‘’Il était aux Parcelles de 13h à 14h 30 mn, puis de 21 à 3h et même parfois 4h du matin. Il lui arrivait, à midi, d’acheter des sandwichs pour ses enfants, de les laisser à la cathédrale pour filer directement aux Parcelles assainies’’, ajoute une vieille militante habitant Nord Foire, autre témoin privilégié de l’époque.
D’ailleurs, le véhicule du jeune loup s’est tellement embourbé dans les rues sablonneuses du quartier, qu’il a dû se doter d’un instrument adapté en cas de besoin. ‘’Il avait une pelle dans le coffre de sa voiture. A chaque fois qu’il était pris au piège, il sortait la pelle. Tout en sueur, il dégageait le véhicule avant de continuer ses activités’’, ajoute la dame.
Protégé de Diop le maire
Pour mieux comprendre le passé politique de l’Apériste, il faut replonger dans le contexte de l’époque. Avec Amadou Ba, l’histoire semble se répéter. Coup d’œil sur le rétroviseur. 1996 ! A la veille des Locales, Tété Diédhiou quitte les verts pour rejoindre le Parti démocratique sénégalais (PDS).
Derrière lui, un poste de coordonnateur d’une entité spéciale propre aux Parcelles dénommée Union locale. Il fallait donc le remplacer. Le Bureau politique désigne Lamine Fall. Mais au même moment, il y avait une bataille féroce entre Mamadou Diop, puissant maire de Dakar, et la direction du Ps, via la personne d’Abdoulaye Diack, chargé de la supervision de toutes les coordinations de Dakar.
Diop le maire avait besoin de placer aux Parcelles un homme de confiance, un leader charismatique. Jeune cadre aux impôts et domaine, l’inspecteur est coopté pour servir de cheval de Troie. ‘’A chaque fois qu’on organisait une assemblée générale pour désigner le nouveau coordonnateur, une tendance Amadou Ba s’est dégagé. Finalement, on était obligé d’avoir deux coordonnateurs : Amadou Ba et Lamine Fall’’, confie un des acteurs de l’époque sous l’anonymat.
La bataille avec Tété Diédhiou
Celui qui n’était qu’un figurant dans les années 94 devient subitement un responsable de premier plan. En 1996, il est élu conseiller municipal à la ville de Dakar pour le compte des Parcelles. Aux Législatives de 1998, il est désigné par Mamadou Diop pour être le député de la zone. Mais le poste va aiguiser les appétits au point que la proposition est retirée.
En plus d’avoir perdu cette bataille, Amadou Ba et Lamine Fall vont devoir faire face à Tété Diédhiou, revenu en force et décidé à les envoyer sur la corde. Diédhiou convoque une assemblée générale un week-end à l’issue de laquelle il devrait être le seul maître à bord. Mais surprise ! ‘’Amadou Ba a attendu au milieu de la nuit pour trouver un cyber café et envoyer à la presse un communiqué qui dit que l’Assemblée générale a été annulée. Au réveil, le camp de Diédhiou était surpris d’entendre les médias annoncer le report de la manifestation. Ce fut un vrai fiasco’’. Diédhiou arrive tout de même à gagner le titre de coordonnateur, soit trois coordonnateurs pour la même union locale.
Il faut dire qu’entre Amadou Ba et le Ps, c’est une longue histoire. En effet, avant le fils Amadou, sa mère Marième Baal, décédée à quelques jours des Législatives de 2017, était présidente des femmes de la sous-section allant de l’unité 1 à 6 des Parcelles Assainies. Un militantisme qu’elle a débuté à Grand-Dakar. Une fois son entrée en politique effective, le jeune Amadou a demandé à sa maman de se retirer de la jungle pour se consacrer à des actions sociales, au profit certainement du leader montant.
Kognou Bagarre à Niary Tally
Si Marième Faye Sall est connue pour son rôle derrière Macky Sall, la femme d’Amadou Ba s’est aussi distinguée derrière son mari. Aïssatou Ba de son vrai nom, originaire de Thiès, celle qui est surnommée Belly a monté des cellules de femmes presque partout à Dakar, en plus de faire dans le social. « Elle est très engagée, mais très effacée. On dirait qu’elle a peur. Quand on dit Belly, elle dit : Non, c’est Marième », confie une militante de longue date à Niarry Tally.
Responsable politique, Amadou Ba peut être critiqué sur sa gestion, mais ses qualités humaines lui sont reconnues. Moussa Sy accuse le coordonnateur de Benno aux Parcelles Assainies de faire cavalier seul. Il loue cependant l’autre face de l’homme. « Il ne commet pas d’acte malsain pour des profits. C’est quelqu’un de très positif et très humain dans ses rapports avec les autres », souligne le socialiste qui ajoute que Ba ne verse jamais dans les invectives ou la violence. Il est toujours calme, quelles que soient les circonstances.
Né à Grand Dakar, celui qu’on appelait Bayal (Amadou Bayal Ba) a passé son enfance dans un milieu très chaud. Le quartier ‘’Kognou Bagarre’’, où il a fait ses premiers pas, portait bien son nom à l’époque. ‘’Il fallait être un dur à cuire pour vivre dans ce coin, se souvient Cheikh Ndama, plus âgé que Amadou de quelques années. Il y avait ici toute sorte de voyous, des fumeurs de chanvre indien ».
Relations avec le privé national
Mais le fils de Ibrahima Ba et Marième Baal s’était toujours tenu à l’écart, lui qui sortait très peu. C’est ainsi qu’il réussit ses études d’abord à l’école primaire Route des puits, à quelques mètres de la maison familiale, abandonnée dans un état de délabrement manifeste (du moins quand nous étions de passage en 2018). Il fait ensuite le lycée Maurice Delafosse puis l’université Cheikh Anta Diop.
Avec Amadou Ba, c’est le retour de Monsieur PSE. En effet, c’est lui qui est allé défendre le Plan Sénégal émergent au club de Paris en 2014, puis en 2018. Ministre des Finances, il était devenu un peu trop puissant au goût de certains apéristes, et probablement de Macky Sall qui l’envoie aux Affaires étrangères après la présidentielle de 2019 avant de le sortir du gouvernement.
Avec son retour en puissance aux affaires, le secteur privé ne sera sans doute pas rassuré. Quand il était au ministère de l’économie, le patronat le considérait comme celui qui bloquait le secteur privé national. D’ailleurs, la sortie du président du Cnes, Adama Lam, sur la Tfm sonne comme une mise en garde. Amadou Ba devrait aussi être plus discret sur les chiffres, lui que le Pr Moustapha Kassé qualifiait en 2015 de ”ministre des médias”.
Maderpost / Seneweb